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26-02-2014
Mots clés
Agriculture
France
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Ces vaches d’hier qui nous nourriront demain

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Oseille est une Nantaise de 15 ans, comme le signalent ses yeux maquillés, ses cornes noires et sa robe froment. Jusqu’à la Seconde guerre mondiale, 150 000 de ses parentes servaient aux champs. Dans les années 1980, en Pays de la Loire, on comptait moins de 50 vaches aux prés. Elles sont aujourd’hui 600.

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Kleuzig, une Bretonne pie noire, pèse 450 kilos. A 7 ans, elle produit un peu plus de 5 000 litres de lait par an. Elle se contente de fourrage grossier, ce qui la rend particulièrement intéressante dans les exploitations bios qui visent l’autonomie alimentaire.

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Faite, une Saosnoise de 838 kilos, est la digne descendante des anciennes populations bovines Percheronne et Mancelle. Cette dernière race a complètement disparu. Elle doit sa survie au Conservatoire des races animales en Pays de la Loire.

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Dragée et Espérance, deux Villard-de-Lans, viennent de la ferme d’Anne Orard, à la Chapelle-en-Vercors (Drôme). Chaque jour, entre avril et novembre, quand le plateau n’est pas enneigé, elles font une heure de marche aller-retour sur des sentiers caillouteux pour aller aux pâturages, sans problème de sabots. « Elles ont les pieds durs ! », aime à dire leur propriétaire.

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Virole est une Mirandaise de 681 kilos. Comme ses congénères, toutes du Gers, elle est particulièrement résistante à la chaleur. Il y a vingt ans, seules 88 femelles vivantes peuplaient encore le département. Aujourd’hui, près de 425 se répartissent sur 80 troupeaux. Et la semence de 16 taureaux de quatre familles mâles peuvent assurer une relative diversité génétique.

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Fourmaj est une Armoricaine de 500 kilos à la caractéristique robe rouge. Les représentantes de cette race ne mesurent qu’un peu plus de 1,30 mètre au garrot. Même s’ils restent très modestes – quelque 166 bêtes en tout –, les effectifs ne cessent d’augmenter.

 
La moitié des races hexagonales a failli disparaître il y a 30 ans. Leurs descendantes font aujourd’hui vivre des centaines d’éleveurs, la plupart en bio et en circuits courts. Rencontre au Salon de l'agriculture.
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Faite, Kleuzig et Hepona hésitent sous les projecteurs du ring, l’enclos de défilé bovin du hall 7. Au Salon de l’agriculture, à Paris, les trois vaches, une Saosnoise, une Bretonne pie noir et une Armoricaine, effrayées par la foule et le bruit, ignorent tout du symbole qu’elles représentent. Elles sont pourtant des survivantes, dignes descendantes de trois races qui ont failli s’éteindre, désormais pudiquement nommées, « à petits effectifs ». Accoudée à la rambarde, Clémence Morinière s’émeut. « Aujourd’hui, on nous ouvre les portes, mais il y a trente ans, ces vaches auraient été virées manu militari de n’importe quel salon agricole : elles ne correspondaient pas à la modernité et n’avaient pas le droit de cité », raconte l’animatrice technique de la Fédération des races de Bretagne.

Car une bonne moitié de la quarantaine de races bovines françaises revient de loin. De l’après-guerre plus précisément, qui faillit bien avoir raison de leur carcasse. L’époque est à l’urgence alimentaire, il faut nourrir la France. Place aux bêtes productives ! Du lait et de la viande pour le peuple affamé ! Les tracteurs faisant également leur entrée aux champs, les races rustiques, qui servaient à la fois à la traction et à l’alimentation, n’ont plus d’intérêt aux yeux des humains. Adieu la Béarnaise, la Bleue de Bazougers, la Maraîchine et la Casta, la Villard-de-Lans et la Bordelaise… Vive les Montbéliardes et les Prim’Holstein, heureuses élues de ce plan de production de masse, en lait ou en viande. Il fallut quelques décennies pour venir à bout des vaches à tout faire. Mais aux alentours des années 1970, on y était presque. Ces derniers fossiles vivants n’allaient pas tarder à débarrasser le plancher.

Races rustiques, rarement malades, bien adaptées à leur terroir

Il fallut la détermination de rares groupes d’éleveurs, puis le réveil des pouvoirs publics pour sauver in extremis quelques troupeaux. La Bretonne pie noire fit l’objet du premier plan de sauvegarde national. Une réussite. De 300 animaux en 1975, les effectifs ont été multipliés par cinq en trente ans. 70 éleveurs en ont désormais des troupeaux entiers, dont 90% en bio. Les 16 races dites à petits effectifs – appellation qui correspond à moins de 4 500 bêtes par race – représentent désormais un peu plus de 8 500 vaches. C’est certes huit fois plus qu’il y a trente ans, mais toujours 0,05% du cheptel bleu blanc rouge. « En nombre d’animaux, c’est ridicule, mais si l’on parle de diversité génétique, c’est énorme », souligne Léa Charras, de l’Institut de l’élevage, en charge des plans de conservation de 13 races, soit un tiers du patrimoine génétique bovin.

