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De Cancún à Rio, en passant par Durban

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De Cancún à Rio, en passant par Durban
(Légende : la secrétaire exécutive de la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique Christiana Figueires et la présidente de COP16 Patricia Espinosa. Crédit photo : DR)
 
Européens divisés, Japonais indécis, Américains impuissants : après les avancées de la conférence sur le climat au Mexique, il reste deux ans avant le sommet de la Terre au Brésil pour faire bouger les lignes.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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La conférence de Cancún s’est terminée ce vendredi sur un accord. Obtenu notamment grâce à la pugnacité, à l’agilité et au talent de Patricia Espinosa, ministre mexicaine des Affaires étrangères et présidente de la COP16, cet accord donne au climat un nouveau départ, non sous l’égide d’un pays ou d’un groupe de pays, mais de manière concertée entre toutes les nations, chacun apportant sa vision propre au débat. « C’est un petit pas pour le climat, mais un grand pas pour le multilatéralisme », dit Greenpeace. Assurément, oui.

Techniquement, les avancées sont faibles. Afin de limiter les risques de friction, l’accord a été construit pour porter sur des orientations et des approches, plus que sur des objectifs précis et des allocations contraignantes de moyens. Mais quelques progrès notables ont été enregistrés. Ainsi, l’accord REDD+ sur les forêts a été adopté. C’est un point de départ, qui permet désormais de s’entendre rapidement sur le niveau et les formes de compensations pour lutter contre la déforestation. De même, un fonds vert a été officiellement créé, avec un engagement de dotation de 100 milliards de dollars par an (75 milliards d’euros), mais sans précision quant au mode de financement. Ces deux résultats sont symboliques de l’état actuel de la négociation internationale entre Etats.

L’accord sur la forêt témoigne d’une conscience partagée de valoriser le rôle des Etats dans le climat. Mais la déforestation est en grande partie la conséquence d’une mondialisation effrénée du contexte du bois liée à un transport trop peu onéreux, deux leviers sur lesquels les Conférences des Parties (COP) ne négocient pas. Le sujet est en effet possédé d’une part par les relations commerciales entre Etats, d’autre part par les financiers et les acteurs du commerce international, et répond souvent à un acte d’achat conscient des individus.

La création d’un fonds vert procède d’une excellente idée qui consiste à préfinancer globalement l’économie de la transition vers l’efficacité énergétique, par des mécanismes de coopération. Soit ce fonds vert devient le théâtre de nouveaux modes de coopération, probablement déconcentrés et décentralisés donc moins dépendant des Etats, soit il sera un outil de plus pour acter de dépenses commerciales des grandes sociétés occidentales, qui auraient été effectuées quoi qu’il advienne, en les labellisant « vert », et il rate son objectif.

Le décryptage de ces deux avancées est significatif du ton donné à Cancún, nouveau départ des relations entre Etats : nous sommes dans la realpolitik revisitée à l’aune du multiculturalisme. Les Etats avouent désormais à demi-mot que la lutte contre le changement climatique se gagnera à l’échelle des territoires, de manière déconcentrée et décentralisée. Comme l’a souligné Marcelo Ebrard, Maire de Mexico et président du Conseil des maires sur le changement climatique, « le rôle des gouvernements locaux est désormais reconnu ».

Ce nouveau pas étant franchi à Cancún, que faire ? D’une part, il est urgent de sécuriser la route vers Durban (COP17) pour construire un accord contraignant (dit « legally binding ») pour la période post-Kyoto, à la portée la plus large possible. Cela se fera dans un contexte où les jeux entre Etats changent. Ainsi, la Bolivie, avec Evo Morales, tient désormais un discours décomplexé qui concilie fermeté et ouverture envers des Européens autrefois moteurs mais désormais divisés et quasiment inaudibles, des Japonais difficiles à saisir et des Américains, Etats-Unis comme Canada, impuissants sur le sujet faute de consensus maîtrisé entre les fédérés.

D’autre part, la préparation de la conférence Rio +20, confiée à Elizabeth Thompson et Brice Lalonde, ouvre la porte sur un nouveau prisme mondial pour repenser le problème climatique. Il est temps de bouger prodigieusement les frontières de la gouvernance mondiale dont nous avons besoin pour contenir le climat (et rester dans la fourchette des +2°C théoriquement ciblée, vraisemblablement +3,5°C en pratique) et maîtriser l’adaptation là ou c’est nécessaire. Et cela nécessite de beaucoup bouger les lignes.

Deux initiatives semblent prioritaires pour cela : apprendre à décider ensemble plus vite et infléchir globalement l’économie.

