publicité
haut
Accueil du site > Actu > L’économie expliquée à mon père > Le télétravail sauvera-t-il la planète ?
Article Abonné
28-05-2009

Le télétravail sauvera-t-il la planète ?

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
 
Imaginez : la fin de la ruée vers le train au petit matin, du stress pour chercher les enfants à l’école et des émissions de CO2 de votre voiture. Le télétravail a de quoi séduire en ces temps de crises économique et écologique.
SUR LE MÊME SUJET

Xavier de Mazenod regarde tourner les pales d’une éolienne en concoctant une stratégie Web 2.0 pour un client parisien. Ce matin, ce consultant n’a pas usé ses semelles de chaussures avant de pousser la porte de son bureau, dans sa maison de l’Orne. Comme lui, de plus en plus de gens, armés de téléphones, d’ordinateurs portables, de connexions Internet travaillent à distance, sous des formes multiples (salariés, indépendants…). Demain, ces pratiques pourraient concerner jusqu’à 50% des emplois.

Loin derrière les Etats-Unis et la Suède, la France comptait seulement 7% des salariés et 10% des indépendants en télétravail en 2004, d’après la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). Mais la tendance est à la hausse : en mars, 22% des sociétés qui disposaient d’ordinateurs pratiquaient le télétravail, contre 16% un an auparavant, selon l’Insee. L’Etat, lui, reste à la traîne.

Syndicats zappés

Mais ces chiffres restent partiels car chacun y va de sa définition. Officiellement, le télétravail – encadré par un accord national interprofessionnel – ne concerne que l’activité des salariés depuis un lieu extérieur à l’entreprise. Or, cette acception n’intègre pas le graphiste indépendant qui case son bureau dans son deux pièces, ni le commercial qui envoie ses résultats par Internet depuis sa chambre d’hôtel, pas plus que le cadre qui peaufine une présentation chez lui. La plupart du temps, les entreprises préfèrent d’ailleurs mettre en place une « politique de mobilité » directement avec le salarié, sautant la case négociation avec des syndicats parfois méfiants.

Pas évident donc de mesurer l’impact écologique de ce travail à distance, véritablement multiforme. Pourtant, l’enjeu est de taille. La moitié des émissions de CO2 des sociétés sont liées aux voyages professionnels, d’après le WWF. Mais si les boîtes tentent de réduire les déplacements, « leur première motivation, c’est de faire des économies », reconnaît Hervé Meurie, consultant chez Ineo Com, fournisseur de solutions pour le travail à distance. Résultat : peu d’entre elles mesurent l’impact écologique de leur politique, sauf… si elles peuvent en tirer profit.

Cisco, par exemple, pratique la « téléprésence » : ce sont des visioconférences high-tech grâce auxquelles on peut voir son collègue en taille réelle, comme s’il était juste à côté. Cet outil, Cisco le commercialise aussi. « Nous devons être crédibles et pratiquer ces solutions si nous voulons les proposer aux clients », argumente Olivier Seznec, de Cisco France. Ce spécialiste des solutions réseaux pour Internet estime avoir évité l’émission de 100 000 tonnes de CO2 en deux ans, en éliminant nombre de voyages.

Moult effets pervers

Mais travailler à distance peut également se révéler énergivore. Ainsi, des télétravailleurs indépendants de l’Orne remplacent leurs trajets quotidiens par des voyages plus exceptionnels, mais plus longs. « Je dois me rendre à Paris une à deux fois par semaine pour rencontrer des clients », regrette Xavier de Mazenod. Autre effet pervers pour les salariés : la duplication des bureaux, ordinateurs… et de la consommation énergétique des bâtiments, si l’entreprise n’a pas réaménagé les siens. Bref, si l’impact écologique du travail à distance est positif, il n’est pas aussi vert que l’affirment les lobbies : « Le potentiel [d’économie] en France se situe sans doute au niveau de 1 million de tonnes de CO2 /an », en deçà des 3 millions estimés par la Commission européenne en 2005, tranche le rapport TIC et développement durable publié en 2008.

Côté efficacité, les sociétés ont sorti les calculettes. Banco ! 21 % de celles qui ont opté pour le travail à distance constatent une accélération de la prise de décision, d’après une étude du cabinet Cesmo en 2004. Et les salariés travaillent davantage ! Plus de la moitié des boîtes notent des gains de productivité. Une constatation confirmée par l’étude européenne Sustel de 2004. « Le temps que l’on gagne dans les transports est pour l’essentiel consacré au travail », témoigne une salariée d’IBM. Celle-ci utilise l’un des cinq centres de bureaux en libre-service, implantés près du domicile des salariés franciliens.

Gers et Cantal au paradis ?

Gare toutefois aux faux espoirs. « Le télétravail ne crée pas d’emploi. Il peut éventuellement le relocaliser », tranche Nicole Turbé-Suetens, fondatrice de Distance expert, cabinet spécialisé dans ces nouvelles formes de travail. Aujourd’hui, certains départements ruraux, tel le Cantal ou le Gers, tentent de faire venir des télétravailleurs, avec force accompagnement et ouverture de télécentres, ces locaux qui offrent bureaux et connexion haut débit. Ainsi, le Cantal se félicite d’avoir accueilli une dizaine de familles, et le Gers, une vingtaine, l’an dernier.

Mais resteront-elles ? « J’ai démarché des entreprises partout en France. Sans succès. Elles ont du mal à faire confiance à quelqu’un qui est loin », explique Corinne Peninguy qui, après avoir suivi une formation au télétravail, a basé sa société de services administratifs aux entrepises à Saint-Flour. Résultat : elle roule des heures pour aller chez ses clients. « Il faut avoir déjà sa propre clientèle avant de s’établir », renchérit Xavier de Mazenod. Pour ce dernier, « ceux qui ont franchi le pas ne voulaient pas faire grandir leurs enfants à la ville ».

Stress et isolement

Mais, derrière la vision idyllique d’une vie de famille plus riche et d’un emploi du temps à la carte, ceux qui travaillent chez eux courent le risque de l’isolement, à la ville comme à la campagne. Dans les entreprises, il faut appliquer le télétravail à domicile à un nombre limité de jours par semaine, préconisent tous les experts. Quant aux outils qui permettent de joindre – voire géolocaliser – un salarié à tout moment, ils peuvent représenter une pression. « L’individualisation et l’isolement sont deux grands facteurs de stress, met en garde le docteur Bernard Salengro, responsable santé au travail à la CFE-CGC, et spécialiste du stress. Et pour l’instant, ces formes de travail sont encore trop nouvelles pour qu’on en mesure réellement l’impact. » 

Illustration : Anna Ladecka

SUR LE MÊME THÈME

- NKM : « Sur le télétravail, la France est clairement mauvaise »

Sources de cet article

- Le Rapport du député Pierre Morel-A-Lhuissier, Du télétravail au travail mobile

- Le rapport TIC et développement durable, des ministères de l’Economie et de l’Ecologie

- Zevillage sur le télétravail dans l’Orne

- Soho-solo sur le télétravail dans le Gers

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter
TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
Soyez le premier à réagir à cet article !
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas