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8-03-2014
Mots clés
Economie
France
Monde
Entretien

« La spéculation n’est que l’écume sur la vague »

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« La spéculation n'est que l'écume sur la vague »
(Crédit photo : Xinhua - Zuma - Rea)
 
Pour l’économiste Philippe Chalmin, le marché des matières agricoles est un terrain de jeu naturel des spéculateurs. Mais, pour autant, ces derniers ne sont pas à blâmer pour la crise alimentaire.

Terra eco : Depuis 2008, on assiste à une financiarisation croissante du marché des matières agricoles. Cela signifie t-il que les matières premières sont devenues attirantes ?

Philippe Chalmin [1] : Jamais les marchés, qu’ils soient monétaires, d’énergie ou autres, n’ont été aussi instables au niveau mondial. Les financiers ont utilisé le marché agricole pour jouer, comme ils ont pu le faire avec l’or ou le pétrole. En matière agricole, il y a toujours des incertitudes. Les problèmes climatiques, par exemple, créent des risques pour l’ensemble des acteurs et, dès le XIXe siècle, ils ont cherché à gérer ces risques par le biais des marchés financiers.

L’instabilité agricole est la toute première des instabilités, bien avant l’instabilité monétaire. Ces dernières années, il y a probablement eu un peu plus d’intérêts financiers sur le marché des matières premières agricoles mais cela n’a rien changé. Les marchés agricoles sont instables par nature. Donc spéculatifs.

Est-ce vraiment un marché comme un autre ?

Bien sûr. La première fois qu’un agriculteur en Mésopotamie a vendu son blé, il a fait acte de marché. Aujourd’hui, le marché comprend l’ensemble des liens qu’il peut y avoir entre les producteurs, transformateurs, commerçants et consommateurs. La seule manière de supprimer ce marché serait que l’Etat fixe le prix des produits. Quand l’Etat ne joue pas ce rôle, il faut laisser libre cours aux forces de marché, c’est à-dire à l’anticipation que font tous les acteurs de ce que sera demain le rapport entre l’offre et la demande.

En février dernier, Oxfam a publié un rapport accusant les banques d’être responsables des crises alimentaires. Qu’en pensez-vous ?

Il est trop facile de tirer sur le grand méchant spéculateur. Le problème de la faim dans le monde est plus complexe. Je comprends que des gens, pour des raisons d’éthique, disent « je ne veux pas que la banque à laquelle j’apporte mes sous spécule sur le marché agricole. » Cela dit, c’est idiot. La flambée des prix est liée au manque d’offre. Nous payons notamment notre désintérêt pour l’agriculture à la fin du XXe siècle.

La spéculation n’est donc pas la principale responsable de la crise alimentaire ?

L’essentiel, sur un marché, c’est qu’il y ait beaucoup de liquidités, pour que les acteurs puissent acheter ou vendre sans attendre. Cette liquidité, ce sont les spéculateurs qui l’apportent. Je compare souvent la spéculation à l’écume sur la vague. Quand la mer est plate, que les prix sont stables parce qu’ils sont contrôlés par l’Etat, il n’y a pas de spéculation. Lorsque la mer est déchaînée, elle est blanche et nous avons l’impression qu’elle n’est qu’écume. Mais, sous l’écume, il y a la vague et c’est elle qui fait couler les bateaux. La vague, c’est l’instabilité des marchés soumis aux aléas climatiques, par exemple. Les variations de prix s’expliquent toujours par les fondamentaux, c’est-à-dire par le rapport entre l’offre et la demande.

[1] Professeur d’histoire économique à l’université Paris-Dauphine et président fondateur de Cyclope, institut de recherches européen sur les marchés des matières premières.

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