Vise le green |
Par Benjamin Cliquet |
19-07-2013
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Le Chili apprend à recycler |
Rodrigo s’investit dans plusieurs projets et celui dont nous parlerons ici est yoreciclo.cl (« je recycle »), qui après avoir évolué est aujourd’hui une « plateforme de rencontre des besoins », comme il le définit lui-même. Tout est parti d’un groupe de professeurs de la faculté d’Agronomie (2006) qui avaient l’idée de diffuser de l’information sur le recyclage à Santiago, à une époque où les gens ne se demandaient même pas ce qu’était le recyclage. Ils ont ainsi créé une page web « statique » qui s’est transformé trois ans après en un blog de diffusion d’information, plus qu’un blog d’opinion. Depuis, ils « concentrent l’information », ils tissent le réseau social du recyclage, avec une notoriété toujours croissante.
Ce « facebook du recyclage » (comme j’ai eu l’originale idée de l’appeler), les Santiaguinos peuvent l’utiliser en posant leurs questions sur les façons de recycler tel ou tel produit. Rodrigo et ses collègues, connaissant « le réseau » mettent en relation les personnes entre elles pour répondre aux besoins de chacun. On peut par exemple apprendre comment se servir de ses journaux usagés ou comment utiliser des matériaux recyclés pour le théâtre. Yoreciclo organise également des ateliers pratiques, par exemple pour apprendre à réutiliser des sacs plastiques et faire des bijoux avec des bouteilles en plastique (pour la fête des mères par exemple, ça change des colliers de nouilles…).
Mais Yoreciclo permet aussi de mesurer l’évolution dans les mentalités des Santiaguinos quant au recyclage. Selon Rodrigo, ils n’ont pas encore la culture du recyclage et du tri. Il essaie d’enseigner cette culture avec les 3 « R » : réduire, réutiliser puis recycler. « Il y a tant de chemin à faire avant de recycler, et cela les gens ne le comprennent pas bien. »
Rodrigo explique que l’on est confronté à la décision de recycler ou non environ 20 fois par jour mais on n’est conscience que du quart, soit seulement des occasions les plus évidentes. De même, il affirme qu’un Santiaguino produit en moyenne 1,3kg de déchets quotidiens. 70% pourraient être recyclés mais seulement 7% le sont. « Je suis convaincu que si on éduquait les gens à trier, on pourrait atteindre ces 70% ». Selon lui, ni le Chili ni Santiago ne sont prêts à complètement comprendre la nécessité de réduire la quantité de déchets produits. Or, c’est très compliqué de lancer un mouvement quand l’initiative ne vient pas de la communauté. “L’autorité a tenté plusieurs fois d’inciter les habitants à trier ses déchets mais cela ne fonctionne pas parce que la communauté ne réagit pas. Il faut de nouveaux dispositifs légaux qui t’obligent à trier. Et cette obligation devrait générer les connaissances”.
Et techniquement, la ville est-elle capable de recycler 70% de ses déchets ? Le problème vient pour l’instant du coût financier et social du transport des déchets : ce transport n’est ni rentable pour une entreprise privée ni pour la communauté car les gains obtenus du recyclage seront plus que compensés par la pollution du transport. Pourtant, Rodrigo estime que le recyclage, bien que non rentable à cause du transport, est souhaitable pour éduquer la population. “Nous sommes en train d’apprendre et trier, bien que ça ne plaise pas à la plupart des gens, à notre niveau, ça a une grande valeur.” Résultat, seules les communes les plus riches de l’agglomération ont les moyens de recycler, le recyclage n’étant pas encore une obligation légale. La nécessité de donner conscience aux habitants de l’importance de recycler, trier et réduire est donc majeure.
Le mois dernier, Rodrigo avait été agréablement surpris de la résonance d’un appel au pubic réalisé par son association pour proposer aux volontaires de participer à divers projets (développement de la recherche sur l’état de l’art des lois et normes, ateliers de recyclage...). 30 personnes ont ainsi accepté de s’engager auprès de l’association. Si vous pensez que c’est peu, Rodrigo vous répondra que les personnes qui décident de véritablement s’engager ne représentent qu’environ 2% du public qui suit et s’informe des activités réalisées par une organisation.
Cela reste néanmoins un petit mouvement et je dois avouer qu’il n’est pas facile d’évaluer l’ampleur du mouvement à l’échelle de la ville. En vivant 5 mois au Chili dont plus de 4 à Santiago, mon impression a été que les infrastructures sont souvent présents dans les lieux publics comme les grands centres commerciaux ou ma faculté, mais le tri est quasiment inexistant au niveau des ménages. Certaines bouteilles en verre sont consignées, mais le verre ne se recycle pas, la plupart du temps.
La Faculté d’économie, de nombreux points de tri sont disponibles
Mais revenons à Yoreciclo et son futur. D’ici 3 à 4 mois, une ONG complémentaire sera formée pour développer une activité de “pression” sur le thème du recyclage, influencer certains acteurs... “Il y a une grande volonté de sortir dans la rue et dénoncer” affirme Rodrigo, (dénoncer la “surproduction”, notamment). Cette ONG voudrait être un peu un Greenpeace spécialisé dans le recyclage.
L’histoire de ce mouvement, d’une page web à une ONG, “c’est un peu comme le Chili” conclut Rodrigo : “tout le monde est bien actif” et se mobilise. Espérons que Yoreciclo accompagne ce mouvement d’éducation encore longtemps !
À bientôt, Visez l’green, Ben
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