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10-12-2009
Mots clés
Climat
Chine
Enquête

Pékin fait la pluie et le beau temps

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Pékin fait la pluie et le beau temps
 
Une décision politique qui déclenche des précipitations ou des chutes de neige ? C'est devenu monnaie courante à Pékin. Depuis les JO de 2008, le Bureau des modifications météorologiques joue les "Merlin l'arroseur" en ensemençant les nuages.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Cela faisait 22 ans que l’on n’avait pas vu cela, de mémoire de Pékinois. Le 1er et le 10 novembre dernier, les habitants de la capitale se sont réveillés sous un blanc manteau de neige. Cette anomalie climatique n’a pas manqué de semer la pagaille sur la route et dans les aéroports. Elle n’a pas manqué non plus de faire causer dans les chaumières, encore non chauffées à cette date, et de noircir les pages des journaux. Un organisme au nom kafkaïen, le "Bureau des modifications météorologiques", a été désigné comme responsable. Après les chutes de neige, c’est vers lui que les lettres de protestation ont afflué, sur l’air de "vous auriez pu prévenir", "vous jouez avec les apprentis sorciers avec la météo"... Le quotidien China Daily est même allé jusqu’à écrire : "la décision arbitraire du gouvernement n’a pas pris en compte les intérêts de la population".

Dans les deux cas, les précipitations ont bien été revendiquées et programmées par le bureau des modifications municipal, mais de manière plus discrète le 10 novembre. Objectif affiché par les météorologues : lutter contre la sécheresse qui sévit dans la région. « Nous ne manquerons aucune opportunité pour provoquer des précipitations artificielles, dès lors que Pékin souffre d’une sécheresse persistante », a déclaré Zhang Qiang, en charge du bureau. Déjà le 8 février 2009, l’agence officielle Xinhua expliquait dans un style télégraphique : « La Chine a déclenché des pluies artificielles dans au moins 7 provinces souffrant d’une sécheresse exceptionnelle ».

Iodure d’argent

Dans le cas des chutes de neige de Pékin, la méthode pratiquée consiste à ensemencer les nuages à l’aide d’une centaine de bâtons d’iodure d’argent. Dans les nuages où la température est très légèrement inférieure à 0°C, les nombreuses gouttelettes d’eau présentes peuvent rester liquides, mais cela ne favorise pas pour autant la formation des précipitations. L’apparition de quelques cristaux de glace peut alors accélérer le processus. Autrement dit : il s’agit d’aider les nuages à congeler leurs gouttelettes d’eau. En Chine, trente avions sont ainsi chargés de lancer des fusées et une vingtaine de sites au sol sont utilisés régulièrement à Pékin pour lancer des roquettes à partir de brûleurs. Budget annuel supposé : entre 60 et 90 millions de dollars, tandis qu’une équipe de 1 500 personnes travaille en permanence sur ces questions. Quid des effets sur la nature ? Les scientifiques s’accordent pour dire qu’ils sont nuls, les quantités d’iodure d’argent dispersées sur des centaines de km2 étant trop faibles pour avoir un quelconque impact.

Reste à savoir pourquoi les Chinois seraient capables de faire pleuvoir à leur gré, alors que les autres pays s’y refusent ? Voyons un peu l’avis de la communauté scientifique. Sans surprise, il est beaucoup plus nuancé. Les conclusions de l’Organisation mondiale de la Météorologie sont très claires. Dans un document paru en septembre 2007 et qui fait l’état des lieux de la modification climatique, on peut lire sous le titre « augmentation des précipitations » que, certes ,« de nombreuses preuves montrent que la microstructure des nuages peut être modifiée par ensemencement de noyaux glaciogènes ou d’agents réfrigérants selon certaines conditions », mais aussi que « les preuves de modifications significatives des précipitations au sol sont controversées et ne peuvent, dans bien des cas, être établies de manière certaine. »

Pluie de discorde

Les Chinois seraient-ils donc fanfarons ? Pas exactement, explique Jean-Pierre Chalon, conseiller scientifique à Météo France. D’une part, les neiges de novembre, même exceptionnellement précoces, peuvent s’expliquer scientifiquement. Les ensemencements, mais aussi les émissions des usines d’incinération et des tours de refroidissement, ont en effet pu jouer un rôle. « Parfois en hiver, quand la température tourne autour de zéro, il est possible que les rejets de particules et de chaleur des industries locales puissent provoquer une précipitation de neige. »

Mais en dehors de cas spécifiques, l’influence humaine sur les pluies reste à prouver. Ce que les scientifiques chinois reconnaissent. Cité par le China Daily, le professeur Xiao Gang, de l’Académie des sciences de Chine, explique que « personne ne peut dire à ce jour comment la manipulation du temps peut modifier le ciel ». Même son de cloche pour Tian Wanshun, directeur adjoint du bureau de modification climatique de la province du Henan. « La science de l’atmosphère est très compliquée. Les opérations ont un impact mais il faudra encore des années de recherche pour mesurer l’effet sur l’augmentation des précipitations. »

Et de fait, comme l’explique Jean-Pierre Chalon de Météo France, « s’il est possible de dissiper certains brouillards froids et des nuages peu épais, les résultats obtenus sur la pluie ont été beaucoup moins probants. Si les statistiques avaient enregistré une hausse de plus de 15% des précipitations lors des opérations menées, on l’aurait mis en évidence. La relation exite peut-être, mais elle n’est pas aussi importante qu’on pourrait l’imaginer. » Car les nuages qui donnent de la pluie évoluent beaucoup trop vite et chaque nuage se comporte différemment. Même s’il pleut, rien ne prouve que la pluie est l’effet de l’intervention humaine. L’étude du comportement des nuages est la clé, c’est d’ailleurs là-dessus que planchent aujourd’hui les scientifiques.

Expérimentées dans les années 1950, les opérations de modifications du climat, appelées aussi "géo-ingénierie", ont souvent été abandonnées au profit de la recherche. A quelques exceptions près, puisqu’en France et aux États-Unis, on continue à ensemencer les nuages pour prévenir l’effet de la grêle sur les cultures.

La guerre des nuages

Oublions un instant la communauté des très sceptiques ingénieurs physiciens, pour voir ce que disent les climatologues et les chercheurs en sciences sociales. Comme le résume une présentation des travaux de chercheurs du CNRS, en dehors des aspects techniques, la modification du climat pose des questions d’ordre juridique et politique. Si le climat devient un jour modifiable au profit de certains pays et au détriment d’autres, "faudra-t-il définir une propriété des nuages ?" s’interrogent les juristes. Y aurait-il même des voleurs de nuages ?

Aujourd’hui, aucune convention internationale n’interdit l’utilisation pacifique de ces techniques. Par ailleurs la nature même des nuages, en perpétuelle transformation, « les rend réfractaires à la notion de propriété », ce qui n’empêche pas les juristes d’étudier un "statut juridique du nuage" avec à la clé une justice redistributive qui responsabiliserait les États afin d’éviter les abus. Mais tout cela reste encore du domaine de la science-fiction.

A lire aussi sur terraeco.net :
- Dossier : Ils veulent refroidir le globe

Sources de cet article

- L’OMM
- Le site de 20 minutes
- Le CNRS
- Photo : akakumo

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