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30-10-2008
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Développement Durable

San Pedro miné par le cyanure

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Chaque jour, 25 tonnes d’explosifs retentissent au-dessus de ce village mexicain. Cela va durer huit ans, le délai obtenu par le canadien Metallica Resources pour arracher or et argent de la montagne. Le site héritera, lui, de 180 tonnes de roches gorgées de produits nocifs.
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La mine de San Pedro en pleine activité en juillet 2008

Le village de San Pedro ne sera jamais inscrit sur la liste du patrimoine de l’Humanité, comme l’Unesco l’avait un temps envisagé. Le village, accroché au pied de la montagne du même nom, est né au XVIe siècle. A l’époque, les Conquistadores espagnols y découvrent de l’or. Ses ruelles étroites, ses maisons et églises colorées rappellent encore cette période faste. Ici, le béton n’a jamais remplacé la pierre et les montagnes qui le surplombent abritent toujours des centaines d’espèces de cactus dont le fameux peyotl, cactus hallucinogène des indiens Huicholes. L’économie du village était, jusqu’il y a peu, encore limitée. Des troupeaux de chèvres à surveiller, des grappes de touristes à recevoir le dimanche ou des tournages de films de cow-boys rythmaient la vie de ce pueblito typiquement mexicain.

Colonnes de camions jour et nuit Désormais, en pénétrant dans l’enceinte du village, le visiteur est frappé par une intense activité. Assourdi par le moteur des machines, il assiste à un va-et-vient incessant de colonnes de camions. Même lorsque la nuit tombe. Depuis un an, la mine canadienne Metallica Resources [1] a en effet investi les lieux, via sa filiale mexicaine Minera San Xavier. Elle y extrait de l’or et de l’argent sur 290 hectares de montagnes. Pour cette exploitation à ciel ouvert, le village a été encerclé de barbelés infranchissables. Au terme des huit ans de contrat, la mine laissera, à la place de la montagne, un cratère de 250 m de profondeur sur 1 km de diamètre. En contrepartie, la société minière offre 200 emplois – dont 25 dans le village –, réhabilite les chemins, les lignes électriques et finance une fondation d’oeuvres sociales.

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Manifestation le 16 juillet contre l’opérateur canadien de la mine

Selon l’entreprise canadienne, la production annuelle de Minera San Xavier atteindra approximativement 90 000 onces d’or et 2,1 millions onces d’argent. Sur dix ans, Metallica Resources a estimé son investissement à 34 millions de dollars (25 millions d’euros) et qualifie elle-même cette mine de « low cost gold producer » (« production d’or à bas coût »). Le traitement à ciel ouvert réduit en effet énormément les coûts de production en simplifiant les opérations. Mais l’environnement paye, lui, le prix fort. Jusqu’à présent, les mines à ciel ouvert n’avaient pas fait couler beaucoup d’encre au Mexique. La raison en est simple : la plupart se nichent au coeur de lieux isolés et faiblement habités.

Mais la mine San Xavier se trouve, elle, à seulement 12 km de San Luis Potosi, la capitale de l’Etat (du même nom), qui concentre 1,5 million d’habitants. Or, dans cette région semi-désertique, son unique source d’approvisionnement en eau est un aquifère souterrain, déjà surexploité. Il abreuve 40 % de la population de l’Etat, mais est également indispensable à l’exploitation minière. Chaque jour, la mine San Xavier utilise 25 tonnes d’explosifs pour faire s’écrouler près de 80 000 tonnes de roches.

Environ 40 % de ce matériel est ensuite traité dans une solution de 16 tonnes de cyanure de sodium, mélangé à 32 millions de litres d’eau, selon les chiffres de l’étude d’impact publiée par l’entreprise elle-même en 1998. Dans le milieu naturel, le phénomène qui en résulte s’appelle le « drainage minier acide » (DMA). « Le DMA a des effets dévastateurs sur l’environnement car il est dissous dans l’eau, puis transporté par les eaux de ruissellement. Il entraîne l’acidification des lacs et des rivières et contamine des cours d’eau éloignés de la source originelle. Le DMA peut persister dans l’environnement durant des décennies, voire des siècles jusqu’à l’épuisement des minéraux sulfurés. Lorsque le processus est amorcé, il devient presque impossible de l’arrêter », explique le chercheur en biologie, Felix Lapointe de l’université de Laval (Québec).

Annulation du permis d’exploitation En fin de vie, la mine San Xavier laissera donc près de 180 millions de tonnes de roches saturées de cyanure, exposées à tous les vents et intempéries. Dans sa première étude d’impact, l’entreprise reconnaissait qu’elle allait provoquer « une contamination atmosphérique avec les tonnes de poussière mélangées au nitrate d’ammoniac, poussées par l’action des vents dominants vers la vallée de San Luis Potosi ». A cela s’ajoute « l’évaporation quotidienne de près de 8 millions de litres du mélange cyanure et eau ».

