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27-01-2011
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L’énergie renouvelable doit-elle être gratuite ?

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L'énergie renouvelable doit-elle être gratuite ?
(Photo : chaîne humaine de panneaux solaires à Sydney, sept. 2008. Crédit : agentdeclan / Flickr)
 
Les progrès technologiques ont beau permettre des économies, ils ne suffisent pas à réduire la consommation globale d'énergie sur la planète. Et si la gratuité des énergies renouvelables était la vraie solution d'avenir ?
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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L’efficience énergétique est un leurre

L’augmentation de l’efficience énergétique permet de réduire les consommations d’énergie, à service rendu égal. Pour l’automobile par exemple, elle consiste à réduire toujours plus la consommation énergétique au kilomètre. Mais si à un niveau individuel, l’efficience énergétique peut effectivement aider à réduire sa consommation… à une échelle macro-économique, elle encourage de nouvelles consommations énergétiques et donc des émissions de carbone supplémentaires.

C’est le paradoxe de l’efficience énergétique, comme le souligne récemment David Owen dans le New Yorker (sur abonnement).

En d’autres termes, l’augmentation de l’efficience énergétique est profondément corrélée à la prospérité. Pire, nos efforts pour limiter notre consommation à une échelle individuelle nous détournent de la dynamique macroéconomique en cours. Comme le dit David Owen : « c’est comme tenter d’analyser le climat mondial avec un seul thermomètre ».

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(Image : Le compteur CurrentCost qui mesure votre consommation électrique pour vous inciter à la réduire par Edinburgh Greens. Et si ce type d’initiatives ne servait à rien ?)

« Regardez autour de vous et examinez comment une grande partie de la vie moderne dépend de l’énergie par rapport à il y a 100 ans. En moins d’un demi-siècle, l’efficience accrue et la baisse des prix ont contribué par exemple à pousser l’accès à la climatisation. Après avoir conquis les Américains, même les plus pauvres, la climatisation a triplé en Chine depuis 1997 et elle devrait décupler en Inde d’ici 2020. Selon une étude de 2009, les climatiseurs représenteraient 40% de la l’électricité consommée dans l’agglomération de Mumbai. »

Certes, les climatiseurs et les réfrigérateurs modernes sont beaucoup plus économes que leurs prédécesseurs des années 50. L’efficience énergétique a fait baisser leur coût de fonctionnement, l’efficacité de la fabrication et la croissance du marché ont entraîné une baisse de leur coût de production, tant et si bien qu’en 2005, 80% des foyers américains avaient l’air conditionné. Pour Stan Cox auteur de Losing Our Cool : Uncomfortable Truths About Our Air-Conditioned World, les Etats-Unis utilisent autant d’électricité pour refroidir les bâtiments que le pays en utilisait pour tous ses usages en 1955.

Il n’y a pas de 5e combustible !

Pourtant, l’efficience énergétique a longtemps été appelée « le cinquième combustible » (après le charbon, le pétrole, l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables). Tout le monde accepte qu’elle soit un « outil sans frais » qui participe à réduire la consommation énergétique… En 2007, la Fondation des Nations Unies a déclaré que les améliorations d’efficience ont constitué « la plus grande, la mieux géographiquement et uniformément répartie et la moins chère des sources d’énergie. » Le World Economic Forum, dans un rapport intitulé Vers une monde énergétiquement plus efficace, fait observer que « le réfrigérateur moyen vendu aux États-Unis aujourd’hui utilise 1/4 de l’énergie d’un réfrigérateur moyen de 1975, même s’il est 20% plus gros et coûte 60% moins cher  ». Mais alors que l’efficience énergétique des réfrigérateurs progressait, ils se sont aussi démocratisés, tant et si bien qu’il est devenu courant d’en avoir non plus un, mais plusieurs, de conserver son ancien modèle en en ajoutant un nouveau.

Si depuis 1975, les Etats-Unis ont multiplié les règlements pour réduire la consommation de carburant des véhicules, le parc n’en a pas moins augmenté (50 millions de véhicules de plus depuis 1975), ainsi que leur puissance, leur poids et le nombre moyen de miles parcourus par véhicules, rappelle David Owen.

Cela s’explique par deux phénomènes : l’effet de rebond et le paradoxe de Jevons.

L’effet de rebond est simple : une efficacité accrue et un coût réduit encouragent une plus grande consommation. On a tendance à penser que l’effet de rebond aurait un effet la plupart du temps assez limité.

