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3-01-2008
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Société
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Ecolos, entrepreneurs, visionnaires : ils changent le monde

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((Julien Daniel, Samuel Bollendorf / Oeil Public))
 
Ils pullulent dans les écoles de commerce, mais pas seulement. Ils ont dix mille idées à la seconde. Ils veulent sauver la planète et la rendre plus juste. Ils, ce sont les « entrepreneurs sociaux », une nouvelle génération ravie de faire le grand écart entre le monde des affaires et l’intérêt collectif.
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(Crédit : Julien Daniel / Oeil Public)

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Ils parlent mandarin, brésilien ou français. Ils ont fait leurs classes dans les rues de leur quartier ou sur les bancs d’une école de commerce renommée. Ils sont à la tête d’une association, d’une mutuelle, d’une coopérative… Ils agissent sur le terrain de l’exclusion, de la santé, de la culture ou encore de l’écologie. Les entrepreneurs sociaux poussent aujourd’hui tout autour du globe. Leurs profils sont multiples mais présentent quelques traits communs. Courageux acrobate, l’entrepreneur social fait le grand écart entre les mondes, jusqu’ici antinomiques, des affaires et de l’intérêt collectif. Car il n’aime pas les caricatures. Aussi refuse-t-il obstinément de porter l’étiquette du doux rêveur ou, inversement, celle du requin de la finance. Sa force à lui : combiner les qualités des deux camps. S’il s’enorgueillit de maîtriser les lois du marché et de la concurrence, il sait aussi discerner les contours d’une situation d’exclusion.

Une alchimie gagnante pour Jean-Claude Rodríguez-Ferrera. Tout a commencé par un constat : la communauté immigrée peine à accéder aux services financiers. Sa réponse ? De petits cercles autogérés d’une trentaine de membres, où ces exclus de la finance rassemblent leurs économies et organisent des prêts. S’il a lancé son projet en Catalogne, Jean-Claude Rodríguez-Ferrera rêve aujourd’hui de partir à l’assaut de l’Espagne et pourquoi pas de l’Europe tout entière. L’homme est un « visionnaire pragmatique  », souligne la fondation Schwab, une organisation consacrée à la promotion de ces nouveaux acteurs de l’économie.

Changement global

Depuis le début des années 1980, le secteur dit « citoyen » a eu une croissance deux à trois fois supérieure au reste de l’économie dans les 30 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Certes, au coeur de cette zone en expansion ne gravitent pas simplement les entrepreneurs sociaux. Il n’empêche. Ces nouveaux inventeurs en sont sans aucun doute le turbo. Des « victimes » qui ont des idées A l’origine du projet germe une idée dans le cerveau fertile de notre entrepreneur. Pour gagner ses galons sur l’échelle de ce nouveau secteur rien ne sert de créer une énième boulangerie ou de monter une franchise McDonald’s. Non, « il s’agit d’instituer un changement systémique qui pourra être répliqué », souligne Olivier Kayser, vice-président d’Ashoka en Europe, une organisation soeur de la fondation Schwab. Notre entrepreneur de génie s’appelle par exemple Govindappa Venkataswamy. Son objectif ? Rendre la vue à des millions d’Indiens touchés par la cataracte. Mais les malades sont nombreux et les opérations coûteuses. Venkataswamy imagine alors un système inspiré de la solidarité économique. Il fait endosser aux plus riches le coût de l’opération des plus pauvres. Rentables, les hôpitaux de Venkataswamy dégagent aujourd’hui des bénéfices qui sont, chaque année, réinvestis dans de nouvelles structures. Enfantin  ? Peut-être. Encore fallait-il y penser. Et surtout le faire à grande échelle.

Ces drôles d’idées ne poussent pas sans raison dans une caboche. Dans 50 % des cas, estime Olivier Kayser, l’entrepreneur social aura été « victime » directe ou indirecte du problème qu’il s’échine à résoudre. C’est le cas de Ryadh Sallem, fortement handicapé à la naissance et triple champion d’Europe de basket handisport. L’homme est aujourd’hui à la tête de Cap SAAA, une organisation française qui rassemble enfants handicapés et valides autour d’un ballon et fait de la sensibilisation dans les écoles. Pour d’autres, c’est le spectacle d’une absurdité qui est à la source de la conversion. Révoltée par ces enfants équatoriens livrés à eux-mêmes dans les rues des villes, Sylvia Reyes crée, en 1995, l’association Juconi qui offre des services individualisés de formation et d’accès aux soins à ces gamins.