Car, paradoxalement, ces réservoirs de gènes sur pattes pourraient bien incarner l’avenir. Races rustiques, rarement malades, bien adaptées à leur terroir, elles se contentent volontiers des pâtures locales, parfois chiches, épargnant à l’éleveur l’achat de rations alimentaires. « Elles n’entrent donc pas en compétition avec l’alimentation humaine, explique Mickaël Brochard, chef du service de gestion et de sélection des populations à l’Institut de l’élevage. Par ailleurs le changement climatique engendrera inexorablement une augmentation des problèmes sanitaires : c’est peut-être dans leur patrimoine que l’on trouvera des caractère résistants aux nouveaux parasites et pathologies émergentes. »

« Une Bretonne, c’est comme une Deuch ! »

Si la recherche mise sur elles pour la pérennité du cheptel français, les éleveurs, eux, redécouvrent petit à petit ces animaux aux qualités oubliées. « On nous appelle les races en conservation, comme si nous étions des boîtes de conserve, bonnes pour les musées, alors que ce type d’élevage est tout à fait rentable ! », lance Clémence Morinière, de la Fédération des races de Bretagne. Car ces bêtes ont des atouts pour qui veut sortir du système intensif. « On leur a reproché de ne pas produire assez, mais aujourd’hui, les consommateurs veulent de la qualité et nos agriculteurs de l’autonomie : elles sont parfaites sur ces deux points », ajoute l’animatrice.

En dix ans, Gaby Le Hir n’a en effet pas été déçu par la Bretonne pie noire. Les 18 hectares de sa ferme de Plounéour-Ménez, dans le Finistère, suffisent à nourrir son troupeau d’une douzaine de Bretonnes. Ancien vacher en Haute-Savoie, Gaby Le Hir s’est inspiré des fromages AOC de ses anciens troupeaux. Chez lui, une vache produit quelque 5 000 litres de lait par an qu’il transforme avec son épouse en fromages. « Nous préférons avoir moins de lait, mais être assurés d’une bonne “fromageabilité” : si le lait caille mal ne serait-ce qu’une fois, notre production du jour est foutue ! », explique-t-il. D’abord écoulés sur les marchés et à la ferme, ses produits sont aujourd’hui demandés par tous les restaurants du secteur et il aura bientôt du mal à honorer les commandes. « Une Holstein, c’est une Formule 1, quelques grands prix et c’est cuit ; alors qu’une Bretonne, c’est comme une Deuch, ça va plus lentement mais plus loin ! », sourit-il en gardant un œil sur Kleuzig, placide dans son box du hall 4, que quelques gamins essayent de titiller.

Des vaches qui résistent bien aux coups de chaud

La Froment du Léon, dont le cheptel français compte à peine 300 femelles, produit le lait le plus riche en bêtacarotène de l’Hexagone. Sa couleur jaune-orange fait un beurre doré. Et parlez-en donc à Christophe Cabaret, éleveur à Saint-Servais, dans les Côtes-d’Armor. Il est venu avec Fourmaj, une belle rouquine armoricaine, à qui il vient de renouveler sa ration de foin. Derrière lui, le stand de promotion des industries du lait a organisé un jeu concours. Christophe est encore à moitié hilare de ce qu’il a entendu sortir des mégaphones : « Avec une Holstein, il leur faut 22 litres de lait pour faire un kilo de beurre, moi, j’utilise 14 litres ! », se marre-t-il. Chez Christophe, où la terre est tellement acide que seuls poussent ajoncs et genêts, les pâtures conviennent pourtant bien à ses 8 petites bêtes, dont les 5 quintaux chacune – une plume face à la tonne et demie d’une charolaise – ne défoncent pas les fragiles sols.

Reste que ces lignées demeurent fragiles. Le cheptel de la Froment du Léon est si restreint que trois éleveurs possèdent à eux seuls 70% des représentantes de la race. « Si un seul s’arrête sans relève derrière, ce sera peut-être la boucherie », se désole Clémence Morinière. Dans le Gers, Daniel Danflous a bien du mal à agrandir son troupeau de Mirandaises. Dans les années 1970, son père avait converti la quasi-totalité du troupeau en Blondes d’Aquitaine. Dans la ferme d’Ornezan, Daniel rame toujours pour inverser la vapeur. « Je manque de reproducteurs et de vaches, il faut attendre que des papis qui en ont encore prennent leur retraite », explique-t-il. Ses vaches, qui résistent particulièrement bien aux coups de chaud, intéressent pourtant des éleveurs en Espagne et en Afrique du Nord. Mais impossible de songer à de tels échanges tant il est déjà difficile d’approvisionner le boucher. La délicate viande persillée dont il vante la finesse remporte pourtant un franc succès. Béret sur la tête, il se dit peut-être qu’il en touchera deux mots au ministre qui doit passer demain…

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  • Les écolos zoophages défendent les esclavagistes tortionnaires.

    Que sont-ce ces races si ce n’est création humaine, tel les teckels et les caniches.

    Un site de plus à virer de mes favoris, viandard à souhait.

    3.03 à 10h57 - Répondre - Alerter
  • Dans l’agriculture moderne préconisée par le développement agricole, il faut en moyenne un hectare pour nourrir une vache.

    Dans l’agriculture que je voudrais défendre, avec bien d’autres, sur un hectare, une famille peut produire une centaine de fruits et légumes différents, plus la vache, plus des volailles, plus le compost issus des fumiers, plus une autonomie énergétique issue des sous-produits...

    Dans cette agriculture, on ne vend pas. On donne ! Mais pourtant, en recevant des familles un petit cadeau en remerciement des paniers de produits, le paysan gagne plus que s’il vendait, les contraintes de pesées ou de mesures en moins. Les clients deviennent des amis.

    Cette agriculture, dite symbiotique, est en voie d’expansion rapide sur tous les continents. Et les vaches et autres animaux sur ces surfaces, sont des races locales.

    Voir le film de Marie-Monique Robin : Les moissons du Futur.

    27.02 à 11h33 - Répondre - Alerter
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