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2-10-2008
Mots clés
Energies
Russie

La Russie, pieuvre énergétique

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Dès que Moscou coupe le gaz, l’Europe attrape froid. Le géant russe fournit à l’Union 40 % de son gaz et 30% de son pétrole. Mais en surfant sur la crise énergétique, le Kremlin joue avec le feu.
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"Nous exportons du gaz partout sur la planète et nous ne pouvons même pas en profiter !", dénonce Ania, retraitée d’une soixantaine d’années, incarnant le paradoxe russe d’aujourd’hui. Son village de Denejkino se trouve à peine à 80 km de Moscou. Mais son mode de vie traîne au moins un demi-siècle de retard sur la bouillante capitale russe. Pas d’eau courante et pas de gaz, même si la Russie en est le premier exportateur mondial. Depuis l’ouverture de ses exploitations gazières en Sibérie occidentale au début des années 1970, la Russie est rapidement devenue une puissance énergétique mondiale incontournable.

Le premier choc pétrolier puis la hausse régulière des prix des hydrocarbures au cours de la dernière décennie ont accéléré le processus. Aujourd’hui, la Russie figure sur la première marche du podium des producteurs et des exportateurs de gaz naturel, et sur la deuxième pour le pétrole. Plus vaste pays du monde, elle possède aussi environ le tiers des réserves prouvées de gaz naturel et entre 5,7 % et 15 % de celles de pétrole, selon les estimations. Pourtant, à Denejkino, on continue à acheter le gaz en bonbonne.

Le jackpot des exportations

Mais qui en profite alors ? « En premier lieu, c’est l’Etat, répond Danila Botchkarev, analyste de la politique énergétique russe à Bruxelles. Ensuite, ce sont les investisseurs russes et étrangers qui s’impliquent dans l’industrie. » L’Etat contrôle en effet deux des trois plus grandes compagnies du secteur et engrange une bonne partie des revenus. En 2007, le géant gazier d’Etat Gazprom et la pétrolière Rosneft ont annoncé des profits records, respectivement de 27,2 et 12,9 milliards de dollars (19 et 9 milliards d’euros). Les citoyens, eux, ramassent les miettes. Mais le niveau de vie ne cesse de croître en Russie, car le Kremlin oblige les Gazprom et autres à investir dans les infrastructures du pays.

Ils le font à contrecoeur. Leurs gains se nichent ailleurs. « Gazprom n’exporte que le tiers de sa production de gaz, principalement vers l’Europe, mais en tire la majeure partie de ses profits », explique Danila Botchkarev. A l’intérieur, sur injonction de l’Etat, le gaz est vendu 1,5 fois moins cher qu’à l’étranger ce qui rend l’opération beaucoup moins rentable. La Russie déploie donc ses pipelines un peu partout sur la planète. Ses compagnies signent des contrats en Libye, au Nigeria, en Birmanie… De plus en plus, elle cherche à diversifier ses exportations vers l’Asie, mais aussi vers l’Amérique du Nord, afin de diminuer sa dépendance au marché européen.

Fin des privilèges

Comme en politique, l’espace ex-soviétique reste une zone de prédilection pour la Russie. Depuis la chute de l’URSS, Moscou a continué à acheter et à vendre le gaz naturel à des prix préférentiels dans ses anciennes Républiques. Désormais, elle souhaite adopter une « formule européenne de fixation des prix », selon la terminologie officielle, avec tous ses partenaires. Sa nouvelle ligne de conduite : fini les privilèges pour les amis. La Russie achètera le gaz de ses voisins ou leur vendra à des prix avoisinants ceux qui ont cours sur les marchés européens et mondiaux.

Pour les pays producteurs comme l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan, ce changement représente un gros avantage financier. Ces ex-Républiques touchent aujourd’hui un chèque de 100 à 130 dollars pour 1 000 m3 de gaz livrés. Dès l’an prochain, elles devraient déjà en percevoir plus du triple. A l’inverse, les pays importateurs font la grimace. Pour eux, la décision russe s’avère catastrophique. Durant la seule année 2006, le passage du prix du gaz de 50 à 130 dollars les 1 000 m3 s’est traduit par une hausse de la facture annuelle de l’Ukraine de plus de 2 milliards de dollars. Et ce n’était que la première augmentation.

Stagner, un choix assumé

Aujourd’hui, les Européens se font un sang d’encre. Outre l’ingérence politique du Kremlin dans l’industrie, ils craignent surtout que la Russie soit incapable d’honorer ses contrats au cours des prochaines années. Et ce, par manque de ressources.

Car si la demande croît, l’offre de gaz et de pétrole russes est, elle, quasi stable depuis dix ans. Vitali Bouchouev, le directeur général de l’Institut des stratégies énergétiques, affilié au ministère russe de l’Energie, estime que cette stagnation est toutefois bien réfléchie et vise un objectif de développement durable. Pour lui, « les compagnies russes se conduisent en hommes d’affaires avisés. Pourquoi exploiter nos ressources, développer de grandes et coûteuses infrastructures au-delà du cercle polaire ou en Sibérie orientale, si nous pouvons aujourd’hui importer et revendre celles d’Asie centrale et régler les problèmes actuels ? »

Le docteur en ingénierie trouve également contradictoire que les Européens demandent à la Russie de développer de nouveaux sites d’extraction, sans pouvoir lui offrir de garantie d’achat. « On nous interpelle : “ Mais pourquoi ne nous fournissez-vous pas plus ? Pourquoi ne commencez-vous pas à exploiter d’autres sites alors qu’il nous faut les ressources dès aujourd’hui ? ” Si nous le faisions, avec nos propres investissements ou ceux des étrangers, nous répéterions les tristes expériences du passé et détruirions nos gisements. En outre, quand nous demandons aux Européens à combien ils évaluent leurs besoins énergétiques d’ici à 2030, ils sont incapables de nous répondre ! »


Le noeud coulant géorgien

La fin de la dépendance européenne envers les hydrocarbures russes passe inévitablement par la Géorgie. La guerre entre Moscou et Tbilissi, déclenchée en août, a rappelé aux Européens l’importance de cette ancienne République soviétique du Caucase, qui ne cesse de narguer son grand voisin. Les bombardements russes sur le port stratégique géorgien de Poti ont failli endommager l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan, qui conduit le gaz de la mer Caspienne jusqu’à la Méditerranée. Malgré l’instabilité dans la région, les Européens ont réitéré leur volonté de mener à terme le projet Nabucco, ce pipeline de 3 300 km qui transportera au final 31 milliards de m3 de gaz du Caucase jusqu’à l’Autriche, tout en contournant la Russie et l’Iran.

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