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Gunter Pauli : « Il ne faut pas polluer moins, il faut arrêter de polluer »

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Gunter Pauli : « Il ne faut pas polluer moins, il faut arrêter de polluer »
(Crédit photos : Ivo Näpflin pour la Lift Conference)
 
En juin 2009, cet entrepreneur belge qui veut sauver la planète en imitant la nature était de passage à Marseille pour une Lift Conférence. Retour sur une intervention qui en en a impressionné plus d'un.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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« Aujourd’hui, on donne des prix environnementaux aux hommes d’affaires qui annoncent qu’ils vont polluer un peu moins. Mais il ne faut pas polluer un peu moins : il faut arrêter de polluer. » C’est sur cette base, qui pourrait paraître totalement provocatrice, que Gunter Pauli a planté le décor de son impressionnante intervention (voir la vidéo).

Gunter Pauli est un industriel belge qui, dans les années 90, a lancé une société fabricant des produits biologiques pour la lessive et la vaisselle, Ecover. Il a conçu son usine pour qu’elle soit complètement biodégradable : tous les matériaux pouvant être démontés et réutilisés. Il innova même par exemple en payant ses employés jusqu’à 50 centimes d’euros par kilomètres parcourus pour qu’ils viennent en vélo à l’usine, jusqu’à ce que la justice belge le condamne pour cette initiative qui sortait des cadres du droit du travail… Il a dirigé Ecover jusqu’à ce qu’il découvre que les produits qu’il utilisait (l’huile de palme notamment) étaient responsables de la déforestation et de la disparition des Orang-Outan en Indonésie. Il vendit alors son entreprise pour se consacrer à la recherche de solutions alternatives à nos modes de développement. Pour être un vrai pionnier de l’écologie, il lui fallait trouver des matières premières qui régénèrent la forêt tropicale, pas l’inverse.

Pour l’exposition universelle de Hanovre en 2000, il contribua à réaliser un pavillon (Guadua Pavilion de Manizales construit uniquement en bambou, afin de montrer que cette plante – matériel du pauvre avec lequel plus d’un milliard de personnes dans le monde construisent leur maison - pouvait être une solution durable et de qualité. Un véritable acier végétal. Cette réalisation a changé le regard que les pauvres portaient sur ce matériau.

« Il faut changer fondamentalement nos façons de penser. Nous devons créer des chemins pour que nos enfants imaginent un futur différent afin qu’ils ne répètent pas nos erreurs », explique Gunter Pauli.

C’est par des réalisations comme celle-ci que Gunter Pauli a mis au point sa théorie et méthodologie de la « pollution zéro » qui a donné le nom de son Institut de recherche (Zero emission research institute). Pour Pauli, faisant référence à la dynamique de la croissance mise au point par Adam Smith, on a trop exploité les facteurs de la division du travail et de l’accumulation du capital au détriment des matières premières, gaspillées sous forme de déchets. « Le développement durable c’est la capacité de répondre aux besoins de tous avec ce dont nous disposons. Chaque système naturel, dont il s’inspire totalement, fonctionne avec ce qui est disponible. Or depuis des années, notre économie, comme notre système financier, a fonctionné avec ce qui n’existe pas. » Un système qui n’a cessé de produire du chômage, de la pollution, des déchets et de la pauvreté… dénonce l’entrepreneur écologiste. Aujourd’hui, l’économie américaine gaspille chaque année 1 000 000 000 000 de dollars pour gérer ses déchets ! « C’est une folie !, clame Gunter Pauli On ne met pas l’argent au bon endroit ! ».

S’inspirer des systèmes naturels

Il faut en revenir à la satisfaction des besoins fondamentaux (l’eau, la nourriture, le logement, la santé, l’énergie, l’emploi, l’éthique) et stimuler l’entrepreneuriat dans ce sens. La science hélas n’est pas liée à la satisfaction de ces besoins fondamentaux. « Les systèmes naturels sont mon inspiration ». Nous nous devons de ne générer aucune pollution, aucun déchet, aucun chômage… explique-t-il le plus calmement du monde.

De quoi avons-nous besoin pour arriver à une société durable ? D’abord, y croire. Avoir une pensée positive. Se dire que c’est possible. Il faut s’engager dans un apprentissage créatif pour comprendre comment fonctionnent les systèmes naturels et nous en servir pour que les transformations s’accomplissent. On a besoin d’une innovation massive et de nouveaux modèles commerciaux pour y parvenir. Mais dans les écoles de commerce, le modèle économique qu’on apprend consiste à investir plus et économiser un peu. « Ce n’est pas le modèle des systèmes naturels ! » L’évolution nous apprend le contraire : il faut investir moins pour générer plus de création et de capital social pour que chacun contribue à l’écosystème. Nous ne pouvons pas accepter les dommages collatéraux que nous faisons peser sur la nature et sur l’humanité.

