Une explosion en pleine nuit. 20 morts et 30 personnes encore portées disparues. L’accident d’un convoi de pétrole brut à Lac-Mégantic (Québec) dans la nuit du 5 au 6 juillet, a lancé la polémique sur la sûreté de ce mode de transport pour les matières dangereuses. Car ils sont de plus en plus nombreux, ces trains du pétrole, à sillonner le Canada et les Etats-Unis pour acheminer une production toujours plus importante. « Comme personne n’avait prévu la croissance exponentielle du pétrole de schiste, note Francis Perrin, directeur de la rédaction de Pétrole et gaz arabes, il n’y a pas les infrastructures nécessaires pour faire face ». Comprenez le réseau d’oléoducs suffisant.
Et en France ? Comment sont acheminés le pétrole et les produits transformés ? Risque-t-on l’accident ?
Comment se transporte le pétrole en France ?
En France, on consomme du pétrole mais on n’en produit pas. Ou si peu. Tout juste 20 000 barils sont-ils extraits chaque jour des bassins parisien et aquitain, permettant de couvrir environ 1% des besoins de l’Hexagone. Le reste – soit 99 %, vous avez bien suivi – est importé via trois grands ports pétroliers : Fos-sur-Mer/Lavéra (Bouches-du-Rhône), Donges (Loire-Atlantique) et Havre-Antifer (Haute-Normandie). Puis, il est quasi exclusivement transporté par oléoducs vers les grandes raffineries, comme le montre cette infographie du ministère de l’Ecologie. Une fois raffinés, les produits (gazoil, essence) repartent vers des dépôts de stockage. C’est là que les modes de transport se diversifient. Si 54% des produits transformés sont encore acheminés par pipeline, 32% voyagent par voie navigable, 10% par camion et 4% par train. En aval des dépôts, ces mêmes produits sont chargés la plupart du temps à bord de camions qui iront alimenter les stations-essence ou les chaudières des maisons.
L’oléoduc : la voie la plus sûre
Tout le monde s’accorde sur ce point. Les 6 500 kilomètres d’oléoducs qui strient nos sous-sols constituent l’option la plus simple, la moins coûteuse mais aussi la plus sûre. Enterrés, les tuyaux ne sont pas soumis aux aléas d’une météo capricieuse ou d’une possible collision. Mieux, en cas de problème, ils se réparent facilement. D’ailleurs, « c’est tout un travail pour les maintenir en bonne forme, notamment à cause de leur âge respectable, souligne Francis Perrin. Dire que les oléoducs sont plus sûrs, oui, mais pas qu’ils sont sûrs à 100%. Le transport reste le maillon fragile de la chaîne. »L’accident : Le 7 août 2009, le canal sud-européen (SPSE) (voir carte) qui transportait du pétrole brut depuis le port de Fos-sur-mer vers des raffineries de l’est de la France s’est rompu brutalement sur le territoire de Saint-Martin-de-Crau, laissant 5 740 m3 de liquide noir et visqueux se déverser en plein cœur d’un site Natura 2000. « Un désastre écologique », déplorait à l’époque Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat à l’Ecologie. « C’est le seul incident (d’un pipeline, ndlr) à ma connaissance », tempère Franck Tiravy, directeur logistique et distribution de l’Union française des industries pétrolières (Ufip).
Le rail, la demi-mesure
Le réseau d’oléoducs est bien ancien – ils ont été érigés entre les années 1950 et les années 1990 – et leur implantation calquée sur le maillage des ports d’importation et des raffineries. « Contrairement aux Etats-Unis, la France n’a pas fait de découverte récente de pétrole. On reste sur des flux bien connus alors on utilise des infrastructures en place depuis longtemps », souligne Francis Perrin. Or ces vieux canaux ne vont pas partout, loin s’en faut. « Si l’oléoduc a de gros avantages, il a aussi un gros inconvénient : sa rigidité. Or, dans le transport de pétrole, on a besoin d’une marge de flexibilité », souligne Francis Perrin. Coup de chance, le train, lui, se faufile plus avant dans le territoire. Alors pour les produits finis, on fait appel à lui 4% des cas. « Quand on peut faire du rail, on le privilégie par rapport à la route, souligne Franck Tivary. Mais la part du ferroviaire a tendance à décroître. Aujourd’hui, c’est 5 millions de tonnes d’hydrocarbures qui sont transportés ainsi chaque année. » Pour quelle garantie de sécurité ? Moins bonne que l’oléoduc, meilleure que la route. Là encore les accidents sont possibles.L’accident : En 1990, à Chavanay, près de Lyon (Loire), un train de carburant sans plomb a déraillé entraînant neuf wagons-citernes dans son sillage. 8 habitations avaient été détruites mais – miraculeusement – aucun décès n’avait été à déplorer.
La route, le moins sûr
En bout de chaîne, pour desservir stations-essence ou particuliers, pas de choix, la plupart du temps, c’est la route. « A moins que chaque particulier vienne avec son jerrican se servir à la sortie de l’oléoduc, il n’y a pas d’autre solution », ironise Francis Perrin. Mode de transport le plus pratique, c’est aussi le plus dangereux. Reste que « on est là dans ce qui relève du transport de matières dangereuses, les chauffeurs sont formés à ça, ils sont détenteurs d’un certificat. D’ailleurs, il y a beaucoup moins d’accidents dans le transport routier de matières dangereuses que dans le transport de fruits et légumes par exemple », assure Franck Tivary.L’accident : En 1997, après avoir calé sur un passage à niveau, un camion-citerne transportant 30 tonnes d’hydrocarbures fut violemment percuté par un train. Le bilan s’est élevé à douze morts et une cinquantaine de blessés.
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