Quiconque a participé à une COP revient frappé de la longueur des prises de parole et de la difficulté d’aligner 197 représentants. Qui pourtant de ces 197 représentants a, au moment où il s’exprime, un impact direct sur le sujet ? La question dérange, elle est cruciale pour que les négociations sur le climat soient suivies d’effet. C’est cela, apprendre à décider plus vite : mettre autour de la table les acteurs qui ont disons 70% d’influence sur un sujet donné, et faire en sorte qu’ils deviennent prêts à s’engager. Nous verrons alors que les 30% restant suivront, à leur rythme, en les aidant si nécessaire, mais globalement la décision sera plus facile à prendre, et certainement plus rapidement suivi d’effets, eux-mêmes plus robustes et durables. L’ICLEI, l’association internationale des villes et gouvernements locaux, l’a bien compris, qui fédère des territoires représentant près de 70% des émissions sur le globe et volontairement engagés dans des initiatives ambitieuses.

Mais l’accélération de ce processus de décision risque de n’être qu’un feu de paille si elle n’est pas couplée de mécanismes permettant d’infléchir l’économie en redonnant une valeur au carbone et au gaspillage des ressources. L’éco-conditionnalité, terme qui mûrit de plus en plus dans les forums économiques internationaux, doit désormais être un thème central des négociations économiques, que ce soit au G20, aux Nations unies (comme par exemple à la Commission des Nations unies pour le droit commercial international), mais également dans toutes les conventions internationales catégorielles, bancaires notamment.

Appliquer en avance ces principes d’éco-conditionnalité de la commande et des subventions publiques permettrait d’accélérer très fortement la transition en donnant un signal fort au marché. Cela suppose soit une réforme profonde de l’Organisation mondiale du commerce et des institutions financières internationales (FMI et Banque mondiale notamment) dont les politiques sont quasiment fermées à ce principe, soit la création d’une Organisation mondiale de l’environnement.

Rio, en 1992, a démontré le rôle de l’homme dans le changement climatique, et insisté sur la nécessité de s’organiser pour infléchir ce changement. Quel agenda serait plus ambitieux et opérationnel pour Rio +20 que celui d’aboutir à une Organisation mondiale de l’environnement, qui installe autour de la table les acteurs qui peuvent agir le plus vite pour infléchir le climat, et s’engage globalement et de manière contraignante sur une manière d’y parvenir, avec prévalence sur les impacts économiques, douaniers et financiers. Cancún ouvre la voie à un nouveau mode d’action politique, pragmatique, déconcentré et décentralisé, mais à petits pas. Nous pouvons agir pour sécuriser le post-Kyoto à Durban et pour que Rio +20 mette en place une gouvernance environnementale mondiale contraignante. Et cela, c’est notre affaire à tous, citoyens et consommateurs.

Nicolas Imbert s’exprime dans cette chronique à titre strictement personnel.

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Nicolas Imbert est directeur de Green Cross France et Territoires. Green Cross, ONG créée par Mikhaïl Gorbatchev en 1993, se focalise sur le lien entre environnement, économie et société. Par des actions de plaidoyer et des projets concrets, elle s’engage pour un futur plus durable, à travers ses 34 organisations nationales.

4 commentaires
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  • Quelle utilité pour Durban si tout se décide au Rio+20 ? Est-ce que cela va être une conférence technique de suivi de Cancun ? Ou un passage de relai et l’occasion d’une nouvelle dynamique

    20.12 à 00h54 - Répondre - Alerter
  • Le texte est moins enthousiaste, mais finalement assez proche sur le fond de celui de Corinne Lepage. Vous voyez un rôle plus important pour les territoires, vous pouvez détailler ?

    Très intéressante cette perspective sud-américaine également - on n’en entend pas assez parler en Europe et en France - c’est bien de voir que d’autre agisse alors que la France utilise le temps de Cancun pour saper toutes ses avancées développement durable (consommation énergétique record, énergies renouvelables en berne, efficacité énergétique en pointillés - il ne reste plus rien en France de l’élan de Copenhague et du Grenelle). Au moins, on voit que d’autres avancent mieux et plus vite.

    15.12 à 11h24 - Répondre - Alerter
  • Si la solution se trouve du côté des territoires, pourquoi ne pas demander aux états de se faire représenter par ces territoires. En France, par exemple, les régions ont des initiatives très intéressantes dans la lutte contre le climat (notamment Poitou-Charentes, Picardie...), des villes aussi (Nantes, Terra Eco doit en savoir quelque chose, ou Paris..). Ce pourraient être à elles de porter la parole de la France, avec plus de crédibilité que le gouvernement empêtré dans la manière dont il a fait du Grenelle une bulle sans contenu

    14.12 à 09h59 - Répondre - Alerter
    • LostInClimate : Et la France, au fait ?

      Au fait, quelle était la position de la France à Cancun ? Quelqu’un l’a entendu ? Il y avait un représentant ?

      16.12 à 00h03 - Répondre - Alerter
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