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28-02-2014
Mots clés
Recyclage, Déchets
Energies
France

Inutile de creuser ailleurs, les mines sont dans nos villes

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Inutile de creuser ailleurs, les mines sont dans nos villes
(crédit : esyckr - flickr)
 
Arnaud Montebourg veut rouvrir les mines françaises pour y chercher les métaux dont on fait nos téléphones portables. Les mines les plus riches sont pourtant à portée de main, dans nos poubelles !
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Boris Vian doit se retourner dans sa tombe. En écrivant sa « Complainte du progrès » (1956), le poète n’avait pas prévu qu’un jour, un ministre du Redressement productif français annoncerait qu’on allait rouvrir les mines pour continuer à consommer tranquilou. Il faut dire qu’en plus du frigidaire, du joli scooter, de l’atomixer et du Dunlopillo, Gudule possède aujourd’hui un smartphone, un écran plat, un vélo électrique et que, dans un élan écolo, elle a souscrit à un abonnement garantissant que ses kilowattheures sont produits par une éolienne. Pauvre Gudule ! La voilà sans le savoir en partie responsable de la dépendance hexagonale aux métaux stratégiques.

L’affaire, quasi guerrière, n’est pas à prendre à la légère. « Au début du XXe siècle, entre cinq et dix matières premières minérales entraient dans les objets de la vie quotidienne, il nous en faut aujourd’hui 60, rien que pour un téléphone portable, rappelle Patrice Christmann, directeur adjoint à la stratégie du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). On utilise quasiment tout le tableau périodique ! » Le tableau périodique de Mendeleïev, c’est cette table de classification des éléments chimiques qui vous donnait des vapeurs au lycée. Il contient les noms barbares qui font désormais frémir : argent, palladium, platine, gallium et rhodium qui entrent dans la composition des cartes électroniques ou des pots catalytiques ; indium des écrans LCD ; germanium des panneaux photovoltaïques ; tantale pour les condensateurs ; dysprosium et néodyme dans les aimants.

Un moyen de pression

Le problème, c’est que les entrailles européennes en sont pour ainsi dire dépourvues. La famille des platines sort d’Afrique du Sud et de Russie, les terres rares à 95% de Chine, le tantale ne se trouve que dans la région des Grands lacs où l’on s’entretue pour son trafic. Et quand l’un de ces producteurs décide de garder ses précieuses ressources pour lui-même, c’est l’électronique, l’aéronautique et l’industrie énergétique mondiales qui tremblent dans leurs basques. En 2010, l’Empire du milieu a ainsi décidé de priver l’Empire du soleil levant de terres rares, en représailles à un conflit diplomatique, puis a restreint toutes ses exportations en 2012.

Or, irrémédiablement, les besoins en matières premières minérales augmentent. Dans les années 1960, les 2,5 milliards d’humains consommaient 1,65 kilo de cuivre par personne. Aujourd’hui, c’est 3 kilos, et nous sommes devenus 7 milliards. Demain, où faudra-t-il creuser pour que les pays émergents installent leurs lignes électriques et équipent leurs classes moyennes ? En restera-t-il alors pour nous, pays du Nord, sans que la planète finisse exsangue ?

Des gisements 40 à 50 fois plus riches

Mais console-toi Gudule ! Le bon filon n’est pas seulement sous terre et les anciennes gueules noires n’auront pas toutes à reprendre du service. Les mines de demain sont autour de nous, dans nos poubelles et nos centres de tri. Ce sont des mines urbaines.

On dit que ces « gisements » se révèlent 40 à 50 fois plus riches, c’est-à-dire plus concentrés en matières premières métalliques, que les gisements naturels. Jusqu’aux années 2000, les équipements électroniques obsolètes finissaient à l’enfouissement. « A l’échelle mondiale, on pense qu’il y a aujourd’hui plus de métaux, et notamment de cuivre, enterrés dans les décharges que dans les sous-sols naturels », explique Daniel Froelich, directeur de la recherche de l’Institut Arts et Métiers ParisTech de Chambéry, l’un des fondateurs d’une toute nouvelle chaire de recherche consacrée aux mines urbaines. Mais le coût d’une grande fouille archéologique pour retrouver ces trésors disséminés au milieu des ordures se révèle pour l’instant prohibitif.

