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17-02-2005
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Société
France

Les journalistes s’abonnent à la précarité (suite)

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...Parcours du combattant ou pas, le prestige du métier demeure intact, comme en témoigne l’hyper-inflation des écoles de journalisme. Une douzaine d’entre elles a reçu l’agrément de la profession, dont quatre au cours des derniers mois ! La faute à Bob Woodward et Carl Bernstein, le duo de fins limiers du Washington Post qui révéla le scandale du Watergate ? "Il y a un décalage dramatique entre l’image du grand journalisme d’investigation héritée des années 70 et la réalité prosaïque à laquelle sont confrontés les soutiers de l’information", observe Alexis Nekrassov.

80 % de précaires

On pourrait dire la même chose du journalisme "engagé". "Les patrons de presse de gauche, ce sont les pires !", s’exclame une pigiste qui travaille pour un journal d’information sociale. Ce genre de formule fait partie des lieux communs de la profession. "Le rédacteur en chef n’arrête pas de nous bassiner avec les mesures anti-sociales du gouvernement, mais ça ne l’empêche pas de faire tourner sa boutique avec 80 % de précaires, de préférence jeunes et inexpérimentés", assène la même journaliste. A L’Humanité, le journal fondé par Jean Jaurès, le pape du socialisme français, on connaît bien le problème. Et pour cause : l’Huma est le seul quotidien national à payer ses journalistes pigistes en dessous du barème conventionnel, 30 % de moins tout de même. Il est vrai qu’en dépit d’une récente amélioration de la diffusion, les comptes du journal n’en finissent pas de plonger dans le rouge. "La direction profite des affinités idéologiques pour serrer les boulons au maximum", regrette un journaliste permanent, qui préfère garder l’anonymat.

France 3 symbole du malaise

Loi du marché, ton univers impitoyable ? A l’instar de ses homologues du privé, l’Etat patron ne fait pas de cadeaux. Ce ne sont pas les journalistes de France 3 qui diront le contraire. Plus d’un quart d’entre eux sont "inscrits au planning". Ceux-là tournent de stations locales en chaînes régionales et enchaînent les CDD, parfois à longueur d’années. Roger, journaliste reporter d’images, quatre ans d’ancienneté, 700 jours de travail et 20 villes au compteur, en sait quelque chose. "Pour être embauché à France 3, il faut obligatoirement passer par la case précaire", souffle-t-il. A condition d’éviter les chausses trappes d’usage. "Ne jamais refuser un contrat y compris les week-ends et le jour de Noël, raconte le JRI trentenaire. Si tu ne réponds pas tout de suite au téléphone, c’est fini. Une fois, j’ai mis une minute à retourner un appel, mais c’était trop tard, le CDD avait été attribué à un autre journaliste”. "Les permanents profitent largement de la précarité, c’est plus confortable que de réfléchir à une meilleure organisation", déplore en écho Carole Petit, secrétaire générale du Syndicat national des journalistes de France 3.

Au début des années 90, la direction de France 3 avait "CDIsé" des centaines de précaires. "Le gouvernement veut mettre de l’ordre dans cette maison, une nouvelle vague de titularisation pourrait intervenir prochainement", précise Carole Petit. Paradoxalement, cette perspective n’enchante guère la syndicaliste. "Il ne faut pas rêver, France 3 n’intégrera pas tous les précaires. Que vont devenir les laissés pour compte ?". Au niveau de la profession toute entière, l’application de mesures de titularisation donnerait probablement les mêmes sueurs froides aux syndicats. "Et s’il s’avérait qu’en équivalent temps plein CDI, les médias n’avaient en fait besoin que de 2 000 journalistes, que ferait-on des autres ?", s’interroge Alexis Nekrassov. Quand résorption de la précarité rime avec casse-tête...

Le Medef en rêvait, le service public l’a fait

D’autant que le travail à la pige n’est pas forcément synonyme d’exploitation, loin de là. Il y a aussi de nombreux pigistes épanouis, correctement rémunérés et contents de leur sort. "Cela fait dix ans que je tourne au planning de France 3, je travaille régulièrement, on me paye bien, bref je ne suis pas à plaindre", témoigne Gilles. Idem pour Nicolas Hénin, correspondant de Radio France à Amman. "Je gagne bien ma vie, je fais un métier excitant, pour rien au monde je n’intégrerais une rédaction", assure-t-il. Au-delà de leur statut social et fiscal de journalistes indépendants, ces deux-là ont choisi de travailler comme free-lance (voir encadré).

Reste un point crucial : dans les prochaines années, le curseur va-t-il se déplacer dans le sens d’une meilleure protection sociale des journalistes indépendants ou vers une généralisation de la précarité ? Lionel Okas penche plutôt pour la deuxième hypothèse. "Ce dont le Medef rêve, Radio France et France 3 le font tous les jours. Les systèmes de précarité qu’ils ont bricolé participent à une tentative de remise en cause de la clé de voûte de la plupart des droits inclus dans le Code du travail : le contrat de travail à durée indéterminée".

A moins qu’il ne faille au contraire dépasser la notion de CDI, issue des périodes révolues de plein emploi. C’est ce que proposent les économistes Pierre Cahuc et Francis Kramarz, dans un rapport remis en décembre à Jean-Pierre Raffarin. Partant du constat que les trois quarts des emplois créés en France sont des CDD, ils préconisent la fusion du CDI et du CDD. Avec en ligne de mire le modèle danois de flex-sécurité qui selon eux "semble concilier une réglementation de l’emploi peu contraignante et un fort sentiment de sécurité de l’emploi". Les journalistes ont déjà une belle expérience de la flexibilité. Pour leur sécurité, beaucoup reste à faire.

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