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28-03-2010
Mots clés
Alimentation
Bois-forêts
Indonésie

A quand des cookies et des chips durables ?

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A quand des cookies et des chips durables ?
 
Présente dans nos gâteaux, nos tablettes de chocolat, mais aussi dans le dentifrice et les savons, l’huile de palme provient en majorité de Malaisie et d’Indonésie. Fin 2008, un label a été créé pour limiter son impact sur la planète. En ligne de mire : la déforestation. Mais les lobbies sont en embuscade.
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On ne la voit pas, mais pourtant, on baigne dedans. L’huile de palme s’épanouit dans les céréales du petit-déjeuner, la pâte à tartiner et les bretzels. Dans le chocolat, la margarine mais aussi les pâtes fraîches ou une banale soupe en brique. D’après le Fonds mondial pour la nature (WWF), la moitié des produits alimentaires emballés des supermarchés contiennent de l’huile de palme. Même constat dans la salle de bains : l’huile se glisse dans nos dentifrices, crèmes hydratantes et savons. Avec plus de 40 millions de tonnes en 2008, l’huile végétale la plus produite au monde est celle du palmier à huile, juste devant le soja. Problème : elle est accusée d’encourager la déforestation.

1/ Au cœur des forêts et tourbières asiatiques

Avant d’atterrir dans notre charriot, l’huile de palme se coltine un long voyage : 86 % arrive en direct des plantations de palmiers à huile de Malaisie et d’Indonésie. Ces deux pays ont été séduits dans les années 1980 par les fruits rouges de cet arbre africain, pile au moment où la demande mondiale en huile alimentaire bondissait. Les atouts de l’elaeis guineensis ? Un extraordinaire rendement à l’hectare – huit fois celui du soja – qui en fait le roi des cultures oléagineuses. Mais aussi des atouts santé : cette huile, lorsqu’elle n’est pas raffinée, favorise une bonne vision grâce à ses caroténoïdes. Et les palmiers sont faciles à cultiver en Asie du Sud-Est. On commença donc à planter… et on ne s’est plus arrêté depuis.

Cette frénésie de production est alimentée par une demande qui gonfle de 8 % par an depuis 1990. « Chaque Français consomme la production d’un palmier par an », estime Sylvain Angerand, chargé de campagne forêts au sein de l’ONG Les Amis de la Terre. Sans compter que l’huile de palme s’est trouvée un nouveau débouché : celui des agrocarburants, pour les transports et les centrales de cogénération produisant de l’électricité dite verte. L’Europe le martèle haut et fort depuis l’an dernier : en 2020, les transports devront absorber 10 % d’agrocarburants. « Soutenir une telle demande sans importer de l’huile est inimaginable, explose Sylvain Angerand. Chaque Français consommerait alors la production de dix palmiers par an ! »

Rouleau compresseur

Jusqu’en 2000, la Malaisie a consacré 4,5 millions d’hectares à cette culture. « Elle continue d’en planter, mais n’est plus dans la même dynamique de déforestation qu’autrefois », tempère Jean-Marc Roda, économiste forestier au Centre international de recherche pour l’agriculture et le développement (Cirad). Le voisin indonésien, lui, commence juste à prendre le coup de main. Près de 2,7 millions d’hectares de forêts sont abattus dans l’archipel chaque année depuis 2005 – une surface équivalente à celle de la Belgique – dont 400 000 pour le palmier. L’Indonésie souhaite ainsi tripler ses surfaces en palmeraies, passant de 8 petits millions d’hectares à plus de 20 en 2020.

Et devinez où elles seront plantées ? Dans des forêts tropicales humides, basses ou d’altitude, qui fourmillent d’espèces rares voire menacées, comme la panthère nébuleuse ou l’orang-outan. On y trouve aussi des hommes. Pendant que nous mangeons nos cornflakes, des tribus nomades, comme les Penan de Bornéo, vivent au milieu de la forêt avec les tronçonneuses en bruit de fond. Et comme si le tableau n’était pas assez noir, un quart des plantations indonésiennes poussent en ce moment sur des tourbières ou des marécages, d’après les chiffres de Greenpeace. Or, ces sols tourbeux, véritables dépôts de matière organique, constituent de gigantesques puits de carbone. Chaque année, la destruction de ces réserves largue dans l’atmosphère 1,8 milliard de tonnes de gaz à effet de serre, soit 4 % des émissions mondiales.

Les petits villageois sont eux aussi écrasés par le rouleau compresseur du palmier. Dépossédés de leurs terres, ils sont contraints d’abandonner leurs cultures vivrières et de se lier à de grosses compagnies productrices d’huile, comme l’Indonésien Sinar Mas, qui les poussent à l’endettement. « En Asie, contrairement à l’Afrique, il n’y avait pas de tradition artisanale de production d’huile à partir du palmier, explique Hubert Omont, agronome au Cirad. Les petits planteurs livrent donc leur production aux grandes plantations, groupées autour des usines où l’on extrait l’huile. » Dans ces immenses palmeraies, le labeur est dur et s’apparente parfois, selon l’association Rainforest Action Network, à du travail forcé.

2/ Une labellisation qui fait mal à la tête

Gloups. Que faire, dès lors, lorsque l’on se retrouve au rayon cookies de son supermarché ? D’abord, choisir un paquet estampillé d’un label qui garantirait que l’huile de palme qu’elle contient est durable, pardi. Bonne nouvelle : ce label existe. Suite aux alertes lancées par les écologistes et les défenseurs des droits de l’homme devant les abus de la déforestation et les vols de terres, une table ronde sur l’huile de palme durable (RSPO) est née il y a six ans. A l’origine du projet, le WWF International et des sociétés comme Unilever, le premier acheteur mondial d’huile de palme. Autour d’eux, des cultivateurs, des producteurs, des fabricants de produits finis, des distributeurs, des traders et des ONG tentent de mettre en place une filière d’huile durable. L’objectif du WWF est ambitieux : que l’Union européenne s’y approvisionne à 100 % en 2015. Demain, donc.

Pesticide autorisé

Pourtant, fin 2009, un an après les premières certifications, l’Europe n’avait acheté que 195 000 tonnes d’huile durable, soit 5 % du total de ses achats. Pourquoi tant de réticence ? Cécile Lachaux, chargée de mission à The Forest Trust, une ONG britannique spécialisée dans l’accompagnement vers la certification des exploitations forestières et agricoles, estime que « les acheteurs d’huile paient 50 à 80 dollars de prime à la tonne d’huile de palme certifiée durable ». Soit 5 % à 10 % plus cher que l’huile conventionnelle. « Selon les producteurs, les surcoûts induits par une production durable ne sont pas compensés par la prime payée », rapporte Boris Patentreger, chargé du programme conversion forestière et papier au WWF France. Celui-ci s’inquiète que « depuis huit ou neuf mois, il n’y a plus beaucoup de nouvelles certifications ». Au fait, que signifie la certification ?

Pour être certifiée durable, la production de l’huile doit respecter 39 critères établis par la RSPO. L’interdiction de l’exploitation des enfants en est un, ouf. Les plantations établies depuis novembre 2005 ne doivent pas avoir remplacé de forêts primaires, re-ouf. Les responsables des grandes plantations et des moulins doivent « fournir aux employés des logements adéquats, un accès à l’eau et des dispositifs d’éducation et de soins lorsqu’il n’y a pas de structure publique disponible ». Très bien. Pourtant, certains critères sont plus opaques ou flous, comme l’obligation de dresser un « plan de gestion des déchets qui évite la pollution » ou celle de « tenir compte des espèces et des habitats menacés ». Plus grave : la liste omet dans ses critères la protection des forêts non vierges et des tourbières de moins de 3 m de profondeur. Quid alors des forêts secondaires, qui ont poussé après une première coupe ? « On peut les raser », s’indigne Sylvain Angerand, des Amis de la Terre. Quant aux tourbières, « ce sont de vraies allumettes, car elles sont massivement chargées en carbone », explique Jérôme Frignet, chargé de campagne forêts à Greenpeace. Outre l’émission de CO2, cela risque de favoriser la propagation d’incendies souterrains. En parlant chaleur, l’impact du déboisement sur le changement climatique n’est pas du tout pris en compte dans les critères. Or, l’Indonésie est le premier émetteur de gaz à effet de serre issus de la déforestation.

Autre source d’inquiétude : l’autorisation du paraquat, un herbicide. Pourtant interdite au sein de l’Union européenne depuis 2007 et utilisée avec des pincettes aux Etats-Unis, cette substance peut entraîner des lésions au cerveau. Avec des critères aussi peu contraignants, comment peut-on vraiment qualifier cette huile de durable ? « On pousse le RSPO pour que la certification interdise les plantations sur les tourbières », assure Boris Patentreger, du WWF. L’objectif affiché est donc de tirer les critères vers le haut avec de nouveaux amendements.

3/ Un consommateur paumé

Et moi, que dois-je penser du label RSPO qui décore mon paquet de cookies en lettres orange ? Bonne question. Car on peut très bien manger des cookies portant le label, mais qui ne contiennent pourtant pas une seule goutte d’huile durable. Tout dépend de la méthode adoptée par l’acheteur d’huile. Première option : l’huile labellisée est certifiée 100 % huile durable. « Elle ne peut néanmoins pas être, à ce jour, tracée jusqu’aux plantations », nuance Cécile Lachaux, de The Tropical Forest Trust. Deuxième option : elle est dite d’« équilibre de masse ». En gros, à la sortie des usines, la société acheteuse acquiert un certain pourcentage d’huile durable, pour la mélanger avec les huiles conventionnelles dans des proportions connues. In fine, aucun moyen de connaître la quantité d’huile durable contenue dans votre cookie.

