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14-02-2012
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Agriculture
France
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Pesticides : le pollué finit toujours par payer

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Pesticides : le pollué finit toujours par payer
(Crédit photo : Howard F. Schwartz)
 
Apiculteur, agriculteur bio, riverains... chaque année des centaines de personnes sont victimes de pollutions aux pesticides. Mais il est très difficile, notamment pour les particuliers, d'être reconnu comme victime, et d'obtenir des dédommagements.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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La France a finalement renoncé à retirer les autorisations d’épandage aérien de pesticides sur son territoire. Les voisins des parcelles aspergées peuvent continuer à croiser les doigts pour ne pas être touchés. Car si c’est le cas, ils ont très peu de chance d’être dédommagés, comme le montrait notre enquête publiée en février 2012.

« Un tapis d’abeilles mortes ou à l’agonie. » En juin 2009 Julien Orain, jeune apiculteur de Loire-Atlantique, découvre « un carnage » au pied de ses ruches. En quelques jours, il va perdre un tiers de ses trois millions d’abeilles. L’agriculteur en est sûr, ce sont les pesticides répandus pendant le semis dans les champs de maïs voisins qui ont tué ses abeilles : « Normalement, une abeille ne meurt pas devant sa ruche. » Il dépose alors plainte contre X pour « empoisonnement d’une espèce protégée » et « dégradation d’un outil de travail ».

Près de trois ans plus tard, l’enquête est toujours ouverte mais n’a jamais avancé. Des prélèvements ont été réalisés au pied de la ruche par les services vétérinaires, sans succès. L’apiculteur aurait souhaité une analyse par le CNRS d’Orléans (Centre national de la recherche scientifique) des cadavres d’abeilles éloignés de la ruche, « forcément les plus contaminés » mais aussi de « tout l’environnement des ruches ». Aujourd’hui, Julien Orain est incapable de prouver l’origine de la pollution. Ni son assurance ni la justice ne prennent ses affirmations au sérieux, et celui-ci a perdu « plusieurs milliers d’euros ». Il a cessé les procédures, et milite pour une nouvelle réglementation sur les pesticides pour régler le problème « en amont ».

Vins et vignes déclassés

Le cas de Julien Orain n’est pas isolé. Chez les apiculteurs, d’abord : l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf) dénonce une surmortalité des abeilles « dans les zones de grandes cultures françaises ». Les viticulteurs – dont les parcelles sont petites et proches les unes des autres – en sont aussi régulièrement victimes. Une pollution certes anodine pour un exploitant conventionnel, mais qui peut être dévastatrice pour les agriculteurs bios. Selon Juliette Leroux, chargée de mission à la Fnab (Fédération nationale des agriculteurs bios), des dizaines de producteurs bios sont frappés chaque année et voient une partie de leur vins ou de leur vignes déclassés.

De nombreux particuliers sont également touchés par la pollution aux produits phytosanitaires qui se répandent dans leurs jardins et ou dans leurs domiciles. Ainsi Nadine Lauverjat, chargée de mission pour l’association Générations futures, comptabilise « plus de 185 victimes ». « Mais ce n’est qu’une infime partie des personnes concernées, puisque ce sont des gens qui ont détecté le problème, qui nous connaissent et qui ont fait la démarche de nous contacter », avance Nadine Lauverjat. A sa connaissance, aucune victime n’a remporté de procédure.

Polluez qui vous voudrez ?

Que la victime soit un particulier ou un professionnel, et que le pollueur ait épandu de manière légale ou non, les victimes ont dans tous les cas beaucoup de mal à obtenir réparation. L’avocat Stéphane Cottineau a défendu, au pénal – la procédure pénale est engagée pour les délits, ici dans les cas où l’agriculteur est suspecté d’avoir épandu de manière illégale –, plusieurs victimes membres de l’association Génération futures. Jusqu’à aujourd’hui, il n’en a vu aucune remporter une procédure. Et pour cause, il est très difficile d’apporter la preuve d’une telle pollution. L’avocat décrit un véritable « parcours du combattant » :


- Il faut d’abord que la victime se rende compte de la pollution, identifie l’agriculteur responsable et qu’elle réagisse le jour-même.

- Il faut ensuite prouver qu’il y a une pollution. Pour cela, il faut faire réaliser des relevés toxicologiques, par un laboratoire, le jour-même ou le lendemain.

- Il faut également faire venir un huissier pour constater les dégâts et prendre des photos. Ce qui coûte environ 800 euros.

- L’idéal est de demander la saisie du carnet d’épandage de l’agriculteur suspecté de pollution. Pour cela, il faut qu’un juge du tribunal d’instance en ait fait la demande à l’huissier.

