Vise le green |
Par Benjamin Cliquet |
26-07-2011
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Ce que je sais, ce que je crois savoir, ce que je ne comprends pas et ce que je souhaite |
Entre Hambourg et Copenhague, en traversant la Mer du Nord et en observant les nombreux parcs d’éoliennes, c’est dans un élan de d’inspiration (avec une pincée de nostalgie) que j’ai voulu faire le bilan de cette année. Après avoir donné la parole à des experts rencontrés en France, en Finlande, au Canada, en Roumanie et bientôt au Danemark, j’ai décidé d’être cette fois plus égoïste et de laisser libre cours à mes certitudes, mes rancoeurs et mon enthousiasme. Voici le bilan d’une année de voyage à la rencontre de la diversité des problématiques environnementales et des solutions développées. Un bilan un peu particulier, un bilan non pas des faits mais de mes idées évoluant au cours de mes voyages, de mes rencontres et de mes lectures.
Mon dernier jour à Vancouver, le 5 avril dernier
L’intérêt de l’humanité, et pas forcément seulement à long terme, est de protéger notre environnement. Tout le monde n’a pas conscience de cela malgré les différents avertissements lancés par les scientifiques du monde entier (le GIEC, entre autres) ;
Les intérêts politiques et financiers ne sont pas toujours les intérêts humains et environnementaux. Ce n’est pas un scoop (sur ce blog, on peut le constater en lisant le cas des sables bitumineux albertins, ici et ici, et la difficulté des ONG à agir selon le témoignage de Petruta Moisi). Mais il n’y a parfois qu’un pas à franchir pour faire correspondre ces intérêts. Comme Gunter Pauli dont je vous ai parlé au précédent article (entrepreneur belge, fondateur de ZERI, voir ici, et ici pour plus d’infos) et les expériences ZERI le montrent, une entreprise peut gagner en rentabilité et créer des emplois en employant mieux les matières premières disponibles et en éliminant la production des déchets. Le parc éco-industriel de Kalundborg (voir mon article précédent) au Danemark en est également un exemple ;
Dans ce que Gunter Pauli appelle la Deuxième Révolution Verte (après celle alimentaire en Inde), tout le monde ne peut pas y gagner. Les industries du pétrole et des autres ressources fossiles n’y ont aucun intérêt financier, cela va de soi (leur reconversion n’est pas non plus impossible). Et quand les intérêts politiques se mêlent aux intérêts financiers de ces industries (voir le cas des sables bitumineux), alors on va droit dans le mur ;
Je sais, enfin, que cette Révolution Verte finira par arriver et a déjà commencé. Elle arrive tard, mais il est toujours temps de limiter la casse. Je sais que nous sommes capables de trouver les solutions. Laissez-moi faire une courte parenthèse : fin juin, lors de mon ultime interview à Copenhague d’un professeur d’université (Peder Andersen), je fus ravi de l’entendre évoquer, sur deux sujets différents (l’éolien et les économies d’énergie dans les bâtiments), des solutions (ou idées) dont on m’avait déjà parlé au Québec et à Vancouver. En effet, un entrepreneur dans le secteur des turbines éoliennes à Montréal m’avait parlé de la complémentarité des énergies éolienne et hydraulique car la seconde peut compenser les inconstances de la première. Une idée personnelle qu’il n’avait jamais pu appliquer. Or, Peder Andersen m’a appris qu’il existait déjà une collaboration entre les Norvégiens et les Danois pour rendre plus efficaces les barrages hydrauliques des premiers et les éoliennes des seconds : l’activité des barrages norvégiens est volontairement ralentie quand il y a suffisamment de vent au Danemark, qui vend alors de l’électricité à son voisin, puis en achète quand il n’y a pas assez de vent à la Norvège qui fait alors tourner ses barrages à plein régime. Et la même chose s’est produite à propos de solutions communes trouvées au Danemark et à Vancouver pour abaisser la consommation d’énergie des bâtiments. Je suis optimiste car je sais que des milliers de bonnes idées n’attendent qu’une chose, être concrétisées...
Un jour de belle neige, à Helsinki, en décembre dernier
Il me semble que les politiques français (mais je doute que ce ne soit pas le cas partout ailleurs), pour une majeure partie d’entre eux, sont peu efficaces. Ou peut-être simplement incompétents. Même si on n’est pas dans la société américaine, on a tout de même largement connaissance des déboires, frasques, actes ridicules, etc. de nos politiques. Peut-être n’est-ce pas la bonne attitude à adopter, mais j’ai du mal à avoir beaucoup d’estime et de confiance en eux. J’en suis persuadé depuis l’échec du Sommet de Copenhague en décembre 2009 : le changement ne vient pas et ne viendra pas de la sphère politique. S’ils se réveillent, tant mieux. Sinon, on s’débrouillera ;
Dans son livre, Gunter Pauli reprend un certain Edgar Woolard, ex-dirigeant de Dupont de Nemours, qui disait : "Les gouvernements peuvent légiférer, les ONG peuvent agiter, mais seuls les entrepreneurs peuvent innover". Je ne suis pas entrepreneur et ne prévois pas d’en faire ma profession, mais, futur diplômé d’école de commerce, je serai en tout cas amené à travailler dans le secteur privé, là où il est possible d’innover. C’est pourquoi je crois être dans une des meilleures positions possibles, en possession de tous les outils pour agir à mon échelle, "tel le colibri".