Sud et Nord

Jusqu’à peu, les entrepreneurs sociaux semblaient fleurir davantage sous le soleil des pays en développement. Dès 1982, Ashoka recensait ainsi l’initiative d’un homme déterminé à résoudre la carence en vitamine A et à doper les revenus d’une population indienne en introduisant la culture de la papaye. Cinq ans plus tard, elle pointait l’ingéniosité d’un inventeur, à l’origine de petites conférences scientifiques truffées d’expériences ludiques sensibilisant les Brésiliens les plus démunis. Depuis quelques années, la donne change  : les idées poussent aujourd’hui partout sur la planète. Et grandissent même sur le bitume des pays occidentaux. Il y a quatre ans, Ashoka a du coup lancé une filière en Amérique du Nord avant de s’ouvrir vers l’Europe deux ans plus tard.
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Consultation auprès d’un malade du sida au Malawi (Crédit : Samuel Bollendorf / Oeil Public)

La raison d’une telle contagion ? Les gouvernements, qui jusqu’ici gardaient jalousement le monopole des solutions sur le terrain social, semblent comprendre peu à peu le potentiel de ces nouveaux participants. Car les terrains de jeux ne manquent pas. Notamment du côté de l’exclusion et du handicap. Et ils sont de plus en plus nombreux à s’y risquer, offrant ici une réponse à la discrimination à travers une agence de recrutement spécialisée dans les candidats issus des banlieues. Proposant là une récompense aux entreprises et autorités locales les plus impliquées dans l’insertion des handicapés. Mais si l’espèce des entrepreneurs sociaux est aussi prolifique, c’est qu’elle bouleverse le cadre figé de l’entreprise traditionnelle. A l’aube de son projet, le créateur prend en effet un engagement : il offrira à sa société les bienfaits d’une gouvernance participative. Dans ses organigrammes, les parties prenantes seront impliquées. Les décisions non fondées sur la propriété du capital, et l’écart de rémunération entre dirigeants et salariés réduit au maximum.

Créneau porteur

C’est l’exigence de Cristóbal Colón, fondateur de La Fageda, une entreprise espagnole de produits laitiers. Ses 203 employés – dont 120 souffrent d’un handicap mental ou physique – sont propriétaires des 4 centres de production. L’entreprise affiche aujourd’hui 6 millions d’euros de chiffre d’affaires et menace les géants Danone et Nestlé. Démocratie participative en boîtes Objectif social, démocratie participative, fin du tout-profit. Autant de raisons pour les désabusés du secteur des affaires de changer de crémerie. A leurs risques et périls toutefois. « Car les entrepreneurs sociaux sont pris entre les feux du système associatif qui n’aime pas trop leurs approches ambitieuses et le secteur privé qui ne comprend pas leur démarche », souligne Olivier Kayser d’Ashoka. Bref, on les prend souvent pour des illuminés. Depuis quelques années, le regard du public se fait toutefois bienveillant. « Il y a un phénomène générationnel, explique Tariq Ghezali, responsable du programme entrepreneurs sociaux auprès de l’Agence de valorisation des initiatives socio-économiques (Avise). Il y a dix ans, les jeunes des écoles de commerce ne rêvaient que d’une chose : monter une start-up. Aujourd’hui, ils veulent que leur travail serve à quelque chose. Si la tendance se poursuit, ne faire “ que ” de l’économique deviendra bientôt ringard. »
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Ramassage de canettes à Bahia (Crédit : JC Gérez)

Et ce nouvel appétit, les écoles de commerce et les universités l’ont bien compris. Elles proposent aujourd’hui des filières, adaptées à la tendance. A l’Essec, on peut depuis 2003 suivre une formation en « entreprenariat social », tandis qu’à HEC existe une majeure « management alternatif », ouverte aussi aux élèves de l’ESCP-EAP. Selon une étude d’Ashoka, plus de 80 grandes écoles et universités proposeraient aujourd’hui un enseignement similaire à travers le monde, dont la prestigieuse Insead (Institution européenne d’administration des affaires), l’IESE de Barcelone ou encore la School for Social Entrepreneurs (SSE) érigée à Londres, en 1997, et qui, en dix ans, a formé 300 étudiants.