Pour dépasser les généralités, Gunter Pauli se décide à vouloir être concret et à montrer, par quelques exemples forts, comment, sur son exemple, on peut transformer les choses. Le système naturel cherche toujours à faire plus avec le moins d’énergie possible. Comment les systèmes naturels génèrent-ils de l’électricité tous les jours ? Ce n’est pas grâce au soleil comme on le croit souvent. Mais par la gravité et la biochimie. Les systèmes naturels n’utilisent ni piles, ni métaux : comment peut-on résoudre le problème de la connectivité, si ce n’est en regardant comment la vie elle-même génère de l’électricité ? Et de montrer un prototype de film électrocardiogramme (thin film electrocardiogram), un électrocardiogramme qui marche sans batterie, comme un patch, qui permet, en utilisant la connectivité naturelle du corps, de fonctionner pendant 24 heures, sans piles, sans fil. « Oubliez les technologies qui ont besoin de trop d’énergie pour fonctionner comme le Bluetooth ! » Faisons tout sans piles. Les prothèses auditives, les téléphones mobiles peuvent fonctionner par la conductivité naturelle que nos corps produisent. Comment le dispositif nanométrique inventé par le professeur Jorge Reynolds qui permet de récupérer l’électricité produite par notre corps et qui nous permet d’envisager bientôt des Pacemakers ne nécessitant ni chirurgie, ni anesthésie, ni piles pour fonctionner… Le Fraunhofer Institut est en train de produire le premier téléphone mobile qui fonctionne en convertissant la pression générée par la voix en électricité ! On peut créer de l’électricité avec le corps (60 volts/heure) ou par la pression de la voix et cela permet d’envisager de faire fonctionner un téléphone mobile pendant plus de 200 heures ! Plus vous parlez, plus votre téléphone est chargé !

Mais on peut aller plus loin encore croit Gunter Pauli. Peut-on faire du métal sans fonderie ni exploitations minières, c’est-à-dire sans la chaine industrielle que nous avons conçu jusqu’à présent et qui n’est absolument pas durable. Pourrait-on exploiter du métal juste en récupérant le métal existant ? A quoi servirait une place de marché de compensation des émissions de carbone comme l’imagine le protocole de Kyoto, si on peut réduire de 99% nos émissions de carbone ?

Imiter les insectes

Autre exemple. « Comment les systèmes naturels produisent-ils des polymères ? », nous demande l’entrepreneur… Ils sont fabriqués à partir des acides animés d’insectes par exemple depuis des millions d’années, nous explique-t-il. Si nous étions capables de fabriquer des polymères comme le font les insectes plutôt que d’utiliser la pétrochimie, nous arriverions à révolutionner profondément la production. Gunter Pauli défend ardemment le biomimétisme, c’est-à-dire des technologies inspirées par le vivant. Aujourd’hui, on est capable d’utiliser la soie pour faire des réparations nerveuses ou osseuses. L’araignée est capable de produire 9 types de soies différentes, avec des qualités de résistance différentes selon l’eau qu’elle y incorpore. Le zoologue Fritz Vollrath et ses équipes d’Oxford Biomaterial ont produit la première usine produisant du fil comme l’araignée en utilisant des acides aminés et la pression.

« On utilise 100 000 tonnes d’acier pour fabriquer des rasoirs jetables, s’enflamme Gunter Pauli, alors que la capacité de la soie pourrait nous permettre de nous raser sans jamais pénétrer la peau. On pourrait remplacer l’acier et le titane de nos lames de rasoir par de la soie, ne nécessitant ni pétrole, ni énergie, ni déchets. Un hectare de murier permet de produire 2 tonnes de soie. La Chine ancienne a travaillé à régénérer des sols arides en y plantant des mûriers dont la soie a été le sous-produit. Pour fabriquer des rasoirs avec de la soie, il faudrait planter des mûriers sur 250 000 hectares de sols arides qu’on pourrait reconquérir par ce moyen et qui permettraient de générer plus de 12 500 emplois » poursuit-il chiffres à l’appui. Au final, « l ’observation et l’imitation des systèmes naturels pourraient nous permettre de générer des polymères naturels, conquérir des terres arides et créer des emplois ! »

