L’électricité autrement : des prix à la bonne heure (3/5)

Aujourd’hui, une facture d’électricité c’est quoi ? Une partie fixe – l’abonnement –, une partie qui dépend du nombre de kWh consommés et quelques subtilités. Par exemple, si vous avez souscrit l’option heures pleines-heures creuses (HP/HC), le prix du kWh dépend de l’heure de votre consommation. Problème : « la différence entre les deux prix est très faible et de moins en moins représentative des coûts de production », déplore Nicolas Fléchon, directeur-adjoint des réseaux à Gaz Electricité de Grenoble. Résultat : alors que les tarifs HP/HC sont censés « inciter les clients à réduire et à différer leurs consommations », selon EDF, les pics de consommation explosent.

La solution ? Donner au client un vrai signal. En parallèle au déploiement des compteurs intelligents, l’Ontario au Canada est ainsi en train de basculer vers une nouvelle grille avec quatre périodes différentes en été, autant en hiver, et trois prix : 7,8 centimes d’euros le kWh en pic, 6,3 à mi-pic et 4,2 hors-pic. Soit près du simple au double ! Aux Etats-Unis, les tarifs sont parfois adaptés quasiment en temps réel : fixés une journée à l’avance, ils varient d’heure en heure.

Avec Tempo, 6 prix différents tout au long de l’année

Et en France ? Les fournisseurs attendent le déploiement des compteurs intelligents, qui rendront plus facile ce type d’offres. Mais des solutions existent déjà avec les bons vieux compteurs. « On peut passer en heures creuses tout le week-end, il suffit juste de changer le paramétrage, propose Fabien Choné, directeur délégué de Direct Energie. Aujourd’hui, faire une machine à laver ou une pyrolyse du four la nuit n’est pas très confortable ».

On peut aussi tout simplement redécouvrir le tarif EJP. Jamais entendu parler ? C’est normal, il n’est plus proposé par EDF. Le client bénéficiait de tarifs bas, en contrepartie de prix dix fois plus élevés pendant 22 jours de l’année. En revanche, le tarif Tempo existe encore, avec 22 jours rouges, et 43 jours blancs, couplé à une composante HP/HC. Bref, au total, six prix différents tout au long de l’année, allant d’environ 5,6 centimes d’euros à plus de 50. Problème : il n’est proposé que par EDF et aux gros consommateurs – plus de 9 kW. « Nous militons depuis 2005 pour pouvoir y accéder », déplore Fabien Choné. Un récent rapport parlementaire va d’ailleurs dans ce sens.

Le chauffage, un des responsables de l’explosion des pics

Effet observé lors d’expérimentations en Amérique du Nord : entre 5 et 30% de réduction de la consommation de pointe. Voilà qui ne serait pas inintéressant en France où les pics nécessitent l’équivalent de cinq réacteurs nucléaires supplémentaires par rapport à 1999, en l’occurrence surtout des centrales thermiques de plus en plus souvent situées à l’étranger…

Autre intérêt : l’impact réel sur les coûts du chauffage électrique, l’un des responsables principaux de l’explosion des pointes, est masqué par un prix moyen payé par tous les consommateurs. Sur le plus long terme, de tels tarifs pourraient rendre plus intéressants des investissements dans l’isolation et des méthodes de chauffage alternatives. A condition que l’on permette à tout le monde d’en profiter.

Miser sur l’information en temps réel

Car avec des tarifs fixés à l’heure et susceptibles d’écarts considérables, « cela peut être à double tranchant. Il ne faut pas oublier que l’énergie est un besoin de première nécessité », note Nicolas Milko, pédégé de Planète Oui. Alors que la précarité énergétique est un sujet d’inquiétude croissante, il ne s’agirait pas d’obliger les ménages pauvres à couper le radiateur pendant les pointes pour ne pas voir flamber leur facture… Il n’empêche, cela peut intéresser d’autres types de consommateurs.

Plus généralement, pour éviter de mauvaises surprises, mieux vaut miser sur l’information : dans l’Illinois, les clients sont notamment alertés par SMS dès que le prix dépasse un certain seuil. « La seule façon d’arriver à des tarifs vraiment modulés, c’est de permettre simultanément le pilotage de la consommation », estime Pierre Bivas, pédégé de Voltalis, entreprise qui commercialise le BluePod qui éteint simultanément vos appareils. Bref, une maison intelligente qui serait capable de passer à la moulinette toutes ces histoires de tarifs tout en gardant un minimum de confort.

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