La Suède, bonne fée des familles

Vient l’enfant. Penchée sur son berceau, la fée suédoise veille. Premier coup de baguette : le congé parental. Il s’étire sur 480 jours pendant lesquels le parent touche 80% de son salaire, plafonné à 2500 euros par mois. Il peut même s’allonger encore de 90 jours mais redevient citrouille : il se limite alors à un forfait de 7 euros par jour. Egalitaire, il partage ses 56 semaines entre père et mère. Flexible, il peut être pris n’importe quand entre la naissance de l’enfant et sa huitième bougie. Enfin, la fée ne boude pas les familles nombreuses.

Pour le prouver, elle invoque en 1980 une "prime de rapidité" si le cadet suit son aîné de trente mois maximum. Sans surprise, le congé parental est, en Suède, très populaire. Mais, au royaume des elfes, il y a plus de princesses que de chevaliers. En 2000, seuls 13,7% des pères avaient pris tout ou partie de leur congé parental. Un chiffre en constante augmentation.

La belle vie commence au berceau

L’enfant sort la tête de son berceau. La fée veille toujours. Deuxième coup de baguette : depuis 1985, une loi oblige l’ensemble des municipalités à accueillir tous les enfants âgés de 18 mois jusqu’à leur entrée à l’école primaire. Et pour assurer ses arrières, la fée accorde, depuis 1991, une allocation de garde parentale à domicile. Avec l’obligation pour les communes d’accueillir les moins de six ans dans des structures, le système de garde est presque complet.

L’enfant grandit, étudie, fait ses premiers rêves d’avenir. La fée veille encore. Dernier coup de baguette : les allocations familiales. Payées pour chaque enfant de 0 à 16 ans - 20 ans s’il poursuit ses études - quel que soit le revenu des parents, elles sont non imposables et directement versées à la mère. Trois petits tours pour relever un défi ambitieux : soutenir la natalité et encourager le travail des femmes. La Suède a réussi son pari. Seul point noir au royaume enchanteur, la fée sèche face au chômage. Lors du congé parental, l’indemnisation, indexée sur le montant du salaire passé, est extrêmement faible pour les parents-chômeurs. Enfin, 40% des communes retirent leur place d’accueil aux enfants dont l’un des deux parents perd son emploi.

L’AVIS de : Marie-Thérèse Letablier, directrice de recherches au Centre d’études de l’emploi en France.

La politique familiale suédoise est-elle applicable à l’échelle européenne ?

"Beaucoup de pays s’y opposeraient sans doute. Rappelons qu’il a fallu plus de dix ans de discussions pour que la directive sur le principe d’un congé parental voie le jour. Elle est très minimaliste ! Le Royaume-Uni, l’Irlande s’y sont toujours opposés au nom de la liberté des employeurs, et car ces questions relèvent, selon eux, de décisions privées au sein des ménages.

L’UE fait valoir le principe de subsidiarité qui laisse aux pays la liberté de l’adaptation des orientations communautaires. Actuellement, le congé parental n’est pas rémunéré du tout dans certains pays et reste un droit entièrement formel. Ailleurs, les modes de rétribution du congé parental varient selon le système de protection sociale. La tendance actuelle est plutôt d’impliquer les entreprises dans la question de la conciliation travail et vie familiale."