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20-10-2010
Mots clés
Multinationales
Agriculture
Sud
Enquête

Comment Monsanto drague le Sud

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Comment Monsanto drague le Sud
(Crédit photo : Thony Belizaire - AFP)
 
Le débarquement de ses sacs de semences dans les décombres d’Haïti a fait polémique. Le géant des OGM serait devenu un expert de la « stratégie de l’humanitaire » pour conquérir de nouveaux marchés. Inde, Burkina Faso, Amérique du Sud : décryptage.
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C’était le 4 mai dernier à Hinche, dans le centre d’Haïti. Vêtus de chemises rouges et de chapeaux de paille, des milliers de paysans brûlaient un petit lot de semences hybrides de maïs. Et distribuaient, en lieu et place, des semences locales. Motif de leur courroux ? Le don d’un lot de 475 tonnes de semences d’organismes génétiquement modifiés par le groupe américain Monsanto avec l’aide de l’Usaid, l’Agence des Etats-Unis pour le développement international, suite au séisme du 12 janvier.

« Nous avons effectué en Haïti une donation de semences dans un cadre humanitaire, via une fondation », détaille Yann Fichet, directeur des affaires institutionnelles de Monsanto France. « Un don similaire au Malawi en 2006 a permis de multiplier la production par cinq », a expliqué, de son côté le porte-parole américain du groupe, Darren Wallis. Mais, sur les pancartes, les slogans visaient l’entreprise et le président haïtien, René Préval, accusé de « vendre le pays aux multinationales ». Aujourd’hui, plus de 130 tonnes de semences OGM sont déjà arrivées en Haïti.

« Produire plus en préservant plus »

Cet épisode vient illustrer l’un des scénarios utilisés par Monsanto pour poser ses orteils partout sur le globe. C’est ce qu’on appelle la « stratégie humanitaire ». Créé en 1901 et installé dans 46 pays, cet empire industriel n’hésite jamais à mettre ses semences OGM à la disposition des pays – le plus souvent en développement – pour « produire plus en préservant plus », comme le vante l’un de ses slogans. Comment ? « Sans pesticides ». Or, selon une étude menée par le docteur Barney Gordon de l’Université du Kansas, le soja transgénique – son article de tête de gondole – produirait paradoxalement environ 10 % de moins que son équivalent conventionnel.

Haïti n’est pas le seul pays à avoir bénéficié des dons de la multinationale. Son expansion a débuté sur le continent américain, qui concentre aujourd’hui 90 % de la production OGM. « C’est son pré carré, commente Nadège Le Mabec, chargée de mission au sein de l’association Combat Monsanto. Ses techniques d’implantation sont quasiment les mêmes d’un continent à l’autre. Pour cela, les contacts sur place, les relations de particulier à particulier jouent beaucoup. Mais les contextes politiques diffèrent, certains gouvernements étant plus aptes à légiférer que d’autres. »

«  Elargir son matériel génétique »

Ainsi, en Argentine, où la moitié des terres cultivées sont couvertes de soja transgénique, l’implantation de la céréale fut conventionnelle, légale et rapide. L’aventure commence en 1994. « Le gouvernement, plus fragile qu’ailleurs, y a vite vu une manne financière, souligne Nadège Le Mabec. Il a donc incité Monsanto à s’installer en légiférant. Cela s’est fait sans débat, sans résistance. » Mais sans anticiper la déforestation, catastrophe écologique pour le pays, et les graves problèmes sanitaires qui en découlent. Le médecin argentin Dario Gianfelici, cité par Marie-Monique Robin dans Le Monde selon Monsanto (1), assure que l’utilisation du Roundup, l’herbicide commercialisé par Monsanto, et la « consommation abusive de soja transgénique » ont conduit à « une augmentation très significative des anomalies de la fécondité, comme les fausses couches ou les morts fœtales précoces et des dysfonctionnements de la thyroïde ».

La multinationale a ensuite jeté son dévolu sur le Brésil et le Paraguay voisins, en important les OGM via l’Argentine, cette fois-ci de manière illicite. « Comme au Mexique, ils ont organisé un trafic de semences illégales en s’appuyant sur des grands propriétaires terriens », souligne Marie-Monique Robin. Mais en 2003, l’Union européenne impose l’étiquetage des produits alimentaires. « Importants exportateurs, le Brésil et le Paraguay se sont inquiétés de possibles mesures de rétorsion, poursuit Nadège Le Mabec. Pour assurer la traçabilité du soja, les gouvernements ont donc été obligés de légiférer. » Yann Fichet, de Monsanto France, ne partage pas cette version des faits : « Notre entreprise ne pourrait pas se permettre de ne pas être en conformité avec la loi des pays dans lesquels elle opère. Au Brésil, compte tenu des bénéfices forts apportés par le soja OGM, il a pu y avoir des importations illégales de soja transgénique, mais elles n’ont rien à voir avec Monsanto. »

Une cantine sans OGM

En Inde, troisième producteur mondial de coton derrière la Chine et les Etats-Unis, des essais ont été réalisés dès 1995 pour implanter le coton Bt – génétiquement modifié – bien avant l’adoption d’une loi. « Monsanto a racheté la plus grosse compagnie de coton du pays pour pouvoir imposer ses semences transgéniques, explique Marie-Monique Robin. Cette stratégie a été développée à partir des années 2000. En 2007, plus de 70 entreprises étaient concernées dans le monde. » Et l’entreprise lorgne désormais le géant chinois et son importante production de riz. « Il y a des pays, comme l’Inde ou la Chine, où il faut s’associer avec les entités locales. Il est vrai que Monsanto a racheté des sociétés de semences dans son histoire récente. C’est une approche pour élargir son propre matériel génétique et répondre mieux à la demande », justifie Yann Fichet. En Afrique, le Burkina Faso s’est discrètement lancé dans la culture de coton Bt, au début des années 2000. « C’est sa porte d’entrée pour développer les OGM en Afrique de l’Ouest, commente-t-on à l’association Combat Monsanto. Sur place, une grande campagne d’opposition a été lancée. Mais les programmes pro-OGM ont une couverture médiatique bien plus importante ! »

Plusieurs pays africains restent cependant encore hermétiques aux OGM, comme le Zimbabwe. Ainsi que l’îlot européen. L’Union européenne n’autorise en effet la culture que d’un seul type d’OGM. « Sa politique d’étiquetage a une conséquence directe sur le reste du monde, remarque Nadège Le Mabec. Le soja d’Amérique latine, le maïs mexicain sont exportés en Europe et sont donc dépendants de ses lois. » Pour Rachel Dujardin, chargée de campagne pour Greenpeace, Monsanto utilise justement cet argument « humanitaire » pour « culpabiliser les consommateurs des pays développés sur le mode : “ Vous, vous n’avez pas de problème de famine, vous pouvez vous permettre de refuser. ” » Une anecdote en dit pourtant long : les salariés britanniques du groupe ont demandé, il y a déjà dix ans, une cantine sans OGM. « C’est un produit qu’on essaye de vendre aux autres, conclut Rachel Dujardin. Mais que l’on ne veut surtout pas consommer soi-même. » —

(1) La Découverte/Arte éditions, 2008.

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