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6-09-2007
Mots clés
Macro-économie
Espagne

L’Espagne ne roule pas jeunesse

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La péninsule ibérique fait miroiter ses 4 % de croissance. Mais derrière les machines, on trouve des 18-34 ans ballotés de contrats précaires en emplois mal rémunérés.
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Autant commencer par la bonne nouvelle : l’Espagne va bien, très bien même. Du feu de Dieu. Avec une croissance économique de 3,7 % par an en moyenne depuis dix ans – elle flirte même cette année avec les 4 % –, l’affaire est entendue. Les médias, unanimes, encensent le « miracle espagnol ».

Il y a de quoi, puisque dans le même temps, l’Espagne a créé pas moins de 6 millions de nouveaux emplois, c’est-à-dire à elle seule plus d’un tiers des nouveaux jobs de la zone euro. Et même 40 % l’an dernier. Un record ! A côté, les autres grands pays de la zone euro font pâle figure. En 2006, la France a contribué pour moins d’un centième (un petit 0,9 %) aux 2 millions de nouveaux emplois disponibles. Même l’Allemagne, pourtant championne des exportations, ne fait guère mieux (1,2 %). Résultat : le chômage espagnol, qui dépassait les 20 % au début des années 1990, a dégringolé à 8,4 %. Celui des jeunes, notamment, a fondu de moitié. Les jeunes Français, qui rêvaient de Londres il y a dix ans, songent à cette réjouissante Auberge espagnole portée à l’écran par Cédric Klapisch et lorgnent du côté de Madrid et de Barcelone.

Architecte à 1 000 euros par mois

Mais voici la mauvaise nouvelle : « Il y a de la marge pour améliorer la situation de l’emploi des jeunes », admet très diplomatiquement l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) dans un rapport publié en mai. C’est dire qu’entrer sur le marché du travail de l’autre côté des Pyrénées n’est pas une partie de plaisir. D’abord, le chômage frappe 18 % des 16-24 ans, soit trois points de plus que la moyenne des pays développés. Mais surtout, la péninsule ibérique est devenue la championne d’Europe de la précarité : un tiers des Espagnols travaillent dans le cadre d’un CDD, trois fois plus que la moyenne communautaire. Pas de doute, il y a quelque chose qui cloche au royaume castillan. Comme on peut s’y attendre, les jeunes sont en première ligne : la moitié des 18-34 ans se contentent d’un contrat temporaire.

Citons encore l’OCDE : « Comme dans beaucoup d’autres pays développés, les jeunes entrent dans le monde du travail avec un contrat temporaire. Mais l’Espagne est unique, dans la mesure où les jeunes ont tendance à rester sur des contrats temporaires pendant une très longue durée, entrecoupée seulement de périodes de chômage. » Les diplômés de l’enseignement supérieur ne sont pas mieux logés. Ils se voient offrir des becas non convenidas, des contrats temporaires sans sécurité sociale ni garanties, caractéristiques qui les rendent irrésistibles… aux yeux des employeurs. Et les jeunes Espagnols doivent se contenter d’un maigre salaire.

Titulaires de mastères et autres formations universitaires pointues, plus diplômés que leurs parents, des cohortes d’avocats, architectes et autres commerciaux trentenaires rejoignent chaque année les mileuristas, ceux qui gagnent autour de 1 000 euros mensuels. Comme les prix de l’immobilier ont bondi de 180 % en dix ans, une vie autonome devient un rêve inabordable, à moins de s’endetter sur cinquante ans dans le cadre d’un de ces emprunts immobiliers interminables que proposent les grandes banques ibériques.

Fécondité au ras des pâquerettes

Pas étonnant qu’entre 30 et 34 ans, 26 % de ces jeunes  [1], déjà plus si jeunes, habitent encore chez papa-maman. Dans ces conditions, difficile de s’engager et de faire des enfants : à 1,2 enfant par femme, le taux de fécondité des Espagnoles reflète crûment les impasses d’une génération abonnée aux empleos basura, les emplois-poubelles. « J’aurais mille fois préféré passer ma vie à me faire courser par les flics de Franco plutôt qu’être téléopératrice ! » (sic), lâche avec amertume un personnage de la romancière à succès, Lucia Etxebarria, porte-parole d’une jeunesse espagnole désemparée.

L’an dernier, alors que Dominique de Villepin tentait d’imposer le Contrat première embauche en France, José Luis Zapatero s’attaquait, lui, à la précarité. Le recours illimité aux CDD sur un même poste a été interdit, les contrôles de l’inspection du travail rendus plus drastiques, et l’embauche en CDI a été encouragée par des réductions de charges sociales. C’est mieux que rien, mais le vrai problème est ailleurs. « Bien que le coût du travail soit en moyenne plus faible en Espagne que dans les autres pays européens, des rigidités réglementaires liées au niveau élevé de protection des salariés en CDI ont conduit au développement des CDD », estime Jésus Castillo, économiste au groupe bancaire Natixis. Petits boulots dans le bâtiment et le tourisme Trop de précarité faute de flexibilité ?

Petits boulots dans le bâtiment et le tourisme

Les jeunes Espagnols font à coup sûr les frais d’un marché du travail à deux vitesses. Mais si leurs employeurs sont à ce point allergiques aux contrats stables, c’est surtout parce que « le rattrapage espagnol a reposé sur le renforcement de la spécialisation de l’économie dans des secteurs à faible valeur ajoutée », explique Sabine Le Bayon, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). De fait, c’est la construction qui a créé le plus d’emplois. Or, dans le secteur du bâtiment espagnol, sous-qualifié, la précarité est la règle : près de 60 % des effectifs ont des contrats temporaires. Idem dans le tourisme, l’autre gros business qui fait tourner l’économie ibérique. En clair, l’Espagne, pourtant pourvue aujourd’hui de bataillons de jeunes diplômés, s’obstine à miser sur les emplois bas de gamme, ce qui lui vaut un niveau de productivité horaire franchement médiocre à l’échelle européenne [2]. « L’Espagne est un pays où les hautes technologies existent, mais moins qu’en France ou en Allemagne », commente Bernard Maris, économiste à l’Institut d’études européennes de Paris-VIII. Moralité : il est plus facile de créer beaucoup d’emplois quand ils ne valent pas cher.

[1] Etude du Conseil national de la jeunesse

[2] –10,2 par rapport aux Etats-Unis en 2004, alors que la France se situait à +12,5 et l’Alemagne à –0,5

Sources de cet article

- Le site de l’OCDE

- Le site du gouvernement espagnol

- Un blog de « mileuristas » (en espagnol)

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