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27-02-2014
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Pascal Lamy, au bon marché

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Pascal Lamy, au bon marché
(Crédit photo : cédric poulmaire - réa)
 
Après huit ans passés à la tête de l’Organisation mondiale du commerce, le haut fonctionnaire n’en démord pas : il continue de jouer les ambassadeurs du libre-échange. Même à l’heure des délocalisations et du changement climatique.
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Oisif, Pascal Lamy ? Jamais ! Depuis août dernier, l’ex-directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a quitté le siège genevois de l’institution pour regagner son appartement parisien. Mais après deux mandats qui l’ont amené à faire chaque année dix fois le tour de la Terre, il assure : « Je ne travaille pas moins qu’avant et je ne voyage pas moins. » Ce jour-là, arrivé à 9 heures au siège du think tank Notre Europe, l’ex-commissaire européen, 66 ans, filiforme dans son costume sombre, a déjà fait son footing quotidien. Après l’entretien avec Terra eco, il filera à une réunion de l’ONG Transparency International. A part ça, il s’investit contre la surpêche, sollicite des sommités mondiales de tous bords, comme l’économiste indien Amartya Sen, promoteur du concept de développement humain, et la présidente socialiste du Chili, Michelle Bachelet, pour « affronter les défis du XXIe siècle »… Rien de ce qui est global ne semble étranger à ce haut fonctionnaire austère qui parcourt compulsivement la planète. En fait, cette frénésie d’activité dans le monde entier pourrait bien compenser la frustration de ne pas s’être vu offrir un poste à la hauteur de ses ambitions à son départ de Genève. Bercy, Matignon ou un soutien pour la présidence de la Commission européenne, après le départ de José Manuel Barroso en octobre prochain… La carte du PS, dûment renouvelée depuis l’adhésion en 1969, n’a pas servi de sésame. Ni les compétences, ni la force de travail, unanimement reconnues. Le président Hollande lui a remis la Légion d’honneur en mai 2013 : c’est chic, mais c’est tout.

En a-t-il fini, alors, avec les contraintes de carrière ? Pascal Lamy réagit au quart de tour : « Il ne faut jamais dire jamais. La raison veut qu’à mon âge je ne me colle pas dans des situations hyperstressantes. Mais… il peut y avoir des passions qui bousculent la raison. » Parler passion à travers un balancement circonspect façon Sciences-po – d’une part, d’autre part –, c’est tout Pascal Lamy, pudique et guindé jusqu’à la froideur. Qu’est-il, au juste ? « Social-démocrate », c’est l’adjectif qu’emploie l’ancien adjoint de Jacques Delors à la Commission européenne, qui pourrait aussi se traduire par « social-libéral ». De quoi déplaire à gauche du PS.

Poulet au chlore et OGM

A l’heure des délocalisations et du changement climatique, l’ex-directeur général de l’OMC n’a jamais cessé de défendre les vertus du libre-échange. Avec Internet et les porte-conteneurs, répète-t-il à l’envi, « il n’y a pas de protectionnisme intelligent », chaque produit étant un assemblage de toutes origines, « made in the world ». Pour mieux s’en convaincre, il avait même affiché dans son bureau genevois une photo de Willis C. Hawley et Reed Smoot. En 1930, ces deux membres du Congrès américain avaient décidé une augmentation massive des droits de douane à l’importation et, ce faisant, « précipité le monde entier dans la crise économique et la Seconde Guerre mondiale ». Libre-échange ou carnage, l’alternative est posée. Binaire ? Né en 1947, « Pascal appartient à cette génération pour qui la paix marche avec l’Europe et l’ouverture commerciale », explique Jean-Louis Bourlanges, ex-eurodéputé UDF. Numéro deux de la promo Léon Blum en 1975, le brillant énarque est ensuite passé par l’Inspection générale des finances et le Trésor public, « des administrations toujours ouvertes sur les investissements étrangers », indique un ancien camarade de l’Inspection. Et ses convictions de chrétien de gauche, dans tout ça ? Commissaire au Commerce, Pascal Lamy s’était efforcé de leur ménager une petite place. « Il a obtenu de réduire à zéro les droits de douane européens sur toutes les exportations des pays les moins avancés, sauf les armes », rappelle Nicolas Théry, son ancien chef de cabinet à Bruxelles.

A la fin de son mandat de commissaire européen, il avait élaboré la notion de « préférences collectives », histoire de rappeler que le refus du poulet au chlore ou des OGM ne relève pas forcément du protectionnisme déguisé. Une bonne idée… dont Pascal Lamy, une fois à la tête de l’OMC, n’a rien fait : « Difficile à mettre en œuvre à l’échelle mondiale. » Reste la certitude d’avoir contribué, par l’ouverture des échanges, à « sortir de la pauvreté des centaines de millions de personnes dans les pays émergents », argument massue qui concilie marché et bonne conscience. Imparable ? « Les règles de fonctionnement de l’OMC continuent à avantager les pays riches, peu pénalisés en cas d’infraction. Et dans l’enceinte de l’OMC, les négociations commerciales n’ont jamais été adossées aux normes sociales et environnementales », nuance José Bové. L’eurodéputé Europe Ecologie - Les Verts a eu l’occasion d’en discuter avec l’intéressé, surtout depuis qu’en 2005 il l’a fait sortir de la zone de rétention où l’avaient enfermé les autorités chinoises pour l’empêcher de se rendre au sommet de l’OMC à Hong Kong ! « Pascal aime la discussion. Mais après ? Excellent serviteur de l’institution, il n’a pas su faire bouger les lignes. »

Gap, Zara et fable

Arrive-t-il à Pascal Lamy de douter ? « Oui, admet-il. Rappelez-vous l’incendie d’un immeuble près de Dacca (au Bangladesh, en avril 2013, ndlr), qui a tué plus de 1 000 travailleurs du textile : cet accident est en partie lié à ce que j’ai fait à Bruxelles en faveur des pays les moins avancés. C’est grâce aux échanges “ duty free, quota free ” (‘‘ hors taxe et sans quota”, ndlr) que le Bangladesh a pu développer son industrie textile et créer des dizaines de milliers d’emplois. Les choses sont parfois “ bifaces ”. » L’exemple qu’il donne l’est aussi, « biface » : « A la suite de ce drame, ce pays a dû se doter d’une législation plus protectrice, sous la pression de Gap, Zara, etc., marques elles-mêmes sous pression de l’opinion publique. » Moralité pour Pascal Lamy, le drame a finalement entraîné un progrès – insuffisant peut-être, mais un progrès tout de même. L’homme a pris soin de citer un doute qu’il a peu ou prou surmonté, métamorphosé en fable exemplaire. Sous contrôle, en somme. —

En dates

1947 Naissance à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine)

1969 Adhère au Parti socialiste

1985-1994 Directeur de cabinet de Jacques Delors, alors président de la Commission européenne

1994-1999 Directeur général du Crédit lyonnais

1999-2004 Commissaire européen au Commerce

2005-2013 Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce

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