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A Montreuil, les habitants transforment les déchets des entreprises

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A Montreuil, les habitants transforment les déchets des entreprises
(Crédit photo : Alexandra Bogaert - Terra eco)
 
Un atelier ouvert à tous récupère les rebuts des boîtes du coin pour les recycler en objets du quotidien. Son but : les faire fabriquer en série par les entreprises de la cité.
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Chaussures renforcées, bleu de travail, casque couvrant les oreilles, masque sur les yeux, paire de gants, cheveux réunis en queue : vérification faite, Cécile est fin prête. Une pression sur un bouton et un bourdonnement assourdissant envahit l’ancienne cuisine perchée sur le toit de Mozinor, cité industrielle verticale qui accueille pas loin de 50 entreprises sur 45 000 m2, dans le nord de Montreuil (Seine-Saint-Denis).

En quelques secondes, Cécile tranche au millimètre près une épaisse planche de bois aggloméré. La fine poussière va se coller aux carreaux de céramique blancs, seuls vestiges du temps où des batteries de casserole tapissaient les murs de ce lieu insolite, aujourd’hui remplacées par une collection d’outils servant à travailler le bois. Depuis le début du mois de février, l’endroit est devenu un Fablab appelé l’Ecodesign Lab, soit « un atelier de fabrication participatif et citoyen dédié au recyclage des chutes – essentiellement de bois et assimilés, mais aussi de marbre, de papier compressé et de différents plastiques – récupérées auprès des entreprises de Mozinor », explique Jean-Baptiste Soubias, designer et manager du lieu. Ces déchets sont ensuite transformés par les adhérents du Fablab – monsieur et madame tout le monde – en objets design et fonctionnels.

Cécile découpant une planche sur une énorme scie. Crédit photo : Alexandra Bogaert

Etape 1 : récupérer la matière première

Quatre étages plus bas, au rez-de-chaussée, Frantz Fohrer travaille en musique dans son grand et lumineux atelier. L’entreprise Vingt point douze, dont il est l’un des associés, construit des décors pour le cinéma et l’événementiel. C’est aussi l’un des premiers fournisseurs en matières premières de l’Ecodesign Lab. Chaque semaine, entre 50 et 100 kg de cartons, chutes de bois et panneaux sont montés à bouts de bras sur un diable par la spirale centrale (le bâtiment est construit comme un parking en silo) jusqu’au Fablab, où Frantz grimpe de temps en temps pour enseigner les bons gestes acquis par l’expérience.

« Ne pas jeter, utiliser les matériaux les plus propres possibles, c’est l’esprit avec lequel on a fondé notre entreprise. Mais les chutes sont inévitables. Avant, ça me faisait mal au cœur de les mettre à la poubelle. Maintenant, j’appelle Jean-Baptiste pour qu’il vienne leur donner une seconde vie », sourit-il. L’autre avantage est économique : « Ça fait baisser la facture de levage des déchets de 10 à 30 euros selon les mois. Assez pour s’acheter de bonnes bouteilles à partager à la fin de l’année ! »

Si tous les occupants de Mozinor ne collaborent pas avec autant d’enthousiasme au projet d’upcycling du 4e (certains veulent faire payer leurs déchets...), deux employés de l’imprimerie voisine – qui n’avaient encore jamais entendu parler de l’atelier de recyclage design – promettent néanmoins de mettre de côté les palettes en bois massif et les imposantes boîtes en panneaux faits de gros copeaux de bois collés dont ils s’apprêtaient à remplir une benne. Encore faut-il ensuite savoir qu’en faire...

90% des matériaux récupérés sont du bois et assimilés. Crédit photo : Alexandra Bogaert

Etape 2 : savoir quoi faire des déchets

« Les déchets sont par définition variables en quantité et en dimension. Une des équations à résoudre est de s’adapter aux matériaux », explique Jean-Baptiste. Les premières chutes récupérées ont eu une destination toute trouvée : il a fallu équiper le Fablab de chaises, tabourets, tables et étagères. Un coin cuisine est en cours de réalisation. « Pour autant, on ne fait pas de l’upcycling (le recyclage du rebut en lui donnant une valeur ajoutée et sans faire de déchets, ndlr) le dogme absolu. Si l’on a besoin d’un matériau, on peut l’acheter, mais on se fait alors une obligation de l’utiliser dans son intégralité, et de ne pas avoir de chutes », explique Jean-Baptiste.