Clés magiques vers de juteux marchés

Le financement est lui aussi en courbe ascendante. Ashoka, par exemple, verse un salaire à ses fellows – ou membres – pendant les trois premières années de leur projet. D’autres structures, comme la fondation Schwab, parient plutôt sur le réseau. Aussi a-t-elle mis sur pied le Forum économique mondial qui se réunit tous les mois de janvier à Davos (Suisse). C’est là, par exemple, que Mel Young, entrepreneur écossais, a croisé la route du pédégé de Nike et décroché le financement à l’organisation de sa Coupe du monde de foot des sans-abri. Un partenariat réussi : en 2007, la rencontre accueillait 48 pays. Pas de doute, les multinationales saisissent peu à peu le potentiel de cette nouvelle race d’entrepreneurs, clés magiques vers de nouveaux marchés. Ainsi Cemex, géant du ciment, s’est ouvert, par le truchement d’une entreprise sociale, la porte des bidonvilles du Mexique.

En acceptant de ses acheteurs un remboursement graduel hebdomadaire, l’entreprise s’est assuré la fidélité d’une immense clientèle. Certes, pour aligner les plateaux de sa balance, notre entrepreneur social doit se montrer parfois plus ingénieux que ses confrères. « Monter un programme d’éducation primaire en Afrique ou assurer un service sanitaire possède a priori peu de chances d’être rentable, précise Mirjam Schöning, directrice de la Fondation Schwab. Et pourtant, les solutions existent. Au Paraguay et au Brésil, un programme fait cohabiter agriculture et éducation des enfants. Les élèves suivent un enseignement classique et apprennent à cultiver les champs. Du coup, le programme devient rentable parce qu’ils forment les futurs acteurs de l’économie. » Certains projets, rentables en diable, font même des petits. C’est le cas de l’idée de Mohammad Yunus, créateur du microcrédit. Inventé au Bangladesh en 1978, son système déploie ses règles inédites dans 45 pays et touche 60 millions des personnes, dont 27 millions parmi les plus pauvres. L’homme a décroché le Nobel de la paix, rien de moins.

D’autres marchent dans ses pas. C’est le cas des cinq projets sur lesquels Terra Economica a décidé de porter la lumière aujourd’hui. Du Brésil à la France, de la Chine à l’Inde en passant par la Norvège, ceux-là s’attèlent à apprendre aux enfants à épargner, à pousser les plus démunis à réduire leur facture d’électricité en recyclant leurs canettes, à mettre en réseau des associations, à sensibiliser à l’environnement ou à mettre de côté les bénéfices pétroliers pour assurer des jours meilleurs à un pays. Lancés depuis dix ou vingt ans, ils participent au « changement systémique », celui qui bouleverse la vie de millions d’habitants, faisant fi des frontières et des cultures. Et jurent même de grossir, oh pardon, de grandir encore davantage. —


L’entrepreneuriat social

Multiples et variées, les entreprises sociales sont difficiles à recenser. En Grande-Bretagne, un rapport gouvernemental de 2005 évaluait leur nombre à 15 000 (1,2 % du nombre total d’entreprises) et leur masse salariale à 775 000 personnes (dont 300 000 bénévoles). Selon la même source, ces entreprises sociales génèreraient 0,8 % du chiffre d’affaires total des entreprises britanniques. En France, il n’existe que quelques données sur le secteur de l’économie sociale. Selon le Cerphi (Centre d’étude et de recherche sur la philanthropie), 210 000 employeurs contribuaient au secteur de l’économie sociale en 2006 et employaient 2 622 431 personnes.

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  • En tant que jardinière écologiste travaillant dans un Centre Social,j’ai participé vendredi08/02/08 à Périgueux à 1 journée nationale d’échanges et de débats pilotée par le Réseau des Territoires pour l’Economie Solidaire portant sur : Développement rural et économie solidaire,entreprendre autrement.
    Chez nous aussi ça bouge dans votre sens !

    10.02 à 05h05 - Répondre - Alerter
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