Plus préoccupant est le paradoxe de Jevons qui induit qu’une plus grande efficacité énergétique à un niveau micro a pour effet de générer une plus grande consommation énergétique à un niveau macro, car à mesure que l’on réduit le coût énergétique d’un produit ou d’un service, on le rend accessible au plus grand nombre.

« Nous ne sommes pas en train de réduire notre dépendance énergétique »

Dans un document publié en 1994, l’économiste de Yale, William D. Nordhaus, a estimé le coût de l’éclairage à travers l’histoire humaine. Dans l’ancienne Babylone, il fallait travailler 41 heures pour acquérir une lampe à huile permettant de brûler quelques heures de lumières. Au XIXe siècle, il fallait travailler environ 5 heures pour acheter la même quantité d’éclairage sous forme de bougies. En 1992, il suffisait d’une demi-seconde de travail pour qu’un Américain obtienne le même résultat en allumant lampe fluo compacte. Nos gains d’efficience énergétique de l’éclairage n’ont pas diminué notre consommation. Au contraire : il est devenu si simple de générer de la lumière, que c’est «  l’obscurité qui est devenue une ressource naturelle menacée », souligne David Owen.

Toutes ces augmentations de l’activité de consommation d’énergie peuvent être considérées comme une manifestation du paradoxe de Jevons. Pour Blake Alcott, un « économiste écologique » auteur d’une étude sur le paradoxe de Jevons(.pdf) : « Nous ne sommes pas en train de réduire notre dépendance énergétique, mais nous utilisons de plus en plus de moyens ingénieux pour améliorer l’efficience des quantités d’énergie produites. Entre 1985 et 2005, la production d’électricité américaine a augmenté de 66%, malgré les gains économiques en matière d’efficience énergétique. L’augmentation a été en partie le résultat de la croissance démographique, mais également du fait de la croissance de la consommation d’énergie par habitant et ce alors que la consommation d’énergie par dollar a chuté de moitié. »

Acheter une voiture qui consomme moins au kilomètre permet certes à son propriétaire de faire des économies de carburant, sauf s’il mobilise cet argent pour acheter par exemple une deuxième voiture. Ce que constatent les spécialistes en tout cas, c’est que l’utilisation économique de carburant n’est pas équivalente à la diminution de la consommation qui devrait en résulter.

Diminuer la dépendance aux combustibles fossiles est un besoin mondial urgent, conclut David Owen. Mais l’amélioration de l’efficience énergétique n’est peut-être pas la meilleure solution. « Promouvoir l’efficience énergétique ne fait courir aucun risque politique, puisqu’elle ne demande aucun sacrifice, contrairement au plafonnement des émissions, à une taxe sur le carbone, ou à l’investissement massif dans des installations d’énergies renouvelables. Nous n’avons cessé d’améliorer l’efficacité énergétique depuis des siècles, c’est d’ailleurs la façon dont nous avons créé le problème qu’il nous faut désormais résoudre. »

Mais le même principe s’applique à un grand nombre de produits ou de services, même ceux qui sont énergétiquement efficients, comme les voitures électriques. A mesure qu’on rend ces produits plus efficients énergétiquement, on réduit leur coût et la demande grossit.

Favoriser la consommation d’énergie alternative !

C’est ce qu’explique Bill St Arnaud (blog), un spécialiste des réseaux (ancien responsable de la recherche du réseau très haut débit CANARIE, devenu consultant en infrastructures de télécommunication vertes) dans un billet expliquant pourquoi l’énergie renouvelable doit être gratuite.

Pour Bill St Arnaud, si l’on s’appuie sur les propos de David Owen, le problème n’est donc pas tant de réduire la consommation énergétique, que de réduire les émissions de carbone. Éliminer l’énergie qui produit du CO² aura un impact bien plus important sur la réduction globale des émissions de carbone que tout programme pour favoriser l’efficience énergétique de nos technologies. Or il est plus facile de développer des programmes promouvant l’efficience énergétique que de développer des programmes énergétiques qui produisent peu de CO².

Jusqu’à présent, explique le consultant, les gouvernements ont plutôt mis l’accent sur la production d’énergie alternative, éolienne ou solaire notamment, par des subventions permettant à ces énergies d’être produites à des tarifs compétitifs avec les énergies fossiles. Mais peu d’effort a été fait pour favoriser la consommation de ces énergies alternatives !

Les véhicules électriques ne sont pas une solution à eux seuls. C’est « l’intégration des véhicules électriques avec des énergies renouvelables via les technologies de l’information qui fourniront une solution viable en proposant une infrastructure de distribution énergétique nouvelle », explique le consultant.

