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16-09-2009
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Interview

Rapport Stiglitz : accords et désaccords

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Rapport Stiglitz : accords et désaccords
 
Jean Gadrey et Enrico Giovaninni, deux économistes qui ont participé au travaux de la commission, divergent sur les recommandations du rapport Stiglitz visant à développer de nouveaux indicateurs pour mesurer la richesse des nations.
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Terra eco : Que pensez-vous du rapport de la commission ?

Jean Gadrey : "C’est évidemment un événement à saluer. Un nombre important d’experts de renom a reconnu les fortes limites au PIB. C’est une victoire. J’ai néanmoins des réserves vis-vis de ce rapport. La méthode a laissé peu de place à la société civile. On a fait de l’expertise en chambre. La commission était composée à 90% d’économistes. Ce n’est pas la même chose que si on avait eu autour de la table WWF, les Amis de la Terre ou le réseau Alerte. Du coup, j’étais par exemple le seul à soutenir l’empreinte écologique, un indicateur qui, s’il a beaucoup de défaut, permet à mon sens de faire adhérer la population aux efforts environnementaux. Inversement dans le rapport final, on trouve une très forte domination des indicateurs monétaires de progrès. Le rapport propose par exemple l’adoption d’un indicateur de l’Épargne nette ajustée. C’est une mesure qui vise à transformer en monnaie le capital économique, humain ou les dégâts environnementaux. On met tout dans la même boîte et on pense que cet indicateur va mesurer le développement humain. C’est aberrant. On risque de se retrouver dans le même genre d’impasse qu’avec le PIB. Et de ne pas avoir à temps les bons signaux, notamment face au risque environnemental !"

Enrico Giovaninni : "Nous n’avons pas trouvé le Saint Graal. Mais le rapport comporte trois points essentiels à mon sens. D’abord il montre un glissement essentiel de la production au bien-être. Ensuite, il reconnaît que les mesures subjectives sont aussi importantes que les mesures objectives. Et pas seulement pour mesurer le bonheur mais dans tous les domaines : santé, relations inter-personnelles... Enfin, il a mis au point une liste de domaines essentiels : l’éducation, la santé... qui pourront fournir un cadre à l’élaboration de nouveaux indicateurs."

Vous êtes quand même arrivés à un consensus ?

Jean Gadrey : "Joseph Stiglitz a fait état du plaisir qu’il a eu à travailler au sein de cette Commission. Il a parlé des échanges cordiaux, du consensus. Mais il y a eu de vrais désaccords qui n’ont pas toujours donné lieu à des débats riches. Les trois sous-groupes [mesure du PIB, environnement et qualité de la vie, Ndlr] travaillaient de façon étanche... Oui, c’est vrai, nous avons tous signé le résumé de douze pages du rapport. Mais Joseph Stiglitz n’a pas tenté de nous faire signer le rapport complet. Pour ma part, je ne l’aurais pas fait. Il y a dans ce rapport des éléments et des analyses que je ne peux pas endosser."

Enrico Giovaninni : "Il n’y a pas un consensus sur chaque mot. Mais tout le monde a souscrit aux conclusions du rapport et j’en suis content. Évidemment, les discussions ont vu s’opposer différents points de vue. Certains poussaient vers la simple adoption d’un indicateur du bonheur, d’autres vers la mesure des choses intangibles comme les relations inter-personnelles. D’autres encore insistaient pour qu’on n’incluent pas dans la mesure de la production les activités du foyer ou les moments de loisir. Mais tout le monde a fait des concessions. Et ça ne veut pas dire pour autant que nous sommes arrivés à une solution au rabais ou à une juxtaposition de propositions ! Il y a un vrai fil rouge dans toutes ces recommandations."

Et maintenant ?

Jean Gadrey : "Joseph Stiglitz l’a bien dit : le rapport n’est pas la fin d’un processus mais bien un début. Il ne donne pas d’indicateurs clé en main, même s’il exprime des préférences nettes pour telle ou telle option. Et c’est tant mieux ! Pour le respect de la démocratie - et vu la composition de la Commission -, il est sain que l’expertise passe aujourd’hui la main aux cercles de la politique et de la société civile. Sarkozy a récupéré et recyclé les idées portées par la société civile depuis plusieurs années et montées en puissance à l’occasion du Grenelle de l’environnement. Et aujourd’hui, il est temps pour ce rapport d’être à nouveau recyclé et récupéré par la société civile. Sinon, les citoyens ne pourront pas s’y intégrer."

Enrico Giovaninni : "A partir de nos recommandations, chaque pays va avoir pour mission d’organiser des tables rondes afin d’imaginer des indicateurs idéaux. Ceux-là devront refléter le plus fidèlement possible sa propre vision. En espérant qu’ensuite, elle convergera avec celle des autres pays pour créer une dimension commune, et déterminer un ensemble d’indicateurs. Ces indicateurs seront alors beaucoup plus légitimes que s’ils avaient été décrétés d’en haut par Paris, New York ou Londres ! Pour les pays en développement, c’est l’occasion de s’inscrire dans un nouveau paradigme. Avec la crise, ils ont vu que la voie dans laquelle les pays développés s’étaient engagés n’étaient pas la bonne. Ils ont l’opportunité de sauter cette étape pour parvenir directement à un modèle plus durable. Du coup, ils s’intéressent très largement à ces discussions. Mais la rapidité du processus dépendra beaucoup de l’effort et de l’argent que les différents services publics seront prêts à investir dans les statistiques. Après la deuxième guerre mondiale, il y a eu un investissement énorme. Avec la situation actuelle, le temps d’un mouvement de cet ampleur est peut-être à nouveau venu. Je l’espère en tout cas."


- Enrico Giovaninni est président de l’Institut national des statistiques italien, ex-directeur des statistiques à l’OCDE.
- Jean Gadrey est professeur d’économie à l’université de Lille 3, membre du collectif FAIR (Forum pour d’autres indicateurs de richesse).

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