Quoi de plus poétique que le rêve d’Icare, auquel le génie de Léonard de Vinci et l’esprit fécond de Jules Verne ont donné un squelette, et les frères Wright, un corps : l’avion. Poétique certes. Mais pas pour les enfants du développement durable, ces rabats-joie qui ont décidé de régler leurs comptes avec leurs ancêtres de la Révolution industrielle. Pour ceux-là, après l’automobile, l’avion est en voie de devenir persona non grata. Car, outre stimuler les voyages, les échanges culturels et commerciaux et les délocalisations, l’avion pollue. Ce n’est pas nouveau. Mais contrairement aux gaz de la voiture de papa et aux fumerolles de l’incinérateur de tonton, personne ne lui en a jamais tenu rigueur. En atteste le traitement médiatique dont a bénéficié le Concorde jusqu’à ses dernières heures de vol.
Grande fourchette
C’est au ras des pâquerettes qu’on trouve la première couche : la pollution sonore, sans doute la plus connue. On ne compte plus les témoignages de riverains éplorés abonnés aux JT de 13 et 20 heures. Les plus malchanceux, situés sur les trajectoires des vols de nuit, guettent avec angoisse la survenue de la prochaine canicule et celle de ses deux variantes : sauna (fenêtres fermées) ou discothèque (fenêtres ouvertes).
L’affaire ne fait pas du tout sourire Sébastien Trollé, le porte-parole de l’Advocnar (Association de défense contre les nuisances aériennes), une association particulièrement active. Ses adhérents vivent en Ile-de-France, région connue pour ses trois grands aéroports : Roissy et Orly pour le tout venant (passagers et fret) et Le Bourget pour les jets de pédégés. Pour le salut des oreilles de ses concitoyens, et pour leur santé tout court, l’Advocnar ferraille sans relâche avec les Aéroports de Paris (ADP), société en voie de privatisation. Elle réclame l’arrêt les vols de nuit, un frein au développement de Roissy, la construction d’un troisième aéroport "à plus de 100 kilomètres de Paris." Et l’évacuation du fret aérien de Roissy à Vatry (Marne), une piste ultramoderne paumée en cambrousse champenoise. Sur ce point, réponse unanime des sociétés concernées (Fedex, Europe Air Poste, ADP) : pas possible !
Ex aequo avec les ordures ménagères et le périphérique
Cette pollution a un coût sociétal, même s’il reste difficilement mesurable. Deux chiffres en donnent une fourchette très large. D’une part, 1,1 milliard d’euros ont été débloqués sur toute la France pour tenter d’insonoriser 180000 logements soumis au raffut des avions. D’autre part, l’Acnusa a calculé qu’il faudrait 25,6 milliards d’euros pour racheter toutes les habitations des riverains incommodés par le trafic du seul aéroport de Roissy. Précision utile : comme on a perdu le chéquier, ce calcul reste purement théorique.Toujours au ras des pâquerettes, le transport aérien a un impact de plus en plus évident, quoique peu médiatisé, sur la qualité de l’air que nous respirons. Etonnamment, il a fallu attendre... 2004 et Airparif - célèbre pour son baromètre de la qualité de l’air en Ile-de-France - pour obtenir la première étude française sur la question. Publiée le 21 février 2004, celle-ci souligne d’ailleurs la disette scientifique qui règne en ce domaine.
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