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27-03-2008
Mots clés
Environnement
Europe

Grosse montée de lait

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Bruxelles ouvre les robinets lactés pour répondre à la forte demande chinoise et européenne. De quoi déboussoler des éleveurs français, bridés par des années de quotas.
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Des mers de lait, des déserts de poudre, des montagnes de beurre, le tout jeté dans le caniveau. Longtemps, l’Europe a produit trop de lait. Mais c’est du passé. La collecte en France – environ 20 % de la production européenne – touche désormais son plus bas niveau depuis quinze ans. Et les quotas, fixés aux éleveurs depuis 1984, ne sont plus atteints. Patrice Julienne n’en revient pas. « Au printemps, on nous a dit qu’on pourrait faire 3 % de plus, puis 8 %, 10 %, et finalement 15 %. » Une révolution. Le Sarthois a toujours freiné son élan pour respecter son quota laitier. Aujourd’hui, on lui demande au contraire de produire plus de lait, et vite.

En Europe, Bruxelles recommande désormais d’ouvrir en grand les robinets lactés. « Les Chinois veulent davantage de lait et de viande, l’Australie est victime de la sécheresse, la demande européenne augmente et les stocks sont nuls », détaille Jean-Claude Guesdon, économiste à l’Institut français de l’élevage. Sur un marché en pleine croissance, Bruxelles veut donc gonfler les quotas de 2 % par an jusque 2013, date de leur fin programmée. Mais la salle de traite n’est pas une usine, les vaches ne peuvent pas faire les 3X8 et leurs propriétaires se raréfient. La France perd ainsi chaque année 5 000 éleveurs bovins, certains encouragés par Bruxelles qui subventionne les cessations d’activité, d’autres attirés par l’explosion du cours du blé. « Il n’y a pas photo, les céréales, c’est plus rentable et moins contraignant », consent Patrice Julienne.

Avec sa femme Catherine, il élève 55 primholsteins, les vaches noir et blanc que l’on croise dans le grand Ouest. Les éleveurs français étaient 450 000 en 1984. Il ne sont plus que 95 000 à résister aux sirènes des céréales, et pas seulement pour savourer leur bol de lait maison au petit-déjeuner. « Il faut être un peu fou car c’est contraignant : été comme hiver, même le dimanche. Mais travailler avec les bêtes est beaucoup plus intéressant que rester assis, les fesses sur son tracteur. » La Pérauderie, sa ferme des Alpes mancelles, profite de la hausse du cours du lait (20 % en un an). Mais « la chute peut être terrible car les charges ont aussi augmenté ». En effet, la flambée du pétrole a fait monter le prix des engrais, de l’essence et des médicaments destinés au troupeau. Celle des céréales a fait s’envoler le prix du fourrage.

Le dimanche soir, la traite plutôt que le film Les éleveurs cravachent donc pour améliorer leur productivité. A La Pérauderie, Patrice Julienne a ainsi sacrifié le traditionnel film en famille. « On fait une traite supplémentaire le dimanche soir. On distribue une alimentation plus riche et on garde les vieilles vaches. Mais si le prix du lait n’avait pas monté, il n’aurait pas été rentable de produire davantage.  » En décembre 2007, pour faire du camembert ou du yaourt, la laiterie voisine lui achetait 1 000 litres payés 274 euros. Un an plus tard, il brandit une facture de 332 euros. Une bouffée d’air pour des exploitations laitières encore marquées par les conséquences de la crise de la vache folle.

A long terme, trouver davantage de bétail constituera la réponse la plus simple pour accroître cette production. Au moins en apparence. Négociante en bestiaux près d’Alençon, Lydia Bussy, connaît les pâturages de l’Orne comme son jardin. « Entre octobre et janvier, il y a eu une grosse pénurie de vaches laitières. Là, ça se calme : j’ai des bêtes à vendre et personne n’en veut », souffle la jeune femme. Les éleveurs ont multiplié les inséminations et le nombre de vaches devrait monter assez rapidement, sans toutefois pouvoir retrouver le niveau d’antan. En France, il ne reste actuellement que 4 millions de ruminants, contre 7 millions en 1984.

Du trop-plein au pas-assez

Cette année, dans l’Hexagone, il manquerait à l’appel environ 250 millions de briques de lait. Ce volume – une pacotille – ne représente que 1 % des quotas fixés par Bruxelles à la France. Ce n’est pas un problème en soi pour les producteurs, mais une situation paradoxale au vu du potentiel de production du pays. Bruxelles a déjà identifié les coupables : les Etats eux-mêmes et leur usage trop rigide de la réglementation. A Fresnay-sur-Sarthe, on se rappelle qu’en mars 2007, des producteurs sarthois ont payé des pénalités pour avoir dépassé leurs quotas. Cette simple évocation fait frémir Patrice Julienne. « On l’a fait une fois. Jeter 1500 litres de lait pour éviter de payer… On était vraiment écoeurés. »

Le passage du trop-plein au pas-assez serait moins un problème européen que français, selon l’expert Jean- Claude Guesdon. Il suffit de se pencher sur l’exemple hallucinant du Cher : avec ses grandes surfaces planes idéales pour les céréales, ce département est devenu un désert laitier et il n’arrive plus à remplir le quota qui lui a été alloué. A quelques centaines de kilomètres au nord, c’est tout l’inverse. Les éleveurs d’Ille-et-Vilaine pourraient produire beaucoup plus de lait qu’ils n’en ont le droit. Mais la gestion française des quotas établit un volume à respecter pour chaque exploitation. Pas question de s’arranger entre voisins. Dans les fermes françaises, les chiens aboient quand les contrôleurs laitiers passent. —


Une vie de vache Marguerite est une vache laitière. Elle est née neuf mois après le passage de l’inséminateur. Dans la seringue de l’homme en blanc, une paillette de sperme de taureau génétiquement sélectionné. Valeur de la saillie artificielle : 44 euros. L’éleveur a dû ensuite attendre dix-huit mois, le temps que jeunesse se fasse, avant d’inséminer Marguerite pour la première fois. Marguerite donnera naissance à son premier veau vers trois ans, et produira alors ses premiers litres de lait. Elle passera à la traite midi et soir pendant 300 jours, et sera ensuite tarie pendant deux mois, avant de vêler à nouveau. Vers cinq ans, Marguerite aura mis bas trois ou quatre veaux et sera « réformée », c’est-à-dire vendue à l’abattoir. Entre 800 et 1 000 euros..

Sources de cet article

- La filière laitière : www.maison-dulait. com

- L’Institut de l’élevage

- Le rapport « Perspectives de marché dans le secteur du lait et des produits laitiers »

- La législation européenne :

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