La mine confirme que, pour l’eau, les impacts seront « sévères et permanents » et les infiltrations de cyanure sont « possibles » tant dans le sous-sol que dans les eaux de surface. Placée devant le fait accompli, la population locale n’a pourtant pas baissé les bras. Et ce, depuis le premier jour des négociations avec le groupe minier, il y a onze ans. « Les gens s’imaginent encore la mine souterraine avec les galeries, le mineur qui cherche l’or au marteau, etc. Cette mine, nous la connaissons bien ici. Mais là, nous sommes face à une dévastation écologique pure et simple », explique Mario Martinez, ingénieur à la retraite et porte-parole des opposants à la mine dans le village de San Pedro. Un collectif de juristes, d’avocats, d’historiens et de scientifiques se dresse face à la multinationale au nom de la sauvegarde du village et de son environnement. L’association a remporté plusieurs batailles dont l’annulation du premier permis d’exploitation délivré par le ministère de l’Environnement mexicain (Semarnat) en 2004.

Repoussée dans ses cordes, Metallica Resources a dû alors travailler sur une seconde étude d’impact pour décrocher le précieux sésame. Dans cette nouvelle étude, rendue publique en 2006, les expressions « pollution aquatique et atmosphérique » ont miraculeusement disparu. A la télévision, le grand écrivain mexicain Carlos Monsiváis a alors rué dans les brancards : « De qui se moque-t-on ? La même mine, la même technique, la même quantité d’or extraite, mais maintenant sans eau ni cyanure ? » En effet, la mine nie désormais en bloc toute accusation de pollution. Juan Guerrero, gérant de la mine San Xavier, l’assure aux journalistes : « Nous n’utilisons pas plus de cyanure que ce que respire un fumeur. »

Mais il doit reconnaître que les deux silos de plus de 10 mètres de haut, situés à côté des bureaux de la mine, sont bien des entrepôts de cyanure.

« Des techniques de mine modernes »

Marcelo de Los Santos, le gouverneur de l’Etat, a défendu le second permis octroyé à la mine en 2006 par le ministère de l’Environnement : « Nous prenons toutes les précautions. Tous les permis sont en règle. Il s’agit de techniques de mine modernes, il n’y a aucun risque. » Dans les autobus de San Luis, les publicités qui passent en boucle vantent les « progrès et emplois » que la mine toujours « moderne » apporte à la région. Ramón Marquez est un des employés de Minera San Xavier et habite à San Pedro. Quand on l’interroge sur son travail, il se défend d’abord : « Malheureusement, nous devons bien vivre de quelque chose. On ne pense pas aux dégâts que la mine va provoquer, on pense à nos familles. » L’homme est un peu gêné, il dira vite qu’il ne peut pas tout dire, que leurs chefs les ont prévenus, même menacés de perdre leur emploi. Petit à petit, il finit par lâcher : « On ne doit plus parler de cyanure, même pas dans la famille. »

Le Canada, roi des pépites

Le Canada est le premier producteur mondial de potasse, uranium et nickel, le deuxième d’aluminium, le troisième de cuivre et de diamant et le quatrième d’or. Un palmarès qui se traduit sur le terrain : près de 60 % des compagnies minières qui opèrent dans le monde sont canadiennes. Leurs profits sont évalués à plus de 37 milliards d’euros par an, soit l’équivalent de 4 % du produit intérieur brut du pays. Les entreprises minières canadiennes détiennent 8 300 exploitations dans 100 pays, dont 1 200 en Amérique du Sud et centrale. Rien qu’au Mexique, 160 mines sur un total de 209 sont à capitaux canadiens. Mais avant d’exporter leur savoir-faire, les miniers canadiens ont laissé des traces dans leur propre pays.

« Des centaines de milliers de tonnes de produits chimiques très toxiques, comme l’arsenic et le cyanure, se trouvent dans les sites de mines abandonnées. L’assainissement et la fermeture de ces sites coûteront aux contribuables canadiens au moins 555 millions de dollars. Il faudra gérer ces sites sur le long terme, car il est impossible de les assainir définitivement », signale un rapport du commissaire à l’Environnement. Un exemple encombrant parmi d’autres : la mine Giant qui, pour extraire de l’or, « a produit au moins 237 000 tonnes de poudre de trioxyde d’arsenic, soit suffisamment pour remplir 7 immeubles de 11 étages ».

[1] Elle a fusionné, en juin, avec le canadien New Gold Inc., via sa filiale mexicaine Minera San Xavier.

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