publicité
haut
Accueil du site > Actu > Opinion > Luis Sepúlveda, le shérif Obama et les indiens
10-05-2011
Mots clés
Géopolitique
Point De Vue

Luis Sepúlveda, le shérif Obama et les indiens

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
Luis Sepúlveda, le shérif Obama et les indiens
(Crédit photo : DR)
 
Pour l'écrivain Luis Sepúlveda, la mort d'Oussama Ben Laden montre que les Etats-Unis ont revêtu une nouvelle fois leur costume de shérifs du monde. L'auteur chilien juge même que l'anti-impérialisme est une nécessité vitale.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
SUR LE MÊME SUJET

Tandis qu’Obama semblait se rapprocher peu à peu de la Maison-Blanche, une idée s’est répandue : un vent nouveau allait souffler sur le monde. Pas une tempête, mais une légère brise chargée de respect et capable de sortir les Etats-Unis de la barbarie légale.

Ce concept de « barbarie légale » est une idée à peu près compréhensible par tout être humain, indépendamment de sa race, de sa couleur de peau ou de sa croyance religieuse. Mais pas par les Américains. L’assassinat d’Oussama Ben Laden et de quelques autres qui accompagnaient l’exécrable leader terroriste, démontre une fois de plus que, pour les Américains, le principe de la légalité n’est qu’un désagrément mineur dans le western des relations internationales.

Le président Obama, figé dans une attitude dramatique à la Maison-Blanche, alors qu’il attendait les résultats de l’opération, s’est lui même chargé de dissiper tout espoir de respect du droit international. A cette occasion, le « Yes we can » de sa campagne électorale a pris toute sa signification : les Américains peuvent bien continuer à jouer les shérifs avec leurs fourches et leurs croix du Klu Klu Klan. Obama a démontré qu’à ses yeux et aux yeux de tous les Américains, il n’y a aucune différence entre les conventions internationales – qui évoquent l’inviolabilité des frontières – et le règlement de la NRA (National Rifle Association).

Depuis la mort de Ben Laden, la Maison-Blanche diffuse au compte-goutte les détails de l’opération. On sait que le cerveau du 11 septembre a été tué dans une offensive militaire secrète au Pakistan. On sait qu’il n’était pas armé et que d’autres personnes ont été tuées au cours de l’assaut. On sait aussi que le gouvernement pakistanais n’était pas informé du lancement de cette opération sur son propre territoire. Dans un langage dépourvu d’ambiguïté, la Maison-Blanche a par ailleurs admis avoir utilisé la torture pour localiser le terroriste le plus recherché de la planète. Puis, Washington a diffusé un petit film d’animation montrant l’inhumation en haute mer de Ben Laden dans le respect des rites musulmans et sans doute pour apaiser les membres d’Al-Qaida survivants. Fin d’une opération impeccable qu’on croirait calquée sur un scénario de Buffalo Bill.

Il y a toutefois quelque chose qui a changé aux Etats-Unis : c’est la couleur de peau des cow-boys. Jamais auparavant on avait vu des cow-boys noirs au générique du cinéma américain. Visiblement, la décoloration des Afro-Américains commencée avec Michael Jackson a abouti à la présence d’un John Wayne noir dans le salon ovale de la Maison-Blanche.

Le Pakistan est un Etat faible, corrompu et membre du club des pays atomiques, mais c’est une nation souveraine et un Pakistanais – perplexe certes – occupe un siège aux Nations unies.

Rien ne justifie la pratique de la torture dans le but d’obtenir des informations d’ennemis supposés. Et encore moins le maintien en activité de lieux de détention et d’extermination comme Guantánamo. Mais tout cela ne tient finalement que du concept. Aux yeux du shérif planétaire et des dirigeants européens bellicistes et discrédités, ces principes n’ont aucune valeur. Au nom de la lutte antiterroriste, l’Irak a été détruit et pillé. Mais avant cela, pour déstabiliser l’ex-Union soviétique, on avait armé les Talibans en Afghanistan avec à leur tête - déjà - un certain Oussama Ben Laden. Puis la guerre avait éclaté, précipitant les Etats-Unis et leurs alliés dans une impasse très similaire à l’aventure du Viet-Nam.

Plus récemment, et poussés par leur ardeur guerrière, les Sarkozy, Zapatero, Berlusconi et Brown ont décidé que le colonel Kadhafi avait cessé d’être un ami de l’Occident. Ils ont donc lancé une guerre sans autre objectif que de détourner l’attention de leurs problèmes économiques internes.

Dans le même ordre d’idée, on commence à entendre parler de sanctions envers la Syrie, préambule à une nouvelle aventure militaire dans la région. Si le 7e régiment de cavalerie attaque les Apaches, pourquoi faudrait-il laisser les Sioux et les Comanches sans châtiment ? Obama, avec son dédain pour le droit international, sa passion pour la torture comme détonateur de l’opération EKIA (1), son mépris des « dégâts collatéraux » - euphémisme pour caractériser les autres victimes en opération - a finalement prouvé qu’il n’était qu’un dirigeant de plus, semblable à ses prédécesseurs. Rien n’a changé aux Etats-unis, leur politique extérieure non plus. Le singe est toujours singe, fût-il vêtu de pourpre.

Aujourd’hui, l’anti-impérialisme est une nécessité vitale. Il faut d’urgence faire partir tous les dirigeants européens et ceux qui n’ont même pas bronché pour dénoncer cette dernière fanfaronnade qui nous ramène à la « politique de la canonnière ».

Un esprit doit de nouveau courir le monde : un esprit anti-impérialiste et éthique capable de faire face aux débordements et à la complicité de ceux qui tiennent les rênes du système.

(1) EKIA, Enemy Killed in Action, ennemi tué au combat.

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter

Luis Sepúlveda est un écrivain chilien né le 4 octobre 1949 à Ovalle. Il est l’auteur notamment de Le Vieux qui lisait des romans d’amour. Il a travaillé pour Greenpeace, milite à la Fédération des droits de l’homme et réside en Espagne.

3 commentaires
TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
  • Luis Sépulvéda a raison quand il affirme :
    Plus récemment, et poussés par leur ardeur guerrière, les Sarkozy, Zapatero, Berlusconi et Brown ont décidé que le colonel Kadhafi avait cessé d’être un ami de l’Occident. Ils ont donc lancé une guerre sans autre objectif que de détourner l’attention de leurs problèmes économiques internes.
    Rien ne justifie la pratique de la torture
    et de concept de « barbarie légale »
    pour ma part,je parlerais de Terrorisme d’Etat.

    Aux USA la peine de mort n’est tjrs pas abolie, la vente d’armes pratiques courantes.Cette société impérialiste n’est vraiment pas un modèle à suivre.

    21.05 à 10h49 - Répondre - Alerter
  • sublime article !
    rien d’autre à ajouter

    11.05 à 11h58 - Répondre - Alerter
    • Heureusement que Sepulveda n’est pas à la maison blanche ! je pense qu’à sa place, contraint par la réalité, il aurait fait pire qu’Obama, prof de droit international.

      Il nous a épargné la comédie du procès, merci Obama.

      11.05 à 16h47 - Répondre - Alerter
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas