La première (petite) pierre biologique

Les travaux viennent à peine de commencer. Il faudra attendre quasiment deux ans pour que l’immeuble situé à Courbevoie (Hauts-de-Seine) soit habité. Au total, cent logements, du studio au cinq pièces, pas tout à fait comme les autres puisqu’ils seront, selon Nexity, "écologiques". Un qualificatif qui fait froncer les sourcils quand on sait que le secteur du bâtiment produit 31 millions de tonnes de déchets par an, qu’il consomme plus de 40% des énergies en France et qu’il est responsable du quart des émissions de gaz à effet de serre. "Notre démarche a consisté à intégrer cette problématique environnementale à tous les niveaux, depuis la conception du projet jusqu’à l’utilisation finale qu’en feront les propriétaires", explique Frédérique Monichon, directrice générale de Nexity Féréal, une des filiales du groupe. Première étape, le chantier, avec une meilleure gestion des déchets. Un tri systématique est effectué sur place. Les ouvriers ont à leur disposition deux types de bennes, ce qui doit permettre de récupérer le plâtre pour le recycler. Des précautions sont également prises afin de réduire les nuisances pour le voisinage : arrosage plus régulier lors des phases de terrassement pour générer moins de poussière, mise en place de plans de circulation pour les camions, selon des horaires précis, en raison des écoles situées à proximité.

Recyclable et renouvelable

Vue théorique d’une façade de "l’immeuble bio". DR

A l’intérieur, la même logique prévaut. Chaque cuisine sera dotée d’un placard comportant trois poubelles pour le carton, le verre et les ordures ménagères. Sur le toit, 120 mètres carrés de panneaux photovoltaïques permettront, selon l’entreprise, de fournir 80% de l’éclairage des parties communes. L’eau de pluie sera récupérée, à hauteur de 800 mètres cubes par an. De quoi fournir le tiers de la consommation des chasses d’eau. Toujours pour éviter le gaspillage, tous les robinets seront équipés de temporisateurs pour qu’ils s’arrêtent automatiquement, comme dans les lieux publics. Autre dispositif prévu, l’air qui s’introduit dans l’immeuble sera filtré pour le débarrasser de toute trace de poussière.

"Aberrations"

Les matériaux utilisés devront eux aussi être source de "bien-être". Finition en bois, parquet en bambou, peinture sans solvant et, pour éviter les allergies, des moquettes composées uniquement de fibres naturelles. Au final, un immeuble idéal ? Ce n’est pas l’avis d’Alain Marcom, maçon de métier et l’un des fondateurs d’Ecobâtir, un réseau qui regroupe des acteurs de la construction écologique. Selon lui, l’initiative est intéressante mais comporte deux aberrations : "Cet immeuble est construit en béton, or c’est un matériau dont la fabrication et le transport nécessite beaucoup d’énergie et qui ne se recycle pas facilement", s’indigne-t-il. "Peut-être que dans quelques années, nous irons encore plus loin mais pour l’instant il me semble difficile de ne pas utiliser le béton", rétorque Frédérique Monichon. Autre incohérence pointée par Alain Marcom, le chauffage fonctionnera à l’électricité, pas vraiment un gage de moindre consommation d’énergie.

Stratégie des petits pas

L’objectif de Nexity est de réaliser dans les trois ans, 10% de son parc en version écologique. Ce qui signifie que 90% ne le sera pas. "L’idéal serait qu’à terme, on puisse avoir une démarche environnementale pour chaque nouvelle construction", précise Frédérique Monichon. Cette révolution verte ne sera pas sans répercussion sur les prix : il faut compter 8% de plus, en moyenne. Existe-t-il une clientèle pour cela ? La moitié des immeubles de Courbevoie ont certes déjà été vendus mais à une précision s’impose : s’agissant d’une première expérience, Nexity n’a exceptionnellement pas répercuté le surcoût des travaux sur le prix de vente...