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3-06-2004
Mots clés
Société
Technologie
Europe

Brevets logiciels : main basse sur le savoir

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Demain, les logiciels seront la voie principale de la conquête et de la transmission du savoir. Aujourd'hui en Europe, ces programmes informatiques relèvent du droit d'auteur. Mais sous l'influence d'industriels et contre l'avis du Parlement, le Conseil des ministres européens vient de faire un pas vers un système à l'américaine, dans lequel les logiciels peuvent être brevetés. Eclaircissements sur un thème qui, pour être complexe, n'engage pas moins notre avenir à tous.
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Imaginez-vous au sein d’un groupe de rock, composant un nouveau morceau de musique. Vous êtes libre d’y intégrer des standards, des extraits de Tutti Frutti de Little Richard, Blue suede shoes de Carl Perkins, ou encore Satisfaction des Rolling Stones. Une condition toutefois : respecter le droit d’auteur. En clair, citer les créateurs de ces morceaux originaux, sous peine d’être poursuivi pour plagiat. Vous êtes libre, aussi, d’y intégrer des plages riff, ce procédé issu du jazz, qui consiste à répéter de façon rythmique un court fragment mélodique. Cette sorte de "droit de citation" relève du droit d’auteur. Mais si la musique était brevetable, il faudrait payer des royalties - sans doute conséquentes - à vos idoles et au détenteur du brevet sur le riff. Sous peine de procès. Peu de groupes débutants ayant les moyens de payer de telles sommes, l’histoire du rock aurait été privée de morceaux d’anthologie. Adieu Satisfaction, précisément célèbre pour ses riffs...

Made in USA

Comme pour la musique, en Europe, les logiciels informatiques relèvent strictement du droit d’auteur, qui protège les créateurs d’œuvres individuelles, à caractère intellectuel ou artistique. Pourtant l’Union européenne vient de s’engager sur la périlleuse voie des brevets logiciels chère aux Américains. Outre-Atlantique, le droit autorise depuis dix ans le dépôt de brevets sur les programmes informatiques. Et cette idée séduit de plus en plus chez nous : sous couvert de protéger leurs logiciels, des entreprises y voient l’opportunité de toucher des droits sur toutes leurs utilisations potentielles, comme cela se fait pour les médicaments ou les cosmétiques. Ces entreprises se frottent les mains : le 18 mai dernier, le Conseil des ministres européens a adopté un projet de directive radical, qui instaure une forme de "brevetabilité" des logiciels.

Les subtilités juridiques de l’OEB

En fait, ce virage à 180 degrés a été amorcé depuis plusieurs années sur le terrain juridique. La convention de Munich (1973), socle du droit européen des brevets, stipule que "ne sont pas considérés comme des inventions (brevetables, ndlr) les programmes d’ordinateurs". Limpide. Mais il y a une subtilité : cette exclusion concerne les programmes "en tant que tels", mais pas leurs "effets techniques". En clair, on peut breveter les procédés informatiques, comme si on le faisait avec les riffs musicaux. L’Office européen des brevets (OEB) s’est joyeusement appuyé sur cette incongruité pour attribuer quelque 30 000 brevets, dont 70% sont détenus par des sociétés non européennes. La pratique et la jurisprudence ont fait le reste. Quitte à piétiner l’esprit de la loi, comme le rappelle Michel Rocard (voir encadré).

La porte ouverte au brevetage des idées

Un nouveau coup de canif a été donné le 20 février 2002, quand la Commission européenne a publié son projet de directive sur "la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur". Pour la première fois, les éditeurs de logiciels obtiendraient des royalties sur des programmes démontrant leur caractère inventif par leur "effet technique". Dès lors, deux camps se sont formés. Les pro et anti-brevets ont ferraillé, jusqu’à ce que les "anti" emportent la première manche en septembre 2003. Le texte adopté par le Parlement établissait une frontière stricte entre les logiciels purs - non brevetables, ils relèvent toujours du droit d’auteur - et les fameux "effets techniques", brevetables.

Le 18 mai dernier, patatras ! Le Conseil des ministres européens passe outre ce texte pour adopter une autre directive, dite "de compromis". En "rejetant cette séparation", estime Bernard Lang, secrétaire général de l’AFUL (Association française des utilisateurs de logiciels libres), cette directive autorise le brevetage de logiciels aux "effets techniques". Elle va même plus loin, en mentionnant les "revendications logicielles", qui permettent le dépôt de brevets non techniques. Traduction : la porte est ouverte au brevetage des méthodes, voire des idées. C’est avec de tels arguments qu’Amazon, le géant du commerce électronique, a breveté l’idée du paiement en un clic de souris sur Internet, ou encore les bons d’achats virtuels... Ce qui revient à breveter non plus un outil, mais la façon dont on s’en sert !

Copier sans le savoir

Premières victimes, les développeurs et utilisateurs de logiciels libres. A l’origine, le système d’exploitation libre GNU/Linux, que de plus en plus d’entreprises et administrations utilisent au détriment de logiciels propriétaires (comme ceux de Microsoft), repose sur un concept unique : le cœur de son programme est accessible à l’utilisateur. Ce dernier a "la liberté de l’étudier et l’adapter selon ses besoins, en redistribuer des copies, et publier une version modifiée", explique Richard Stallman, un des fondateurs du logiciel libre. Mais avec l’instauration d’un brevet sur les logiciels, les concepteurs et utilisateurs de logiciels libres "pourront être poursuivis pour avoir utilisé une idée dans un programme sans savoir qu’ils ont enfreint un ou des brevets", s’inquiète Richard Stallman. Vérifier s’il existe un brevet sur cette idée prendra un temps fou à tout développeur de bonne foi. Et cette recherche sera facturée par l’OEB. Par ricochet, et faute de moyens pour payer les licences aux détenteurs de brevets, des entreprises concernées (PME notamment) devraient tout bonnement renoncer à leurs activités. C’est ce qu’elles rappellent dans une lettre adressée le 14 mai à Jacques Chirac. Elles enjoignent donc le président de la République de conserver la position "anti-brevets" qu’il avait adoptée en 2002...

...lire la suite de l’article

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  • Petite remarque en passant, après votre sujet sur les brevets logiciels. Microsoft vient de déposer le brevet pour une fonction "double-clic" sur certains ordinateurs de poche, aux Etats-Unis. Personnellement, je compte déposer un brevet sur "l’ouverture d’une porte en tournant la poignée de la main droite". Puis, je déposerai le brevet sur "mettre sa main devant la bouche quand on bâille". Je déposerai pour finir le brevet sur le dépôt de brevets. Je n’aurai plus qu’à ouvrir un compte en Suisse pour récolter les fruits de mes précieuses et universelles inventions. Non, non, ne me remerciez pas. Filez-moi plutôt votre numéro de relevé d’identité bancaire.

    4.06 à 16h48 - Répondre - Alerter
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