Précisons encore que ces affaires ont souvent lieu en milieu rural, alors que les personnes assermentées se situent en ville. Et que dans le cadre d’une procédure civile – la procédure civile est engagée lors de litiges et contentieux, ici lors d’une pollution malgré le respect de la législation – les coûts sont entièrement à la charge des plaignants, en attendant un dédommagement en cas de victoire. Rappelons enfin que ces règles pourraient fonctionner pour une pollution ponctuelle, mais ne garantissent rien en cas de pollution régulière et répétées aux produits phytosanitaires, comme cela peut être le cas pour une personne habitant à côté d’un champ régulièrement traité.

Autant dire que peu osent tenter l’aventure judiciaire, et que personne n’a pour l’instant réussi ce tour de force. « Toutes les victimes qui viennent me voir viennent trop tard. Je leur conseille donc de tenter de trouver une solution avec leur voisin, et je leur explique comment se préparer en cas de nouvelle pollution », explique Stéphane Cottineau.

Un coupable mais pas de victime

Les pollueurs aux pesticides sont-il hors d’atteinte en France ? Non, comme le rappelle l’avocat spécialisé en droit de l’environnement Benoist Busson : « Un agriculteur qui ne respecte pas les règles, en épandant lors de grands vents ou en épandant par hélicoptère alors qu’il n’y a pas droit, peut être jugé au pénal, par un tribunal correctionnel. Il y a déjà eu des condamnations. » Mais celles-ci n’assurent en rien la reconnaissance des dommages pour la victime.

Benoist Busson cite notamment le cas récent d’un apiculteur pollué dans la Manche. Son voisin, producteur de pommes, a bien été condamné pour avoir épandu un insecticide pendant la floraison de ses pommiers, ce qui est interdit car cela menace les abeilles qui butinent. Mais l’apiculteur n’a pas été dédommagé : la Cour d’appel a estimé que, malgré une « probabilité forte », elle ne pouvait établir de lien de causalité entre l’épandage du produit et la mortalité des abeilles.

Et même quand il y a condamnation, les dédommagements semblent bien faibles, comme l’a constaté Yves Freulon le 4 mai 2003. Ce jour là, ce viticulteur angevin qui a travaillé en bio toute sa vie a perdu la moitié de ses vignes « balayées par les pesticides ». La faute à un voisin éleveur bovin situé à 10 kilomètres de là qui a décidé d’épandre, en guise de pesticides, une hormone débroussaillante destinée à éliminer les ronces malgré le vent et la forte chaleur. Le produit surpuissant s’est envolé et répandu sur 8 des 16 hectares de vignes d’Yves Freulon, qu’il retrouve « dentelées, trouvées ou même recroquevillées comme brûlées ». Agriculteur bio depuis 1992 à Champ-sur-Layon (Anjou), Yves Freulon a perdu ce jour là son label. « On a persévéré jusqu’en 2008, on a même récupéré notre label bio, mais on avait perdu notre notoriété alors on a fini par tout arrêter », déplore-t-il. L’homme a d’abord reçu 228 218 euros en réparation du préjudice en 2008. Soit 1,63 euro la bouteille perdue, alors que son vin se vendait en moyenne sept fois plus cher. En janvier dernier, suite à l’Appel de son assureur, le tribunal d’Angers a revu cette somme à la baisse et le viticulteur a même dû rembourser 43 000 euros sur les sommes déjà versées. Et pourtant, Yves Freulon peut s’estimer chanceux : il fait partie des très rares victimes à avoir obtenu réparation.

Les deux avocats espèrent toutefois une décision de justice plus favorable pour les victimes dans les mois qui viennent, qui pourrait faire jurisprudence. Premier motif d’espoir : l’intoxication des agriculteurs par leurs propres pesticides vient d’être reconnue par la justice après des mois de procédure. « Un jour, c’est sûr, les juridictions se prononceront également favorablement sur les cas de pollution. Il suffit juste de bien préparer le dossier et d’être persévérant », espère Stéphane Cottineau.

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  • de toutes façon , le prix de l’eau " au robinet" comprends 10% de sur-prix du à la nécessité de retirer les polluants de l’agro-chimie de l’eau avant de la vendre....Donc nous payons tous !
    et, les personnes rendues malades par ces polluants sont à la charge des assurances maladies...là aussi nous payons tous.....

    22.03 à 11h47 - Répondre - Alerter
  • La solution serait de surtaxer les produits dangereux de toutes sortes. Ce qui permettrait de renflouer le budget national, et amoindrirait sensiblement les pollutions des éléments. Question de bon sens, mais pas politiquement correct, n’est-ce pas ?

    15.02 à 10h02 - Répondre - Alerter
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