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19-01-2011
Mots clés
Géopolitique
Armement
Climat
Monde

Le bilan carbone… d’une guerre

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Le bilan carbone… d'une guerre
(Crédit photo : Andy Dunaway/Department of US Defense)
 
Quelle quantité de gaz à effet de serre émet un conflit armé ? Une question indécente ? Cynique ? En tout cas, malheureusement bien de notre époque.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Un affrontement d’envergure « limitée » mettant en jeu 50 têtes nucléaires d’une puissance de 15 kilotonnes chacune (1) : 690 millions de tonnes de CO2 eq.

La guerre en Irak entre 2003 et 2009 : 250 à 600 millions de tonnes de CO2 eq.

Les coûts humains directement imputables aux guerres sont si importants qu’il paraît mal venu de mesurer leur impact sur le changement climatique. Malheureusement, la guerre joue un rôle important dans notre société. Et il ne faut pas oublier qu’à elles seules, les émissions d’une guerre peuvent avoir un impact humain important sur une région du globe.

Dans un travail universitaire – peut-être le seul du genre –, un chercheur américain a tenté de mesurer le bilan carbone d’une guerre atomique. Sa conclusion ? Même lors d’un « affrontement de petite envergure » incluant 50 têtes nucléaires d’une puissance de 15 kilotonnes, les seuls incendies déclarés dans les villes entraîneraient l’émission de 690 millions de tonnes de CO2 (2). Un tel affrontement provoquerait aussi le rejet de 313 millions de tonnes de suie dans l’atmosphère. S’ensuivrait alors un refroidissement des températures qui viendrait contrebalancer le réchauffement dans les premières années après l’affrontement.

Trois allers-retours Londres-Hong-Kong en avion

Mais une guerre n’a pas besoin d’être nucléaire pour afficher un lourd bilan carbone. A l’heure où j’écris ces lignes (en 2010, ndlr), le coût de l’opération militaire américaine en Irak depuis 2003 est estimé à 1 300 milliards de dollars (965 milliards d’euros). 600 autres milliards de dollars (445 milliards d’euros) doivent venir financer à vie les soins de santé des soldats blessés (3). Nous pouvons utiliser les données de notre modèle (4) pour donner une estimation grossière du bilan de l’opération américaine : de 160 à 500 millions de tonnes de CO2 eq. pour les activités militaires et environ 80 millions de tonnes supplémentaires pour les soins de santé dispensés aux soldats. Ceci exclut les émissions directes liées aux combats. Ajoutez quelques pour-cents supplémentaires pour prendre en compte les forces de la coalition. Ajoutez également 1% pour inclure le bilan carbone des rebelles, largement moins bien équipés. Le chiffre global devrait atteindre 250 à 600 millions de tonnes. Soit approximativement ce qu’émettrait l’ensemble de la population britannique en trois allers-retours Londres-Hong-Kong en avion.

La question des émissions liées aux guerres commence à devenir gênante (et presque impossible du point de vue méthodologique) lorsqu’on inclut les émissions indirectes dues aux décès et l’impact économique plus large de la guerre. Dans son exemple nucléaire, le rapport évoqué plus haut estimait le nombre de morts à 17 millions, soit l’équivalent d’un quart de la population britannique. En faisant simple, si chacune de ces personnes avait un impact similaire à la moyenne des Britanniques, l’économie de carbone rendue possible par leur disparition pourrait compenser les émissions directes de la guerre en quelques années. En d’autres mots, l’extermination massive est un moyen efficace de réduire les émissions. Mais quand on cherche à protéger les humains, les exterminer c’est un peu comme se tirer une balle dans le pied.

(1) Comme la fabrication d’un objet ou la pratique d’une activité peut entraîner l’émission de plusieurs gaz à effet de serre à la fois, et chacun dans des quantités différentes, le bilan carbone, s’il est calculé en détails, peut devenir vite très complexe. L’usage veut ainsi que l’on exprime le bilan carbone en équivalent carbone ou CO2 eq. L’impact total sur le changement climatique de tous les gaz à effet de serre est alors transformé et exprimé en quantité de dioxyde de carbone. Pour en savoir plus sur le bilan carbone, cliquez ici.

(2) Voir l’article « The carbon footprint of nuclear war » (l’empreinte carbone de la guerre nucléaire), paru dans The Guardian le 2 janvier 2009 et le « Rapport sur les solutions au réchauffement climatique, à la pollution de l’air et à la sécurité énergétique » signé par Marc Z. Jacobson.

(3) « Une guerre à 3 000 milliards de dollars », de Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie en 2001, et Linda Bilmes.

(4) En utilisant les données de l’Office national des statistiques britanniques, World Consulting Ltd et l’université de Lancaster ont développé un modèle qui mesure le CO2 eq. émis pour chaque livre sterling de valeur créée. Les calculs se fondent respectivement sur les chiffres de 0,33 et de 0,22 kg de CO2 eq. par livre sterling pour les dépenses britanniques en défense et les services de santé avec un taux de change moyen de 1,6 dollar par livre. Les chiffres se fondent sur l’hypothèse que les industries américaines et britanniques ont la même intensité en carbone. Le modèle utilisé exclut les émission directes résultant des combats. Une marge d’erreur importante reste possible.

Cet article, tiré du livre « How bad are bananas ? The carbon footprint of everything », de Mike Berners-Lee (éd. Profile Books, 2010), est traduit et republié avec l’autorisation de l’auteur.

Traduit par Delphine Bernhard et Olivier Fauvel, « lecteurs responsables » de Terra eco ayant répondu positivement – et nous les remercions – à notre appel. Si vous voulez les rejoindre :

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Directeur du cabinet Small World Consulting spécialisé en bilans carbone, Mike Berners-Lee est l’auteur de « How bad are bananas ? »

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