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3-06-2004
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Société
Technologie

Brevets logiciels : main basse sur le savoir (suite)

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...Accessoirement, on pourrait assister à une dérive à l’américaine. Outre-Atlantique, des entreprises en propriété industrielle "vivent du portefeuille de brevets qu’elles détiennent, mais sans produire de logiciel, et en profitent pour racketter des PME", accuse Jacques Le Marois, PDG de la société Mandrakesoft.

Enjeu de société

Autre menace, les brevets logiciels mettraient un frein à l’interopérabilité, terme barbare qui désigne la capacité de différents logiciels à communiquer entre eux. Pour développer un nouveau logiciel B compatible avec un logiciel A, les programmeurs de la société B devraient au minimum demander l’autorisation de la société A pour utiliser son idée brevetée. Libre à celle-ci de refuser, ou d’exiger finances. Pour les anti-brevets, cette tactique permettrait aux plus gros de s’imposer comme standard sur le marché. Voire, à terme, de constituer des monopoles contrôlant la création logicielle.

Tout ceci ferait donc courir trop de risques à notre société. Puisque demain l’informatique sera la principale voie de circulation et d’acquisition des idées, de tels monopoles limiteraient rien moins que l’acquisition du savoir. "Il ne peut y avoir de véritable développement économique européen si nous n’obtenons pas notre autonomie et nos propres instruments de développement. Or cela ne sera plus possible si l’on brevète le savoir", prévient l’eurodéputée belge Olga Zrihen (PSE). Adieu le "monde numérique", censé assurer un lien entre les personnes, les communautés et les idées.

Une directive sur mesure

Ces enjeux de société ont pourtant pesé bien peu face au lobbying des industriels. Le texte du 18 mai a été adopté "sous l’influence des grandes entreprises qui sponsorisent la présidence irlandaise", raille la FFII, une association européenne militant pour les logiciels libres. De fait, la présidence irlandaise est très officiellement sponsorisée par l’éditeur de logiciels Microsoft et la marque de PC Dell, rappelle François Pelegrini, qui a plaidé la cause des anti-brevets à Bruxelles. D’autres société ont fait pression : Thalès, Thomson, BSA, Nokia, Siemens. Selon Christian Nguyen, le responsable de la propriété intellectuelle de Thalès, elles n’ont fait que jouer la carte de la realpolitik.

Premier de leurs arguments, ce texte serait "nécessaire pour éclaircir un cadre juridique trop flou", justifie le cabinet de Claudie Haigneré, ministre déléguée aux Affaires européennes. Avant de minimiser, quitte à se contredire : "Ce texte n’est pas gravé dans le marbre, la France est à l’écoute des propositions du Parlement européen". Second argument, le passage du droit d’auteur au brevet favoriserait l’innovation. Une fois déposé, le contenu du brevet « est consultable par des tiers, qui peuvent le faire évoluer », ce que ne permettrait pas le droit d’auteur, argumente Axel Casalonga, juriste et conseil en propriété industrielle. Problème : l’évolution ne pourrait se faire sans l’accord du détenteur du brevet. De quoi transformer le dispositif en arme anti-concurrence...

Pas de petit profit

Troisièmement, même les PME pourraient trouver avantage dans ce dispositif. "Si leurs inventions logicielles n’étaient pas brevetables, elle ne pourraient être protégées. Cela ouvrirait la voie à un pillage par des entreprises plus importantes", argumente Dominique Deberdt, de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). Sans aucun doute. Mais à un détail près : selon l’INPI, déposer un brevet en France se chiffre à 4500 euros. Pour être valide dans les huit "principaux" Etats de l’UE, c’est 23000 euros. Chez Thalès, qui n’est pas exactement une PME, Christian Nguyen veut relativiser : "Sur un chiffre d’affaires de 10 milliards d’euros, nous dépensons 10 millions d’euros en acquisitions et développements de brevets". En fait, les gros industriels notent que le cumul de ces "petites sommes" perçues pourrait arrondir leurs fins de mois : IBM, le leader américain sur le marché des brevets, a amassé un butin de près de 10 milliards de dollars en royalties entre 1993 et 2002. L’émergence du brevet logiciel profiterait au passage aux professions de la propriété industrielle, qui verraient se créer un marché du contentieux (frais de conseils, frais de défense des droits). D’autant qu’elles ne touchent actuellement rien sur les droits d’auteur.

La balle est dans le camp des eurodéputés

Enfin, jurent les pro-brevets, l’Europe serait protégée d’une dérive du "tout-brevetable" à l’américaine. Outre-Atlantique, "l’examen des dépôts de brevets est laxiste, c’est un système judiciaire tout-puissant qui fait le tri derrière, alors qu’en Europe, il y a un principe de forte présomption de validité du brevet délivré par l’OEB", estime Dominique Deberdt. A un détail près : étant donné les juteuses perspectives de royalties, les industriels auront intérêt à tenter leur chance et déposer un maximum de brevets. L’OEB n’a-t-il pas délivré des brevets douteux ces dernières années, à l’américaine ? Or Aux Etats-Unis, Andrew Grove lui-même - le patron de la multinationale Intel - dénonce les dérives d’un tel système, qu’il accuse d’entraver l’innovation. Cette prise de position iconoclaste n’échappera probablement pas aux députés de la prochaine cuvée du Parlement européen (13 juin), qui devront voter le texte en seconde lecture à l’automne. A eux désormais de transcender un débat très technique pour en faire saisir les enjeux sociétaux au grand public.

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