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L’objet du mois : le saumon

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L'objet du mois : le saumon
 
Vous l’imaginiez pêché en pleine mer au large de la Scandinavie ? Raté : le poisson rose est essentiellement produit dans des fermes aquacoles de Norvège. Et avant d’accoster nos assiettes, il vit tout sauf un long fleuve tranquille
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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(Envoyée spéciale en Norvège)

Mangez du saumon de Norvège, vous vieillirez moins vite. C’est le site institutionnel www.poissons-de-norvege.com qui l’assure. Une tranche de saumon fumé à Noël ajouté à un feuilleté au réveillon, et c’est une vague d’oméga-3 qui irradiera votre corps. Problème : cette potion miracle devient rare. Le saumon atlantique a en effet presque disparu des océans. Heureusement, la Norvège a pensé à vous. Elle est devenue le premier producteur mondial de saumon d’élevage, devant le Chili et le Canada. « Un produit d’avenir », martèle Maria Grimstad, du Centre des produits de la mer de Norvège à Paris. La preuve : « Avec 100 kg d’aliments, on “ fabrique ” 13 kg de filets de porc ou 20 kg de filets de poulet, mais on produit 65 kg de saumon. »

Le royaume brandit sa législation aquacole, l’une des plus strictes du monde. Le 1er avril dernier, le gouvernement de centre-gauche a enfoncé le clou, proposant pêle-mêle de multiplier les contrôles pour éviter que les poissons d’élevage s’échappent, de faire payer les éleveurs à chaque évasion, d’accroître le nombre d’inspections pour limiter la pollution causée par les fermes… Autant de mesures qui n’empêchent pas les organisations environnementales de grincer des dents. « Ici, les gens ont oublié qu’il y avait du saumon sauvage avant le saumon d’élevage, s’insurge Frida Bengtsson, porte-parole de Greenpeace à Oslo. Or, les fermes sont en train de devenir la plus grosse menace contre les poissons sauvages. » Jens Christian Holm, en charge du département d’aquaculture au Directorat des pêches, admet que « toute production animale a un coût environnemental, y compris l’industrie aquacole norvégienne ». Selon les récents calculs de l’Agence norvégienne de contrôle de la pollution (SFT), les rejets d’une ferme piscicole de moyenne importance produisant 3 120 tonnes de saumon sont équivalents aux rejets d’une ville de 50 000 habitants.

Au creux des fjords

La vie d’un saumon d’élevage commence dans un bassin de la taille d’un seau, rempli d’eau douce, en bord de mer. L’alevin y passe sa première année, jusqu’à ce que son poids atteigne entre 80 g et 100 g et qu’il ait subi cette transformation physiologique baptisée « saumonification », qui lui permettra de survivre en eau de mer. Il est alors transféré à bord d’un bateau-vivier, avec des centaines de ses congénères, direction la ferme où il passera deux années. Les bassins d’aquaculture sont installés au creux des fjords norvégiens. Les poissons y vivent dans de grandes cages flottantes et quand ils pèsent entre 3 kg et 4 kg, ils sont de nouveau embarqués sur un bateau-vivier, direction cette fois l’abattage, puis le centre de filetage.

Dans les concessions – 900 permis ont été délivrés par le ministère de la Pêche depuis le début des années 1960 –, la réglementation ne tolère pas plus de 25 kg de poisson par m3 d’eau et 780 tonnes par ferme. L’emplacement de ces dernières est régulé en fonction des courants, de la profondeur des eaux, de la présence de poissons sauvages dans le voisinage, etc. Car il faut à tout prix limiter les risques de pollution et de contamination. Au fond de la mer, l’accumulation des déjections des poissons et des restes de leur nourriture pourrait être dangereuse pour les écosystèmes marins. Les poissons sauvages ne sont pas à l’abri non plus d’une infection, en cas d’épidémie dans une ferme. Tous les saumoneaux sont vaccinés avant d’être transférés en mer. « Les vaccins nous ont permis de réduire énormément les traitements médicamenteux », explique Henri Lapeyrère, directeur pour la France de la société norvégienne Leroy, second producteur mondial de saumon d’élevage. Mais ils ne protègent pas contre tous les parasites. Le pou de mer, par exemple. Si les saumons d’élevage peuvent être traités, par voie orale ou bain anti-poux, les poissons sauvages peuvent en mourir.

Contamination génétique

Karin Boxaspen, directrice de recherche à l’Institut de recherche marine, souligne aussi les risques de contamination génétique. Ainsi, les saumons d’élevage ne ratent jamais une occasion de se faire la belle. En 2008, environ 100 000 d’entre eux se sont échappés des fermes norvégiennes. « Or, s’ils parviennent à remonter une rivière, ils sont souvent agressifs et s’en prennent aux poissons sauvages, troublant leur lieu de reproduction. Et en cas d’accouplement, une contamination génétique est à craindre. » Car bien que cousins, les poissons d’élevage sont le produit de multiples sélections. « Leur progéniture pourrait ne pas être adaptée à la vie sauvage », explique la scientifique.

