Vise le green |
Par Benjamin Cliquet |
1-11-2010
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C’est l’histoire d’un mec qu’avait pas d’pays... |
Je vous parlais de l’article supplémentaire, un bonus par rapport à ma cadence hebdomadaire, le voici. J’ai donc travaillé pendant deux semaines avec Jamal. Son histoire, peut-être banale pour un Kurde mais pas pour moi qui n’en rencontre pas tous les jours, m’a touché et j’m’en vais vous la conter tout à l’heure.
Jamal est parti au début des années 2000 de son pays, le Kurdistan turque (le Kurdistan s’étale sur la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran). Il se faisait régulièrement tabasser en Turquie, par la police qui voulait juste de l’argent. Il est donc parti en train à Calais, en passant par la Roumanie, l’Italie et Paris. Depuis Calais, il est passé en Angleterre en clandestin (dans un camion, et on reconnaît ici le film Welcome de P. Lioret où un jeune Irakien ne parvient pas à passer en Angleterre en camion, à la différence que Jamal n’a jamais payé de passeur). Il y a rejoint deux de ses frères. Outre-manche, il a longtemps attendu son visa (2 ou 3 ans, il ne se rappelle plus) et a finalement décidé de partir. Sans vraiment savoir où. Il est repassé en France à Calais, puis à Paris où il a passé trois jours sans avoir où loger, à attendre sur les quais des gares. Après avoir appelé ses frères, il est allé en train en Belgique (en bénéficiant de l’aide financière de ses amis anglais) puis en Allemagne. Là-bas, il s’est fait contrôler puis enfermé en prison pour 3 mois. « Big problem » répétait-il dans son récit. La police voulait le renvoyer en Turquie, mais il a expliqué qu’il ne pouvait pas retourner là-bas, ce n’est pas son pays et il n’a rien à y faire. On l’a finalement libéré en lui donnant un ultimatum de 15 jours pour quitter le pays. Il est allé à Copenhague (« beautiful city »), puis à Stockholm et finalement à Helsinki en bateau. « Ici, on m’a fait une interview (dans ma langue natale, le kurde, avec un traducteur) où l’on m’a demandé ce que je venais faire, ce que je comptais faire, etc. » C’est au bout de deux mois qu’il a reçu des papiers. Seul hic, c’était un passeport irakien. « Je suis allé les voir et je leur ai dit que je n’étais pas Irakien ! » Il est désormais citoyen finlandais.
Ici, son petit frère l’a rejoint deux ans après son arrivée en Finlande.
C’est une histoire dure mais que je trouve très belle car elle se finit bien. Mais combien ont fait comme lui et sont morts en chemin ?... On pourrait débattre longtemps sur les raisons et la justesse des différentes politiques d’immigration, remarquant que le système allemand semble être aux antipodes du finlandais... « mais ceci est une autre histoire ».
A bientôt, Visez l’green, Ben
Mes 3 principaux collègues : Nello, Angolais ; Aruna, Sri Lankais ; Jamal, Kurde
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