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30-11-2011
Mots clés
Consommation
Bois-forêts
France

Le sapin du Morvan

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Le sapin du Morvan
(A Saint-Didier, les moutons se chargent de désherber la parcelle pour la culture des sapins. Crédit photo : Cécile Cazenave)
 
De la paille, des copeaux de bois ou des moutons : dans ce parc, on tente le tout pour le tout pour cultiver l’arbre de vos fêtes sans souiller les nappes phréatiques. Pari gagné ?
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Son cauchemar, c’est la mauvaise herbe. Car il n’y a que dans les contes pour enfants qu’une armée de lutins va chercher le plus beau sapin de la forêt pour en faire un arbre de Noël. Bouchez les oreilles des marmots : en réalité, le sapin se cultive en rangs, façon salade. A la différence de cette dernière, il lui faudra entre huit et dix ans pour devenir apte à décorer le salon pour les fêtes. Et ses premières années sont les plus périlleuses. Le jeune plant, tout droit sorti de la pépinière, risque à tout moment l’étouffement pur et simple. Les producteurs du Morvan en savent quelque chose.

Alignés comme à la parade

Au cœur du Parc naturel régional, entre deux nappes de brouillard, les champs de sapins alternent avec les bois de feuillus. Alignés comme à la parade, les conifères cultivés portent un calicot, une toile de coton. Pour repérer ceux qui passeront à la tronçonneuse cette année, leur cime est étiquetée. « Autrefois, les paysans les produisaient en complément, sur les mauvaises terres. Aujourd’hui, le sapin est cultivé sur les champs agricoles » , explique Vincent Houis, agronome de l’Association française du sapin de Noël naturel (AFSNN).

Pendant plusieurs siècles, le massif forestier du Morvan a fourni le bois de chauffage des Parisiens, acheminé par les rivières, puis la Seine, jusqu’à la capitale. Ce lien économique fit du Morvan le fief de la culture du sapin de Noël lorsque l’habitude d’en orner sa cheminée se répandit dans la capitale au milieu du XXe siècle. Aujourd’hui, le Morvan produit un quart des 5 millions de sapins naturels français, pour un chiffre d’affaires global de 120 millions d’euros.

Les chevreuils attaquent

Au fil des décennies, la production s’est professionnalisée, avec son cortège de calamités chimiques. Sur ces terres sableuses et filtrantes, abondamment arrosées, de laides molécules ont fini par se retrouver dans les captages d’eau potable et les eaux de surface. Au début des années 2000, les agences de l’eau, veillant au grain dans le parc naturel, prirent peur pour les populations d’écrevisses à pieds blancs. Les maires s’en mêlèrent, la presse itou. Les produits phytosanitaires, utilisés notamment pour le désherbage des rangées de sapins, furent montrés du doigt. « Bref, on avait la pression », souligne Vincent Houis. Les producteurs embauchèrent alors cet agronome pour lancer la bataille de la culture alternative. Mais une parcelle de sapin n’a rien d’un potager.

Les apprentis écolos ont d’abord tenté de remplacer la chimie de synthèse par la bonne vieille tech- nique du paillage. Mais la proximité des bois fut fatale. Les bâches en plastique furent défoncées par le passage des chevreuils. Puis ils ont misé sur la plaquette forestière, une couche de 10 cm de copeaux de bois pour étouffer les mauvaises herbes. Sous la strate protectrice, les lombrics ont pullulé. « Cette technique reproduit ce qu’il se passe dans un sol forestier : les sangliers, alléchés, ont ravagé les par- celles pour fouiller la terre », se rappelle Vincent Houis. L’agronome a alors regardé chez nos voisins européens. En Allemagne, la présence d’oies entre les plants est plébiscitée. Après avoir accompli leur travail de désherbage au bec, elles sont dégustées rôties en novembre, le jour de la Saint-Martin. En Suisse, certains ont jeté leur dévolu sur le porc laineux hongrois. L’AFSNN, elle, parie pour l’instant sur le mouton gallois, le shropshire. Son calme et son lainage serré garantissent qu’il ne laissera pas sa toison par bribes sur les arbres. Pour ne rien gâcher, sa viande est savoureuse, un atout pour sa fin de vie.

Des tondeuses à gazon

Sur la commune de Saint-Didier en Côte-d’Or, Patrick Roche en laisse brouter cinq sur un hectare de sapins. Ces super tondeuses à gazon ont transformé le sol en green verdoyant. Une réussite « zéro phyto ». Mais beaucoup de soucis. « Nous n’avons pas l’âme d’éleveurs ! », plaide le cultivateur. La gestion des saillies, la période d’agnelage, le stress des animaux, la fièvre catarrhale ovine ont raison de sa patience. La perte des trois quarts du troupeau initial ne l’incite pas à étendre l’expérience à ses 70 hectares plantés. Même son de cloche à quelques kilomètres, chez Christian Colliette, éleveur bovin qui assure 50 % de son chiffre d’affaires avec le sapin. Lui craint la sécheresse. Car pour appâter l’animal, il faut planter de la bonne herbe qui sera broutée avec la mauvaise.

Dans les premières années fatidiques, les racines du sapin se retrouvent alors en concurrence avec celles de l’herbe à moutons ! Quant à se priver totalement de fertilisants, le pointilleux Christian Colliette préfère ne pas y penser. D’après lui, sans ajout chimique, la couleur de l’élégant Nordmann, qui représente plus des deux tiers des sapins naturels, jaunit et son panache s’étiole. « C’est comme les pommes : les acheteurs exigent qu’elles soient lisses et brillantes !, s’exclame-t-il. Pour fournir un sapin vert profond et bien garni, il n’y a pas mille manières. » Autant chercher une aiguille... dans un champ de sapins.

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