Des certificats virtuels

Troisième option : même si l’industriel achète 0 % d’huile durable, il peut coller le label RSPO sur son paquet de cookies. Pourquoi ? Parce qu’une quantité équivalente d’huile à celle qu’il a achetée a été produite durablement… quelque part, mais on ne sait pas où. Pour la somme modique de 3 dollars par tonne, la société Greenpalm donne des certificats à l’industriel, qui lui attribuent virtuellement une quantité d’huile durable et lui permettent d’utiliser le label. Cette huile de palme chaperonnée par ses certificats aura coûté 5 % plus cher. Sans surprise, « cette filière-là fournit 95 % de l’huile certifiée actuellement », affirme Boris Patentreger, du WWF. « C’est la pire », renchérit Jérôme Frignet, à Greenpeace. Où va l’argent ? A la RSPO, mais on ne sait pas ce qui en est fait.

Tant d’opacité pour un label censé rassurer le consommateur est surprenante. En fait, les dés sont pipés d’entrée de jeu : seules 23 ONG siègent à la RSPO sur un total de 400 membres. On y compte peu de petits exploitants et aucun représentant des peuples indigènes. Les autres membres sont tous, de près ou de loin, dépendants des ventes d’huile de palme. « Tant que la demande sera excessive, les consensus resteront mous », bouillonne Sylvain Angerand, des Amis de la Terre. Certains y croient encore, comme Cécile Lachaux, de The Tropical Forest Trust : « La demande pour l’huile de palme est en effet trop grande. Après, il n’y a rien d’autre que cette certification RSPO sur le marché actuel afin de distinguer les acteurs qui font des efforts de ceux qui n’en font pas. Nous voudrions appuyer les entreprises qui mettent en place une certification RSPO plus ambitieuse, une sorte de RSPO +, qui limite leurs plans d’expansion sur la forêt. » En attendant une RSPO ++ ? Comble de l’ironie : sur le terrain, les pays du Sud manquent d’huile alimentaire. Depuis l’appel d’air créé par la demande en agrocarburants, ses prix ont doublé en Indonésie. L’archipel s’est aussi mis à importer du riz, car les palmiers se sont substitués aux cultures vivrières. D’ailleurs, pour la population locale, le label ne change rien. Alors, comment sortir de ce casse-tête ? Les Amis de la Terre parlent de « petites plantations de palmiers pour la demande en huile locale qu’on ferait pousser sur des terres dégradées par exemple. En se convertissant au bio, en remettant les rênes aux mains des petits producteurs », explique Sylvain Angerand. Qui ajoute : « En disant non aux agrocarburants. »


COMMENT CONSOMMER MOINS D’HUILE DE PALME ?

Difficile de ne pas en consommer, puisqu’elle est omniprésente. D’après une enquête des Amis de la Terre, menée en 2007 dans trois supermarchés (Auchan, Leclerc et Monoprix), l’huile de palme se retrouve dans plusieurs marques de pâtes à tarte, de viennoiseries, de soupes, de plats cuisinés, de céréales, de glaces, de biscottes, de chips et de pâtes fraîches. Beaucoup de crèmes hydratantes, d’après-shampoings ou de mousses à raser aussi. Voici les noms sous lesquels elle apparaît sur les étiquettes : Elaesis guineensis, palm acid, sodium palmate, sodium palm kernalate (qui désigne l’huile de palmiste, issue du noyau du fruit et non de sa pulpe) mais aussi « huile végétale » – c’est le terme utilisé par Ferrero pour son Nutella. Le meilleur moyen pour l’éviter ? Ne plus acheter de produits industriels… Pas si simple. Ou vous rabattre sur des produits à base d’huile de palme certifiée biologique (en magasins spécialisés) : issue de plantations plus petites, gérées plus humainement, elle nécessite moins d’engrais. Peu présente en Asie du Sud-Est, on la trouve en majorité en Amérique du Sud.

Photo : Emmanuel Pierrot - VU

Sources de cet article

- Rapport «  Cooking the climate  » de Greenpeace sur l’impact des cultures de palmiers à huile sur les forêts en Asie du Sud-Est

- «  Scorecard des acheteurs d’huile de palme 2009  » : le WWF note les acteurs de la filière

- Rapport «  Ghosts on our own land  », par les ONG Forests people et Sawit Watch sur les conditions de travail chez les planteurs indonésiens en 2006

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