Le cabinet spécialisé Pike Research, dans un rapport récent sur les problèmes liés au chargement des batteries des véhicules électriques, expliquait que les centres commerciaux notamment seraient enclins à fournir de l’électricité gratuitement pour encourager les conducteurs de véhicules électriques à s’y rendre. Les restaurants, les banques, les grandes surfaces vont avoir tendance à utiliser les mesures incitatives des gouvernements pour installer des panneaux solaires et de petites centrales éoliennes pour générer leur électricité et offrir des capacités de charge gratuites à leurs clients. Les gens seront enclins à charger leurs véhicules dans ces endroits avant de rentrer chez eux, et même à utiliser leur voiture comme source d’énergie pour leurs usages domestiques une fois rentrés chez eux !

Vers l’énergie renouvelable gratuite ?

Les gouvernements investissent actuellement une fortune pour subventionner le coût des véhicules électriques et les systèmes énergétiques de remplacement, estime Bill St Arnaud. Au lieu de cela, ils pourraient obtenir une rentabilité bien supérieure s’ils imaginaient comment récompenser les consommateurs, plutôt que de chercher à les pénaliser avec des taxes carbones…

Comme le disait Daniel Kaplan, dans son livre, Pour une mobilité plus libre et plus durable comme dans son édito sur le désir de développement durable : « La formidable croissance de l’internet avait pour principes actifs, non pas la raison et l’automatisation, mais l’imaginaire et le désir. Peut-on alors s’appuyer sur cette énergie-là pour favoriser les transformations comportementales profondes qui sont nécessaires à notre avenir commun ? »

L’idée de Bill St Arnaud peut paraître un peu folle. Elle nécessite pour se développer de réaliser bien des conditions qui sont encore de l’ordre de la spéculation. Favoriser un équipement massif pour que chacun produise des énergies alternatives et notamment les entreprises commerciales. Mais plus que les particuliers, elles sont plus facilement capables de réaliser les investissements nécessaires pour profiter des économies d’échelles qu’un passage aux énergies renouvelables leur permettrait. Elle pose également la question de savoir si nous pourrions produire suffisamment d’énergie renouvelable pour soutenir notre niveau de consommation énergétique, ce qui est loin d’être acquis.

Elle repose enfin sur certaines idées acquises qui sont loin d’être assurées : est-ce que la recharge sera notre mode privilégié d’accès à l’énergie électrique ? Alors que les critiques à l’encontre des recharges rapides se multiplient, c’est visiblement le prêt l’échange de batterie qui devrait prédominer – même si le pionnier, Better Place, préfère pour le moment déployer des bornes de recharge comme il commence à le faire en Israël et au Danemark.

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(Image : une voiture électrique en train de se recharger sur une borne Better Place en Israël, photographiée par Greenlagirl)

Cette idée nécessite également que les équipements permettent de récupérer l’énergie accumulée dans les batteries des véhicules des particuliers et que celles-ci ne soient pas seulement des produits fermés qu’on ne pourrait que recharger.

Ce qui est sûr, c’est que la gratuité de l’énergie renouvelable pourrait être un puissant stimulant au changement de nos modes de consommation énergétiques. Plus puissant que la contrainte que nous propose pour l’instant l’essentiel des autres perspectives.

Cet article a été initialement publié sur le site Internet Actu.

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Rédacteur en chef d’InternetActu.net, le média de la Fondation internet nouvelle génération (Fing).

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  • Cet article assez long sur l’efficience énergétique pourrait être résumé par :
    Le progrès technique (l’efficience) permet de rendre accessible à un plus grand nombre , surtout par la baisse des prix, certains dispositifs qui rendent la vie plus facile et plus agréable : l’éclairage, la climatisation...
    Cette démocratisation entraîne un accroissement des consommations en énergies malgré le progrès en efficience énergétique (Le même processus existe pour la nourriture, le peuple aussi veut manger de la viande).
    Cette démocratisation reste toujours limitée finalement par le prix à payer.
    Si l’on veut orienter la consommation, surtout ne rendons pas les choses gratuites, mais faisons au contraire payer le CO2 produit par exemple.

    11.05 à 16h43 - Répondre - Alerter
  • Même gratuites, les énergies renouvelables ne remplaceront que 20% des énergies fossiles !
    Que faire avec cette réduction de 80% de puissance énergétique qui arrive à grands pas ?
    Et comment ANTICIPER cette descente radicale ?
    C’est la seule question qui vaille.
    gorgerouge
    http://gorgerouge.over-blog.com

    9.02 à 21h56 - Répondre - Alerter
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