Autre exemple encore. Remplacer la chimie par la physique… Les systèmes naturels ne jouent pas avec les molécules non biodégradables. Or, si on se débarrasse de toutes les bactéries avec de la chimie, nous risquons surtout de finir par nous débarrasser de toute l’humanité ! Comment les systèmes naturels contrôlent-ils les bactéries, sans utiliser le chlore et les produits chimiques ? On pourrait imaginer utiliser le vortex, ce tourbillon vertical qu’on observe lorsqu’on vide une baignoire par exemple. Realice a développé par H2O Vortex, un système qui créé de la glace en enlevant l’air (l’eau glace plus facilement sans air), utilise ainsi la pression que génère un vortex. Sans air, pas de bactérie, pas de corrosion…

Regénérer le vivant

Très rapidement (trop), Gunter Pauli a évoqué la climatisation naturelle du zèbre ou des termitières (en citant une école en Suède où l’air circule sur le modèle des termitières pour faire de la régulation thermique naturelle), qui savent refroidir ou réchauffer en dépensant le moins d’énergie possible, en nous incitant à nous en inspirer.

Autre exemple encore : nous avons pris l’habitude d’incinérer les déchets organiques, alors que dans les systèmes naturels, ils deviennent des aliments. Dans le café par exemple, on trouve seulement 0,2 % des graines de café dans un petit noir qu’on prend sur un zinc de bistro. 25 millions de fermes produisent du café dans 70 pays dans le monde. L’initiative Chido’s Blend au Zimbabwe consiste justement à utiliser les déchets du café pour créer de la nourriture pour animaux ou de l’électricité, plutôt que de les détruire.

Dernier exemple évoqué trop rapidement, celui de Las gaviotas en el Vichada->http://zeri.org/case_studies_refore...]. Ici, le projet était de reconquérir des territoires qui ont subi la déforestation en régénérant une forêt primaire. Ce programme lancé depuis 25 ans est le plus important programme de reboisement dans le monde. Il a permis de montrer qu’on pouvait régénérer la biodiversité. Sur cet espace, nous sommes passés de 11 à 250 espèces. La forêt génère une production naturelle d’eau offerte gratuitement à la population locale et pour partie embouteillée pour être revendue ailleurs et générer des revenus pour cette communauté… Ce territoire a été acheté pour quelques dollars et génère aujourd’hui des revenus pour toute une population, souligne Gunter Pauli pour montrer combien le modèle économique est sensé.

Impressionnante intervention en tout cas, qui nous fera nous précipiter, pour ceux qui ne l’ont pas déjà lu, sur les livres de Gunter Pauli comme Croissance sans limites pour aller plus en détail et plus en profondeur dans sa stimulante vision.

Lift France 09 : Gunter Pauli : Changing the Planet from Lift Conference on Vimeo.

Cet article a été initialement publié le 29/06/09 sur le site Internet Actu.

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Rédacteur en chef d’InternetActu.net, le média de la Fondation internet nouvelle génération (Fing).

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  • Je suis tout à fait d’accord avec ecolibre et Antoine, et suis persuadé que nos systêmes politiques et nos différents opérateurs et lobbies, industriels, prestataires de services, financiers, n’évolueront que sous la contrainte économique et sociale et pas seulement avec de l’incitation.
    Mais la vitesse d’évolution est surtout fonction des états et entreprises les plus puissantes qui voudront toujours garder leur suprématie même si des transformations doivent avoir lieu au niveau écologique, industriel, économique et financier.
    J’approuve aussi Gunter Pauli quand il dit que le marché carbone n’a aucune raison d’exister, car c’est une fausse bonne réponse à un vrai problème.L’existence d’un marché carbone ne fera que favoriser les entreprises les plus puissantes et n’arrêteront pas pour autant de polluer.Faut-il encore un marché dans lequel la spéculation s’effectuera sur le dos de l’environnement ?

    17.10 à 11h08 - Répondre - Alerter
  • Cet article a au moins le mérite de suggérer de nombreuses pistes que les lobbys économico-politico-financiers n’ont pas envie (intérêt) de suivre. Pour aller dans ce sens, il faudra avoir complètement pillé la planète, hélas !

    1er.03 à 09h44 - Répondre - Alerter
  • Est-ce que ça veut dire quelque-chose les volts/heure ?

    Sinon, l’énumération de pistes techniques n’est pas dénuée d’intérêt. Mais je crois qu’il s’agit là de questions secondaires. Les agents économiques se tourneront naturellement vers elles quand ils y seront incités. Malheureusement, il est encore quasiment gratuit de prélever des ressources naturelles et de produire des déchets.

    21.02 à 17h22 - Répondre - Alerter
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