Autre casse-tête de l’industrie aquacole : l’alimentation. Si les saumons se nourrissent de plus en plus de végétaux, la moitié de leur alimentation a une origine animale. Une partie provient des détritus de la pêche, poissons morts ou trop petits notamment. Le reste est importé du Pérou, d’Islande ou du Danemark sous forme d’huiles ou de farines, transformées ensuite en granulés. L’industrie assure qu’elle n’utilise que des poissons qui ne sont pas consommés par les êtres humains. Mais selon Torbjørn Trondsen, professeur à l’Université de Tromsø, ce n’est qu’une demi-vérité : « La majorité des quotas de maquereaux pêchés en Islande, par exemple, est destinée à la production de farine animale. » En outre, même inadaptés à la consommation humaine, les petits poissons « sont essentiels à l’écosystème, puisqu’ils sont les seuls à se nourrir de plancton et à produire de la chair qui servira de nourriture à d’autres poissons ou à des oiseaux », souligne Gunnar Album, de l’organisation des Amis de la Terre (Naturvernforbund). D’autant que ces poissons sont souvent pêchés au chalut, néfaste pour les fonds marins, mais aussi pour le bilan carbone du saumon d’élevage.

Oslo-Paris en camion

« Lorsqu’on calcule l’impact en CO2 depuis la fécondation jusqu’à l’abattage, 80 % du bilan provient de l’alimentation », explique Henri Lapeyrère. L’Institut suédois pour l’alimentation et la biotechnologie, qui a effectué une analyse du cycle de vie pour le fabricant de nourriture pour saumon Skretting, confirme. Il estime que le potentiel de réchauffement global (PRG) du saumon est de 2 kg équivalent CO2 par kg de filet de saumon. Et 80 % de ce PRG proviennent de la production de granulés.

Dernier point noir : la distribution. Si les producteurs ont troqué les caisses en polystyrène pour des caisses réutilisables, les transports entre Oslo et Paris s’effectuent toujours en camion, « faute d’un système ferroviaire européen suffisamment performant », selon Maria Grimstad. Chaque camion peut transporter 22 tonnes de filets de saumon ; la moitié seulement si le poisson n’est pas découpé. Or, les Français l’importent entier à 60 %… Une fois dans l’Hexagone, le poisson est conditionné, puis transporté vers les lieux de distribution. « Le problème, c’est que les gens consomment de plus en plus de poisson en barquettes », souligne Henri Lapeyrère. Les camions ne peuvent alors transporter qu’entre 3 et 4 tonnes de produit net, alourdissant encore un peu l’ardoise du bilan carbone. —


UN POISSON A LA SAUCE BLEU-BLANC-ROUGE

Premiers consommateurs mondiaux de saumon atlantique norvégien, les Français le dégustent frais, fumé, congelé, en darnes, en filets ou en pavés. De quoi ravir le royaume scandinave, premier éleveur de « salmo salar » de la planète : 760 000 tonnes de poissons sont sorties de ses fermes l’an dernier, soit 52 % de la production mondiale. Plus de 95 % sont destinés à l’exportation. En 2008, les Français en ont importé 122 000 tonnes, soit environ 2 kg par an et par personne, pour une valeur de 363 millions d’euros. Le poisson est importé frais à 86 % et le fumage – éventuel – a lieu dans l’Hexagone. Depuis début 2009, les prix ont grimpé de 20 % suite à la chute de la production chilienne. Mais crise ou pas, les Français s’en moquent : entre janvier et juin 2009, leur consommation de saumon a augmenté de 22 % par rapport à la même période de 2008.

Illustration : Simon Astié

3 commentaires
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  • Ole-Jacob Christensen : L’objet du mois : le saumon

    Un grand merci pour votre article. Au pays natal du saumon d’élevage (la Norvège) les médias sont très discrèts sur l’envers de la médaille de cette industrie. En tant que paysan, ca me révolte qu’on qu’on utilise 4 kilos de poissons (sous forme de granulés) pour produire 1 kilo de saumon. Dans un monde qui a (de plus en plus) faim, il faut produire la nourriture d’une manière plus efficace. C’est à dire laisser les animaux et poissons d’élevage se nourrir avec ce que les hommes ne peuvent pas manger directement. La surpêche et la déforestation (le but de l’industrie d’élevage de poissons est de remplacer les fairines de poissons par des plantes gm) sont en grand partie dues au fait que nous utilisons 40% de nos céréales et 40% de la production mondiale de soja pour nourrire nos animaux - ce qui cause une perte de 80% de la valeur nutritive de ces plantes.
    Ole-Jacob Christensen, paysan en Norvège et militant de la Via Campesina

    16.12 à 14h57 - Répondre - Alerter
  • Bonjour, je me souviens d’un article où l’inquiétude principale tenait aux colorants utilisés, cités comme cancérigènes, car je ne crois pas qu’ils fournissent à leur saumons les petites crevettes rouges et sauvages qui leur donnent cette couleur de manière naturelle ! Je me souviens même avoir lu qu’il ne faudrait pas en manger plus de 100 grammes par mois ! Personnellement je préférerais manger du saumon d’élevage tout blanc ou gris, je pense qu’il faudrait donner le choix au consommateur : saumon blanc moins cher et saumon rose artificiel plus chers pour payer les colorants ! Alors ? Colorants vraiment cancérigènes ? Au prix du saumon presque gratis il y a certainement des génies de la diététique qui ne mangent presque que ça ? Ce serait intéressant d’étudier leur état de santé, en compensant bien sûr statistiquement pour tous les autres machins pas sains ingérés sans doute régulièrement ! Au plaisir d’une réponse !

    10.12 à 19h59 - Répondre - Alerter
  • ernoulte@yahoo.fr : L’objet du mois : le saumon

    Je serais curieux de voir l’empreinte écologique d’un saumon sauvage avec la pollution marine et le dégagement de Co2 des chalutiers !

    3.12 à 11h29 - Répondre - Alerter
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