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28-05-2015
Mots clés
Pollution
Chine
Reportage

Xingtai, la ville la plus polluée de Chine

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Xingtai, la ville la plus polluée de Chine
(Crédit photo : Huang Tao - Imaginechina)
 
Dans le Nord-Est du pays, les 7 millions d’habitants de cette ville ont appris à vivre avec un smog permanent. En cause notamment, des industries très lourdes, que la municipalité tente de faire décliner.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Hai Li est une jeune trentenaire chinoise qui a, a priori, toutes les cartes pour réussir dans une grande capitale internationale. Un anglais sans la moindre pointe d’accent, un look plutôt branché et un diplôme prestigieux décroché après cinq années d’études supérieures à Singapour… Il y a trois ans pourtant, plutôt que de mettre à profit ce super CV dans une grande mégalopole à l’étranger, la jeune femme décide de rentrer en Chine. Par piété filiale, elle quitte alors la riche cité-Etat asiatique pour revenir aux côtés de sa mère, dans sa ville natale, Xingtai, « petite » agglomération de 7 millions d’habitants dans le Nord-Est de la Chine, à 450 kilomètres de Pékin.

Le retour, cependant, ne fut pas facile. Et pour cause : Xingtai, qu’elle avait connue toute petite, est devenue entre-temps la ville la plus polluée de Chine, selon le tout dernier classement établi à la fin du mois de janvier par l’ONG écologiste Greenpeace. « Alors que tout allait bien à Singapour, maintenant j’ai des crises d’urticaire terribles. C’est à cause de la pollution. J’ai testé tous les remèdes. Finalement, je fais des cures de vitamine C, ça soulage les démangeaisons », raconte-t-elle dans la voiture qui nous mène au domicile de ses parents, un joli et grand appartement au cinquième étage d’une résidence cossue, construite il y a tout juste dix ans. Derrière les fenêtres, l’interminable avenue Xingzhou-Dadao s’étire à l’horizon. Le ciel, en cette journée de février, est bas, gris jaunâtre. De gros poids lourds rouges vont et viennent dans les deux sens, klaxonnant à tout-va dans un bruit infernal et incessant. Sur cette très large artère, les magasins de concessionnaires automobiles se succèdent, laissant à peine de l’espace pour quelques arbres. Ce matin-là, le taux de pollution de l’air est seize fois supérieur à la norme quotidienne fixée par l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé. « Le mois dernier, nous avons eu un à deux jours de beau temps seulement ! J’en ai immédiatement profité pour aller faire mon jogging dehors », poursuit Hai Li en s’installant sur le canapé du salon. « Parfois, il y a du soleil le matin, alors j’enfile ma tenue de sport. Et puis, soudain, la pollution arrive dans l’après-midi. »

Maladies cardio-vasculaires et cancers

Pendant longtemps, Xingtai fut avant tout connue pour son passé historique. Cette ville sans âme était en effet, du temps de sa grandeur, l’une des capitales impériales sous la dynastie des Shang (1600-1046 avant J.-C.). Un héritage lointain qui, techniquement, fait donc d’elle l’une des villes les plus anciennes du Nord de la Chine. Mais aujourd’hui, Xingtai, située à seulement deux heures de train de Pékin grâce au Gaotie, le TGV chinois, est surtout connue à travers le pays pour ses industries lourdes, son mauvais bilan environnemental et la piètre qualité de son air. Selon Greenpeace, le mètre cube d’air à Xingtai contenait en moyenne l’année dernière 131 microgrammes de particules en suspension 2,5 (PM 2,5) par mètre cube d’air, soit treize fois plus que le seuil fixé par l’OMS, limité à 10. Ces particules en suspension, appelées ainsi car leur diamètre est inférieur à 2,5 micromètres, sont les plus dangereuses pour la santé. De petite taille, elles peuvent en effet entrer facilement, via la respiration, dans le corps humain où elles se propagent ensuite dans le sang et jusqu’aux organes vitaux, accélérant la formation de maladies cardio-vasculaires et de cancers.

A Pékin ou à Shanghai, les citadins s’en protègent en portant des masques antipollution couvrant la bouche et en achetant des purificateurs à air qui filtrent les mauvaises particules à l’intérieur des maisons. A Xingtai, beaucoup n’ont pas encore le réflexe de les allumer. « J’ai acheté un purificateur pour mon appartement, mais honnêtement ça ne change pas grand-chose », raconte notre chauffeur de taxi pour la journée, tout en tirant de grosses bouffées sur sa cigarette.

Verre, ciment, fertilisants chimiques

Xingtai, malgré tout, n’est pas la seule mauvaise élève. Sept des villes les plus polluées de Chine se trouvent, comme elle, dans le Hebei. Toutes proportions gardées, cette province de 73 millions d’habitants est un peu à Pékin ce qu’est l’Ile-de-France pour Paris : un grand grenier agricole, avec ici ou là des villes-dortoirs où ont élu domicile des familles ne pouvant pas se payer les loyers exorbitants de la capitale chinoise.

Mais c’est aussi, et surtout, une gigantesque usine à pollution à ciel ouvert. Acier, verre, ciment, produits chimiques : le Hebei est en effet depuis les débuts du maoïsme l’un des centres principaux pour les industries lourdes. Un choix politique décidé il y a plus de soixante ans et que la province paye aujourd’hui. « 40% de la pollution de Pékin provient en fait du Hebei », explique ainsi Fang Yuan, l’un des 80 collaborateurs de Greenpeace en Chine. Pour ce chargé de plaidoyer installé dans la capitale, aucun doute : « La pollution dans le nord de la Chine, c’est avant tout une question régionale », dit-il.

De fait, même les chiffres officiels sont là pour lui donner raison. Selon l’Annuaire statistique de la Chine, le Hebei produit à lui seul 417 millions de tonnes d’acier par an, soit un quart du total chinois et…environ cinq fois plus qu’Arcelor Mittal, pourtant leader mondial du secteur. A cela s’ajoutent aussi des tonnes de verre (15% de la production totale du pays), de ciment (5%) et de fertilisants chimiques (3%). Pas étonnant dans ces conditions que le Hebei soit devenu aujourd’hui le premier émetteur de déchets industriels solides du pays, avec, en 2013, 433 millions de tonnes d’ordures représentant… 13% des rejets industriels totaux de la Chine ! Pressurée par Pékin, Xingtai tente à présent de résoudre le problème en désindustrialisant pas à pas. Contacté, le bureau local de l’environnement n’a pas souhaité répondre à nos questions. Au Wall Street Journal, l’un de ses responsables avait cependant donné un premier bilan de cette campagne antipollution. « Nous avons réduit les particules en suspension de 4% par an, mais ce n’est pas encore visible à l’œil nu », regrettait Shen Hailong dans un article du quotidien américain paru en septembre dernier. Ce même cadre avait également détaillé les actions menées par la municipalité : fermeture des usines polluantes, distribution d’enveloppes contenant 10 000 yuans (1 500 euros) en cash pour inciter les citadins à faire remonter les entorses commises par les entreprises au droit chinois de l’environnement, strict sur le papier mais en fait peu appliqué sur le terrain.

Désindustrialisation impossible

Difficile cependant de vérifier indépendamment le bilan de ces efforts. Certes, la qualité de l’air s’est légèrement améliorée par rapport à 2013. Cette année-là, Xingtai avait enregistré en moyenne 155 microgrammes de PM 2,5 par mètre cube d’air, contre 131 l’année d’après, selon le classement de Greenpeace. Mais dans la grande banlieue de la ville, les grosses usines, du moins ce qu’on en voit depuis l’extérieur, semblent toujours tourner à plein régime. C’est le cas notamment le long de l’autoroute menant à Shahe (littéralement « Rivière de sable »), petite ville sous la juridiction de Xingtai, de laquelle des colonnes de fumée blanche crachées par les usines s’élèvent un peu partout dans le ciel. Ce bourg désolé porte d’ailleurs bien son nom puisque la rivière est aujourd’hui entièrement à sec.

Au-delà des fermetures d’usines, la problématique de Xingtai est bien celle de la désindustrialisation. Comment, en effet, rendre « propre » cette ville dans une province où l’industrie pèse pour 52% du PIB local et au moment même où la croissance chinoise décélère à des niveaux historiques ? Comment transférer, aussi, ces milliers d’employés travaillant dans les industries lourdes vers le secteur des services ? Comment remplacer, enfin, le charbon, très polluant, par le gaz, plus propre, dans cette province qui ne dispose que de 0,7% des réserves de gaz de Chine ?

Dans le cadre de la « guerre contre la pollution », annoncée il y a exactement un an par le Premier ministre chinois Li Keqiang, le Hebei s’est assigné des objectifs très ambitieux pour tenter de répondre à toutes ces questions. La feuille de route pour 2014-2017 est claire : réduire la production d’acier et de ciment de 15 millions de tonnes par an et baisser la consommation de charbon de 30 millions de tonnes sur toute cette période. Ce qui manque, en revanche, ce sont les moyens concrets pour favoriser cette difficile transition. A ce sujet, le chef du gouvernement chinois est d’ailleurs resté très vague cette année dans son traditionnel discours de mars marquant le coup d’envoi de la rentrée politique chinoise. « Il faut assurer la réinsertion des travailleurs et employés qui sont au chômage en raison de la restructuration de leur entreprise ou de l’élimination des surcapacités de production », a promis le numéro 2 du régime communiste. Avant de déclarer un peu plus loin, sans toutefois donner plus de détails aux 7 millions d’habitants de Xingtai qui l’écoutaient en direct depuis leur poste de télévision, que son gouvernement continuerait d’agir « d’une main de fer » dans le domaine de l’environnement. Cela permettra-t-il d’éviter 1,2 million de morts prématurées (1) dues à la pollution atmosphérique chaque année, à l’échelle du pays entier ? —

(1) Chiffres 2010, selon une étude publiée dans The Lancet

Pour aller plus loin
- Les infos de Greenpeace sur la pollution en Chine
- L’OMS
- L’Annuaire statistique de la Chine

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