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Vise le green

Par Benjamin Cliquet
18-09-2013

La crise chilienne de l’énergie

La crise chilienne de l'énergie
(Credit: cl.kalipedia.com/)
Bienvenue pour ce second article sur les problématiques chiliennes. Je vais tâcher ici d’expliquer les causes et les possibles solutions de ce que certaines personnes ont appelé « la crise chilienne de l’énergie ». Maria-Teresa Ruiz-Tagle, professeure et chercheuse à la Faculté d’Economie de la Universidad de Chile (et qui était également ma prof d’économie environnementale durant 4 mois), a répondu à mes questions sur ce sujet en juin dernier…

Le prix de l’énergie au Chili est actuellement très élevé, ce qui affecte fortement les habitants et la compétitivité des entreprises. Le meilleur exemple est probablement le secteur minier dans lequel l’énergie est devenue le poste de dépense le plus important.

D’où vient le problème ? Il y a plusieurs années, le Chili importait du gaz d’Argentine qui passait par un énorme gazoduc à travers les Andes, près de Mendoza, et arrivait à une centaine de kilomètres au nord de Santiago (voici un article du New York Times datant de 1997 qui montre l’enthousiasme qui entourait le projet de ce gazoduc international). Mais l’Argentine a (illégalement) rompu le contrat avec le Chili et fermé le gazoduc car ils avaient besoin de ce gaz (et que ce n’était plus rentable de l’exporter). L’offre énergétique est donc désormais insuffisante et les prix augmentent fortement.

Selon Maria-Teresa, les autorités chiliennes ont fait deux erreurs. Premièrement, le fait que la majorité de l’énergie soit importée était une erreur stratégique car cela rend le pays dépendant de son voisin argentin. Ils ont trop libéralisé le marché de l’énergie et ont laissé le secteur privé prendre les décisions (entre produire au Chili et importer), ce qui mena à cette crise. L’Etat aurait dû intervenir sur des éléments-clés pour anticiper cette situation. Le Chili doit maintenant renégocier avec ses voisins pour résoudre la crise, ce qui coûte cher au pays.

Le risque que le gazoduc se ferme aurait dû être pris plus sérieusement par le gouvernement. De nombreux ménages et entreprises étaient passés de l’électricité au gaz naturel parce que le gaz était disponible en grande quantité grâce au gazoduc, et les coûts de ce changement sont énormes. Donc les prix croissants du gaz les affectent lourdement (et la situation peut les rendre furieux !).

La seconde erreur des autorités n’est pas liée à la « problématique argentine ». La seconde erreur a été de se spécialiser dans l’énergie hydroélectrique, un choix qui aurait été raisonnable si le pays était décentralisé (car le transport de l’énergie est compliqué et très coûteux), mais ce n’est pas le cas du Chili. La majorité des besoins en électricité sont concentrés dans la région de Santiago et les centrales hydroélectriques sont dans le sud du pays (La Region de los Lagos, « Région des Lacs », où de nombreuses centrales sont situées, est la dernière région la plus au sud de la zone en orange clair sur la carte ci-dessous). Donc même si l’électricité n’est pas très coûteuse à la production, c’est très cher de la transporter à cause des pertes.

Cartographie réalisée par Veoverde dans cet article (en espagnol)

La solution à ce grand problème de centralisation n’est pas si simple mais doit être entrepris par le pays : la décentralisation (ça c’est un scoop dont j’ai le secret, la décentralisation comme solution à la centralisation…). Au début des années 1990, avant que le grand gazoduc transnational ne soit installé, il y avait deux projets de construction : un près de Mendoza (Argentine) qui fut le projet gagnant, et un autre plus au sud du pays. Pour le secteur privé (les exploitants du gazoduc), cela n’avait a priori pas de grande importance. Mais pour la société chilienne, construire ce gazoduc dans le sud du pays aurait contribué à la décentralisation. Les autorités régulatrices n’ont rien fait au lieu de prendre ce projet comme une opportunité.

Actuellement, le débat le plus important autour de l’énergie au Chili concerne HydroAysén, un projet de centrale hydroélectrique… en Patagonie. Sa localisation aiderait bien sûr à la décentralisation mais en même temps, c’est justement sa localisation qui dérange : la centrale serait située trop près d’un des joyaux du Chili, que j’ai eu la grande chance de visiter, le parc naturel de Torres del Paine.

Torres del Paine, Patagonie chilienne

Les Chiliens ont conscience qu’ils ont besoin de nouvelles centrales électriques mais ils ne veulent pas d’HydroAysén parce que cela affecterait l’environnement et ce parc naturel, qui accueille environ 150 000 visiteurs par an. Un mouvement de protestation s’était créé, principalement en 2011, autour de plusieurs associations opposées au projet (voir par exemple Verdeseo et ses 7 arguments, en espagnol). Donc le projet HydroAysén a initié un grand débat national sur la problématique énergétique et ce fut une opportunité pour les écologistes de se faire entendre. En plus de la dimension environnementale, certains opposants refusent également l’idée d’un « méga-projet » car cela empêcherait les petites entreprises d’entrer sur le marché de l’énergie.

Mais Maria-Teresa voit au-delà de ces questions environnementales ou économiques et pense que, une fois de plus, le besoin de nouvelles sources d’énergie devrait être utilisé pour décentraliser le pays. Le pays devrait être régulé d’un point de vue urbain, pour imposer de construire des centrales dans certaines zones plutôt que dans d’autres.

En bon Français, je ne peux pas terminer cet article sans évoquer la situation du nucléaire au Chili. Le pays continue de refuser de type d’énergie bien que GDF Suez cherche à convaincre les autorités. En 2010, le président Sebastian Piñera semblait être tenté d’accepté un projet de GDF et avait laissé la possibilité de la « diversification énergétique ». Mais, en 2011, la société chilienne (experts et environnementalistes) ont protesté contre ce projet qui prévoyait de construire une centrale nucléaire dans le nord du pays, proche des mines de cuivre (les opposants craignaient notamment que l’énergie ne soit utilisée presque exclusivement pour les entreprises minières, souvent étrangères). Il semble maintenant que Piñera ne prendra aucune nouvelle décision sur ce dossier avant la fin de son mandat, qui se termine à la fin de l’année…

À bientôt, Visez l’green, Ben

Bonus : d’autres photos de mon séjour à Torres del Paine

Le Glacier Grey

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