Début février dernier, lors de ma première traversée du Canada en bus (d’Est en Ouest), dans le Manitoba
Pourquoi n’apprend-on pas du passé ? Comme si Tchernobyl n’avait pas suffi, des dirigeants du monde entier (en France, mais aussi en Chine qui relance son programme nucléaire, aux Etats-Unis bien sûr...) s’apprêtent à ne rien retenir de Fukushima. C’est pourquoi je suis particulièrement admiratif d’Angela Merkel et des autres politiques (comme Martine Aubry si je ne dis pas de bêtise) qui ont remis en cause leur position sur le nucléaire et tiré des leçons de cette catastrophe ;
Je ne comprends pas pourquoi on n’apprend pas de ce qui se passe ailleurs et des rapports scientifiques quand il le faut. Ce n’est pas seulement le climato-scepticisme qui m’échappe, c’est aussi par exemple les opinions favorables à l’exploitation des gaz de schiste alors qu’on est tout à fait conscient des dégâts environnementaux (pour l’eau surtout) causés outre-Atlantique ;
Pourquoi, alors que sur les 4 pays que j’ai pu visiter (Finlande, Canada, Roumanie et Danemark), 3 d’entre eux ont mis en place un système de consigne pour les bouteilles (verre ou plastique) et canettes, ceci n’existe toujours pas en France ? La Roumanie ne s’y est toujours pas mis, mais la Roumanie a beaucoup de retard dans le domaine de la gestion des déchets. En Finlande, où j’ai pu me renseigner sur le sujet, la consigne est une évidence et cela existe depuis plusieurs dizaines d’années (depuis les années 1970). C’était, j’en suis sûr, également une évidence pour les Français à l’époque où les laitiers passaient récupérer les bouteilles de lait en verre. Y a-t-il une raison objective ou historique à cet énorme manque (le plus évident et le plus dommageable pour la France que j’ai pu noter en un an de voyage) ? J’aimerais beaucoup le savoir... ;
Je ne comprends pas pourquoi les différences entre les hommes gênent toujours autant. Pourquoi, en 2011, alors que les lois sont censées devancer les évolutions des sociétés (c’est en tout cas ce que l’on m’a appris à l’école) comme l’avait si bien fait l’abolition de la peine de mort, le Parlement français fait preuve d’un retard évident et ridicule en refusant encore récemment le mariage gay ? Je suis donc, comme vous pouvez le deviner, ravi de la légalisation toute récente du mariage gay à New York (de belles images ici dans le Guardian). Ce point s’éloigne quelque peu de mon propos initial, plus concentré sur les questions environnementales, mais c’est une colère que je voulais exprimer.
Lors de ma traversée retour du Canada, le dernier soir, dans l’Ontario (début avril)
Je souhaite que la gestion des déchets municipaux du monde entier s’inspire des pays modèles en la matière, dont, d’après mon expérience, je pense que la Finlande fait partie ;
Je souhaite que les maires du monde entier s’inspirent du projet de Vancouver Greenest City développé par l’équipe de Greg Robertson (maire de Vancouver). Et si un élément en particulier devait être copié pour ce genre de projet, ce serait à mon avis la consultation au public ;
Je souhaite que les leaders politiques écoutent davantage les ONG (sans retomber dans le lobbying intensif) ;
Je souhaite que d’autres étudiants aient la chance que j’ai eue et puisse voyager pour s’ouvrir l’esprit ;
Parmi mes très nombreux souhaits, on trouve également la paix dans le monde, la fin des dictatures et la fin des discriminations de toutes sortes mais vous en parler serait long, trop banal et sans lien aucun avec le projet qui ma conduit à créer ce blog.
Le Danube, magnifique, à Galati en Roumanie (juin)
Je sais, enfin, que je ne sais pas tout (comme quoi, contrairement à ce que disait Mr Lelièvre, je n’ai pas tout oublié de mes cours de philo de lycée). Je n’ai pris qu’un an pour voyager, c’est trop peu pour comprendre les intérêts de tous, pour connaître toutes les solutions aux problèmes environnementaux possibles et existantes. Je crains de ne pas pouvoir comprendre toutes les opinions car les miennes me viennent de ma culture, de mon milieu social, de mes expériences vécues et des articles de TerraEco. Je promets néanmoins, à l’avenir, de ne pas me fermer à ceux que je comprends pas, à ceux qui ne veulent pas comprendre, à ceux qui ne veulent pas faire d’effort pour les générations futures et à ceux qui n’ont jamais eu la chance incroyable de lire ce blog. Je promets enfin de ne rien prendre pour acquis, de constamment me remettre en question, de ne jamais oublier que la modestie n’est pas optionnelle et de, "surtout, surtout, ne rien lâcher" (selon la formule célèbre de Philippe Collin sur France Inter) et me battre pour les idées que je crois être les bonnes.
Merci encore à tous mes interlocuteurs et à tous ceux qui m’ont aidé de près ou de loin tout au long de cette année. Merci à mes lecteurs (je n’aurai jamais réussi à vous quantifier) de vous être intéressé à ce blog. Merci à TerraEco de m’avoir accueilli. J’espère revenir au plus vite,
À bientôt, Visez l’green, Ben
J’espère revenir au plus vite sur les routes (ici, en Colombie-Britannique, en février dernier)
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