En mars, sème ta carotte ! Au rayon jardinerie, la « Nantaise améliorée » tire la bourre à la « Longue lisse de Meaux ». Sur le papier glacé de leurs sachets, les légumes vantent les mérites de leurs graines. Quelque 75 millions de pochettes sont vendues chaque année pour les 7 millions de jardins potagers amateurs en France. Dans l’Hexagone, ce sont plus de 19 000 hectares, cultivés par plus de 2 000 agriculteurs, qui sont consacrés à produire les semences potagères. Mais tous les légumes n’y figurent pas. « Vous n’avez presque aucune chance d’acheter une graine de tomate produite en France, elle viendra plus probablement du Mexique ou de Chine !, souligne Philippe Silhol, chef du service économie et statistiques du GNIS, le Groupement national interprofessionnel des semences et plants. Nous, on est plutôt carottes, oignons, épinards, radis. »
Les amateurs se rebiffent
Nos graines de carottes sont sorties d’une délicate ombelle. Il a fallu attendre plus d’un an pour les récolter. Une grande partie d’entre elles finiront sous les serres des maraîchers professionnels. Sur les 240 millions d’euros de vente de semences potagères fines en France, le secteur des amateurs ne représente qu’un tiers. « Mais, après une très longue période de désaffection, les graines pour les amateurs reprennent du poil de la bête ! », analyse Philippe Silhol. Les alertes alimentaires, la vague verte et la crise ont redoré l’image des plates-bandes de papy. Les producteurs ne s’y sont pas trompés. « Dans les six dernières années, notre chiffre d’affaires sur les semences pour amateurs a augmenté de 20 % à 30 % », explique Tony Bonnin, responsable marketing marché amateur chez Clause.
Cette entreprise fait partie de la galaxie Limagrain, un groupe coopératif agricole français, premier semencier européen et quatrième mondial. Sa filiale Oxadis vend les graines pour jardiniers sous quatre marques : Clause, Vita, Vilmorin et Tézier, qui représentent à elles seules la moitié du marché. « La graine est un produit à très haute valeur ajoutée », précise Jean-Daniel Arnaud, spécialiste des semences potagères au GNIS. A 35 centimes la graine de tomate, le kilo pèse 87 500 euros, sept fois plus que l’or ! A ce prix, on se décarcasse. « Nous avons comme objectif de faire en sorte que les novices puissent réussir leur jardin », explique Tony Bonnin. Car si papy ne se privait pas sur les pesticides, son petit-fils, lui, refuse la chimie, n’a pas forcément la main verte, veut du goût et n’a pas beaucoup de temps. Clause a mis en selle, en dix ans, un haricot vert qui peut se récolter une fois par semaine, alors que son ancêtre devait se cueillir tous les deux jours pour qu’il soit mangeable. Pour réussir ce genre de prouesse, Limagrain a investi, en 2010, 157 millions d’euros dans la recherche et explique que celle-ci représente une part importante du prix du sachet. Laquelle ? Secret défense.
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