Jusqu’ici le Fablab, qui est une émanation de l’Apedec (l’Association des professionnels de l’éco-design et de l’éco-conception), a permis à l’association de gagner sept adhérents non professionnels désireux d’apprendre à concevoir des meubles. Mais les chantiers sont déjà variés : un couple – elle économiste, lui ingénieur en éolien – s’est lancé dans l’ambitieuse réalisation d’une étagère-arbre dont les branches respectent les proportions du nombre d’or. Lucie, étudiante en cinéma de 22 ans inscrite depuis deux semaines, a déjà réalisé un bac en bois pour transporter les chutes glanées aux différents étages et envisage désormais de fabriquer sa propre table de chevet.

Etape 3 : se lancer

« On peut venir ici avec ou sans idée, avec ou sans compétence. C’est un lieu ouvert à tous, sans sélection à l’entrée. C’est à chacun de choisir ce qu’il souhaite fabriquer et de placer le curseur de difficulté en fonction de ce qu’il désire », précise de son accent du sud-ouest Jean-Baptiste Soubias. Une fois que l’on s’est acquitté de l’adhésion à l’association (50 euros l’année pour les étudiants et les chômeurs, 150 euros pour les autres), tout est gratuit : matières premières, machines, équipements de sécurité, vis et conseils. « Le but est que les adhérents soient de plus en plus autonomes dans la réalisation de leurs objets, afin qu’ils puissent ensuite aider à leur tour les nouveaux arrivants », poursuit le jeune manager.

D’où l’idée de proposer des formations, payantes pour le coup, sur l’eco-design, les matériaux mais aussi les modélisations 2D et 3D sur ordinateur. Car le Fablab est doté d’équipements numériques, dont une imprimante 3D, et les adhérents ont pour – unique – obligation de partager gratuitement avec les autres les plans des objets qu’ils conçoivent. Ils doivent donc être capables de les réaliser en format numérique, sur ordinateur.

Le Fablab est doté d’une imprimante 3D. Crédit photo : Alexandra Bogaert

Etape 4 : passer du prototype à la série

Ce vendredi, Lucie a justement apporté sa machine. Aidée par Cécile, elle s’initie au logiciel Illustrator pour créer le logo de son blog. Cette première étape réalisée, elle programmera une découpeuse numérique à chaleur afin que son graphisme soit sculpté dans un matériau qu’elle ira sélectionner parmi ceux stockés dans la réserve. « J’ai déjà bricolé avec mon père dans le garage, mais ça, je n’avais jamais fait. Le Fablab nous remet des outils dans les mains, nous place dans un processus de création. Chacun vient avec ses idées, sa créativité, on en discute, c’est un lieu d’échange », s’enthousiasme-t-elle.

D’ici quelques mois, l’Ecodesign lab envisage de s’ouvrir aussi à des designers professionnels pour se transformer en espace de coworking, qui resterait ouvert aux adhérents amateurs les vendredis. Les pros réaliseraient des prototypes d’objets fonctionnels à partir des déchets récoltés à Mozinor. Le potentiel est vaste puisque 3 000 tonnes de déchets sont produites chaque année sur le site. L’idée serait ensuite de les faire fabriquer en série par des entreprises de Mozinor dont les déchets sont issus, et de les vendre dans des lieux dédiés ou à bord d’un Fablab mobile – un camion aménagé – que l’association compte acquérir prochainement grâce au crowdfunding.

Pour le coup, l’économie circulaire serait poussée à son point ultime. « On pourrait même parler d’économie hélicoïdale, puisque organisée autour de la spirale » qui dessert les étages, sourit Jean-Baptiste Soubias. Quatre étages plus bas, Frantz Fohrer tient déjà ses machines prêtes.

Ce lien pour prendre contact avec l’Ecodesign lab et suivre son actualité.

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