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Requiem pour un thon : chapitre II

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Requiem pour un thon : chapitre II
(Crédit photo : Alex Hofford / Greenpeace)
 
Le roman de Romain Chabrol met en scène un activiste qui mène l'enquête sur la pêche au thon rouge en Méditerranée. « Terra eco » et les éditions « Les petits matins » vous offrent les premières pages de ce polar écolo.
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En janvier 1996, Dinko Tandic était revenu de ses vacances en Australie avec une idée en tête : faire comme ses cousins installés là-bas… Devenir millionnaire. C’est en tout cas ainsi qu’il nous l’avait expliqué. La recette était simple mais révolutionnaire : capturer vivants les thons lors de leur agrégation en bancs, les transférer dans une cage et remorquer celle-ci à très basse vitesse jusqu’à la côte. Il fallait ensuite les nourrir tous les jours avec des petits poissons gras, puis, quelques mois plus tard, une fois atteint un taux de graisse musculaire conforme aux exigences du consommateur japonais, les déposer dans des avions ou des cargos congélateurs. Direction : le marché central du Tsukiji ou d’Aomori, où sushi men et grossistes s’arracheraient les meilleures pièces à prix d’or. Le thon rouge, thunnus thynnus, orientalis ou maccoyii selon son océan de provenance, était le poisson qui rapportait le plus au monde : de 30 à 300 euros le kilo. Certains spécimens partaient même à 100 000 euros pièce. Insensé. Depuis les années 1960, les Japonais étaient complètement fous de ce poisson à la chair fondante, et l’élevage permettait de leur en balancer toute l’année. Plus il était gros, plus il était musclé et gras, plus il se vendait cher.

En Croatie, Dinko avait été suivi de très près par un Australien d’origine croate, Miso Kalic. Au même moment en Espagne, en face des îles Baléares, Francisco Martinez Rebollo se lançait dans la partie aux côtés d’un milliardaire japonais. L’année suivante, c’est Ricardo Marto, un mareyeur au bras très long, qui ancrait à son tour boudins et filets et faisait tourner ses premiers poissons. Une poignée d’Espagnols et de Croates emboîtèrent le pas à ces pionniers. Quant à leurs fournisseurs, les pêcheurs, ils eurent tôt fait de laisser tomber les bancs de petits thons dont les poissonniers européens raffolaient pour leurs étals afin de concentrer leurs efforts sur les gros poissons, ces adultes de 100 à 500 kilos qui, comme leurs parents, leurs grands-parents et leurs arrière-grands-parents depuis des millénaires, passaient le détroit de Gibraltar en avril pour venir se reproduire dans la mer chaude.

Au tournant du siècle, douze fermes parsemaient déjà les côtes espagnoles et croates. De septembre à janvier, cinq mille tonnes de chair de haute qualité filaient vers le Japon. L’or rouge avait fait ses premiers millionnaires. Les années suivantes, Malte, l’Italie,­ la Libye, la Grèce, la Turquie, la Tunisie, Chypre et l’Égypte étaient entrés dans la danse : les fermes poussaient comme des champignons. Et chaque nouvelle ferme créait un appel d’air qui encourageait un peu plus la surpêche. Les capitaux continuaient d’affluer. Cerise sur le gâteau, les possibilités de contrôle étaient quasi nulles. Exit la criée ! Les poissons restaient dans l’eau… A moins d’être plongeur ou mareyeur, on ne savait donc jamais vraiment ce qui avait été attrapé, quand et par qui. Tout n’était qu’estimation, interprétation. Sombre et invisible, la mer est le meilleur lieu qui soit pour un crime. Fin 2005, moins de dix ans après le début de ce nouveau business, les scientifiques tirèrent la sonnette d’alarme : la population d’adultes en état de se reproduire n’était plus qu’à 20 % de ce qu’elle avait été dans les années 1960. L’asphyxie était proche. Il fallait agir. La mer de méduses n’était pas une fatalité.


- Requiem pour un thon, de Romain Chabrol, aux éditions Les petits matins, 224 p., 15 euros

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Consultant pour des ONG écologistes et romancier.

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