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Thon rouge : la France tarde à trancher

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Thon rouge : la France tarde à trancher
 
On attend toujours que la France prenne position sur l'instauration d'un moratoire du commerce de l'espèce, décision aussi espérée par les ONG que crainte par les pêcheurs.
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Pour ou contre l’interdiction du commerce du thon rouge ? Question simple, réponse ardue. Le 11 janvier, les ministères concernés n’ont pas réussi à s’accorder. Pas facile de trancher quand les ONG, les pêcheurs mais aussi la Commission européenne ont les yeux rivés sur le sujet, en pleine ouverture de l’année mondiale de la biodiversité...

La patate chaude a donc été renvoyée à François Fillon qui est resté plus muet qu’une carpe. Nicolas Sarkozy devait ensuite annoncer la nouvelle le 18 janvier, à l’occasion de son déplacement à Mayotte. On l’attend toujours... Hier, lors de ses vœux à la presse, Bruno Lemaire, ministre de l’Agriculture et de la pêche, parlait d’un arbitrage du chef de l’État dans les ’’prochains jours".

"Ça a été tellement repoussé que cela ne m’étonne plus, soupire François Chartier, chargé de campagne Océans de Greenpeace. Mais peut-être que ces atermoiements permanents, cette bagarre publique, ces reculades peuvent contribuer à un déblocage de la situation. C’est peut-être même une stratégie pour faire passer la pilule. On se retrouve un peu dans la politique fiction."

L’annexe devient centrale

En tout cas Bruno Le Maire et la secrétaire d’État à l’Écologie Chantal Jouanno ont clairement pris parti : le premier plaide pour une inscription de l’espèce à l’annexe II de la Convention de l’ONU sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (CITES), la seconde défend l’annexe I. Vous pouvez répéter la question ? En fait, les possibilités sont plus larges que la simple alternative "moratoire ou pas moratoire" : cette mesure n’est appliquée qu’en cas d’inscription à l’annexe I de la CITES, la plus restrictive. Pour le niveau en-dessous, le commerce est autorisé, mais étroitement contrôlé, avec la mise en place de permis d’exportation.

Pour ne rien simplifier, Bruno Le Maire s’emmêle les filets : "je souhaite qu’effectivement nous prenions des décisions d’encadrement de la pêche, d’interdiction de la commercialisation, mais pas d’interdiction de la pêche", explique-t-il sur France 2, ajoutant que l’annexe II interdirait 90% des exportations de l’Union européenne vers l’extérieur. Faux, s’empresse de rectifier Greenpeace : cela correspond à une inscription sur l’annexe I, qu’il refuse catégoriquement. Et il n’est en aucun cas question d’interdire la pêche, puisque la CITES ne s’occupe que de commerce. Bref, on nage en plein brouillard...

Lobbying intense

Et ce n’est pas nouveau. Après la proposition de Monaco de mettre le sushi au menu du prochain sommet de Doha en mars, l’idée d’une interdiction de pêche a été reprise en conclusion du Grenelle de la mer par Nicolas Sarkozy puis par plusieurs ministres européens. En septembre, la Commission européenne la soutient à son tour et appelle les 27 à en faire officiellement de même. Et là, surprise, la France noie le poisson : aux côtés des pays pêcheurs de thon comme Malte, l’Espagne ou l’Italie, elle s’oppose à la proposition, tout en soutenant une inscription sur l’annexe II assortie d’un quota zéro pendant deux ans.

Depuis, le sort de l’espèce se joue à la criée. D’un côté, les ONG multiplient les appels au moratoire, rejoints par des distributeurs et des chefs étoilés qui bannissent la bête de leurs menus. En face, le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) joue la menace : si le gouvernement choisit la voie du "fantasme écologique", les pêcheurs "n’auraient plus rien à perdre et sauraient prendre leurs responsabilités".

Scientifiques à la rescousse

Histoire de départager tout le monde, les scientifiques doivent bien savoir ce qu’il convient de faire ? Le comité scientifique de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA) s’est penché sur la question de l’interdiction de pêche, suivi par la FAO, l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Problème : les interprétations divergent. Pour le comité des pêches ils "ne vont pas dans le sens d’une inscription du thon rouge à l’annexe I de la CITES". Le WWF en conclut l’inverse ! Qui a raison ? Pour l’annexe I, les experts désignés par la FAO n’ont "pas atteint de consensus (...) bien que, dans sa majorité, le comité ait convenu que des éléments de preuve tangibles validaient cette proposition", explique l’organisation onusienne. Les mêmes scientifiques ont cependant confirmé la nécessité d’une inscription à l’annexe II.

Bref, on est loin de l’incertitude pointée par les pêcheurs, qui préconisent d’attendre les résultats d’une campagne de mesures de stocks à venir cette année… Mais on est bien sur "quelque chose de 100% politique", affirme François Chartier de Greenpeace. Dans une période pré-électorale, avec Bruno Le Maire tête de liste aux régionales, l’arbitrage n’est pas évident. Nicolas Sarkozy doit essayer d’évaluer quelle position est la moins dommageable politiquement".


Le thon en chiffre
- Le thon rouge peut mesurer jusqu’à 3 mètres et peser 700 kilos. Mais il est capturé jeune, et souvent engraissé dans des cages.
- En 2008, les Français ont mangé 22,4 kilos de poisson en moyenne dont 3,4 kilos de thon, pour la plupart du thon blanc en conserve.
- 90% du thon rouge finit dans les assiettes japonaises. Les plus beaux spécimens s’arrachent à prix d’or, jusqu’à 150 000 euros, au marché de Tokyo.
- En France, 200 navires qui emploient un millier de marins sont habilités à pêcher le thon rouge. Mais les 28 thoniers basés dans le Golfe du Lion réalisent en fait l’essentiel des prises : 3 017 tonnes sur un quota français fixé à 3 591 en 2009.
- Le thon rouge n’est pas la seule espèce victime de surpêche. Selon la FAO, 19% des stocks mondiaux sont surexploités et 8% sont même épuisés.

A lire aussi dans Terra eco :
- Thon rouge : "on peut espérer un électrochoc"
- 13 500 tonnes de thon rouge
- Surpêche : la grande distribution entre deux eaux

Sources de cet article

- Les chiffres clés de la pêche en France (FranceAgrimer)
- Le rapport de la FAO : "la situation mondiale des pêches et de l’aquaculture" (mars 2009)
- Photo : sang de thons rouges colorant les eaux bleues de Sicile. Crédit : Moritz Siebert

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1 commentaire
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  • superhoem : bonne question

    Monsieur Le Maire, voulez-vous sacrifier la biodiversité pour une vingtaine de bateaux ?

    29.01 à 19h03 - Répondre - Alerter
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