Restent nos déchets du moment. Dans le monde des métallurgistes, on affirme que pour faire une bague en or, il y a désormais le choix entre extraire 25 tonnes de minerai, le concasser et le raffiner, et réunir 500 téléphones portables. « Encore faut-il réussir à les collecter », note Christian Brabant, directeur général d’Eco-systèmes, éco-organisme collecteur des déchets d’équipements électriques et électroniques (D3E). Une fois cette opération – pas des moindres – réussie, il faut encore dépecer les objets jusqu’aux matières premières. Près de 29 000 tonnes de métaux non-ferreux ont ainsi été extraites des 255 222 tonnes de D3E traitées en France en 2012. Mais impossible de savoir quelle est la part des matériaux rares dans cette collecte.

Il y a dix ans, le déchet était une matière vile sans intérêt

Et là encore, la poule aux œufs d’or n’est pas si docile. Car les gisements d’aujourd’hui sont emprisonnés dans des objets conçus hier, et certainement pas pour être démontés. Ces satanés métaux se sont bien associés chimiquement en couches ultrafines par exemple. Mais allez donc les dissocier… « Même les grands fondeurs européens n’arrivent à récupérer que la moitié de la quarantaine de métaux stratégiques dans les déchets : soit ils ne savent pas faire techniquement, soit les procédés ne sont pas économiquement viables », précise Christian Brabant.

Il est grand temps d’apprendre !, répondra Gudule. Facile à dire, car, pendant que les consommateurs du Nord se lançaient dans un shopping effréné en quête du dernier cri technologique, le déchet était, lui, considéré comme le paria des sciences. « Il y a encore dix ans, le déchet n’était qu’une matière vile qui n’intéressait personne, explique Daniel Froelich. Aujourd’hui, c’est un axe prioritaire des grands centres de recherche, mais du laboratoire à un procédé industriel pilote, il faut compter dix ans de plus. »

Le panel international des ressources, groupe de recherche des Nations unies, a ainsi fait le tour du recyclage mondial des métaux. Si les substances usuelles – fer, cuivre, plomb – atteignent un taux de plus de 50%, pour les métaux rares, c’est souvent moins de 1% qui sont recyclés. L’Europe s’en soucie qui a fait du recyclage un de ses axes de travail pour la feuille de route qu’elle s’est fixée d’ici 2020 sur les matières premières. A l’avenir, les mines urbaines devraient, à n’en pas douter, rapporter gros à qui saura les creuser. Boris Vian l’avait pressenti, en promettant à Gudule une tourniquette à faire la vinaigrette, un coupe friture, mais surtout un ratatine ordures.


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  • Merci pour l’article qui tombe à pic pour mon projet de court métrage/débat sur l’Or des poubelles...

    3.03 à 16h40 - Répondre - Alerter
  • Notre association (Association "Réseau Ecomobilité" de Villeneuve-sur-Lot) cherche à constituer un collectif associatif pour créer un « réseau interactif de recherche appliquée et développement » sur les énergies renouvelables.
    En ce temps de campagne pour les élections municipales, nous proposons que Villeneuve s’y investisse avec l’opportunité des locaux du vieil hôpital qui vont devenir vacants … : nous proposons la création d’un cluster sur "Energies Renouvelables et Vie".

    Mais il nous semble évident qu’il nous faut aller plus loin : pourquoi ne pas créer un " THE parti ", parti politique pour une "transition humaniste et énergétique", qui défendrait des positions "mondialistes" : une Terre qui, progressivement, éliminerait ses frontières, favoriserait une recherche de la Paix, d’un langage planétaire commun (espéranto ?), sans renier les langues vernaculaires ou les idiomes locaux, ni les coutumes locales et, bien sûr, en favorisant les énergies renouvelables (utilisation "frugale et heureuse" de l’énergie animale et humaine, apprendre et même mettre son point d’honneur à se contenter de peu, écomobilité, circuits courts, éviter au maximum les déchets et favoriser leur recyclage ... Pour le partage du savoir, du savoir faire et du savoir être, apprendre à partager, communiquer de façon Non-Violente, apprendre et mettre en pratique la psychologie positive, favoriser la coopération plutôt que la rivalité ou l’accumulation stérile de richesses sans finalité humaniste ...
    Vaste programme, mais ... passionnant programme ! L’imagination, au pouvoir et ... euh, au travail !!
    On peut nous contacter pour jeter les bases de ce mouvement :

    Francis CAZEILS, président Association "Réseau Ecomobilité"
    35, rue Paul Claudel 47300 VILLENEUVE-sur-Lot
    Tél = 06 45 43 22 85
    e-adresse : cazeils.fr@free.fr

    3.03 à 03h24 - Répondre - Alerter
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