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30-06-2014
Mots clés
Santé
France

Dengue, chikungunya : comment éviter l’épidémie sans insecticides

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Dengue, chikungunya : comment éviter l'épidémie sans insecticides
(Légende : Aedes Albopictu - Crédit photo : Centers for Disease Control and Prevention's Public Health Image Library)
 
Pour lutter contre les moustiques responsables de la transmission à l'homme de nombreuses maladies, des alternatives aux insecticides émergent. Mais sont-elles « acceptables » ?
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Mis à jour le 10 juillet L’épidémie de chikungunya qui sévit aux Antilles-Guyane depuis décembre 2013 est considérée comme « un enjeu majeur de santé publique » par Marisol Touraine, dans un communiqué publié le 10 juillet. La ministre de la Santé fait le bilan des contaminations qui ont, depuis décembre, affecté 100 000 personnes – on en compte 5000 de plus chaque semaine – et « provoqué indirectement » 33 décès. Le début de la saison estivale, qui est aussi celle des pluies, fait redouter une augmentation du nombre des cas.

S’il faut lutter contre le recours aux insecticides, véritables désastres pour l’environnement, il faut aussi lutter contre certains insectes : les moustiques vecteurs de maladies, comme la malaria, la dengue ou le chikungunya. Oublions le moustique commun qui, bien qu’il pourrisse nos nuits en affolant nos oreilles, est inoffensif. Nous parlerons ici d’Aedes aegypti – que l’on trouve dans les DOM-TOM – et d’Aedes albopictus, qui colonise en tache d’huile le sud de la France depuis dix ans. Ces deux espèces véhiculent le chikungunya et la dengue, et commencent à faire frémir les autorités sanitaires françaises. Des chercheurs planchent sur de nouvelles méthodes alternatives pour tuer dans l’œuf ces bestioles. Passage en revue de techniques parfois polémiques.

Lâcher des mâles stérilisés pour éteindre les lignées

« Les outils du futur pour lutter contre les moustiques vecteurs de maladies poursuivent le même objectif, en employant des moyens différents : la stérilisation des mâles pour empêcher l’espèce de se reproduire », explique Jérémie Gilles, entomologiste spécialiste des moustiques à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Le but est de relâcher dans la nature, par salves, des centaines de milliers – voire des millions – de mâles rendus stériles. Ils doivent être cinq à dix fois plus nombreux que les mâles sauvages, afin de multiplier les chances qu’un mâle stérile soit le premier à s’accoupler avec une femelle. En effet, les femelles, les seules qui piquent et donc qui peuvent transmettre des maladies, ne sont fécondées qu’une seule fois dans leur vie, par le premier mâle avec qui elles ont des rapports. Si ce dernier est stérile, les œufs seront bien pondus – 30 à 60 tous les trois jours – mais ne pourront pas éclore. La population décroîtra donc rapidement, et le risque de propagation de maladies avec elle. Pour y parvenir, on dispose aujourd’hui de trois pistes : l’irradiation, la contamination et la modification génétique.
  • L’irradiation

La technique de l’insecte stérile qui a été mise au point il y a cinquante ans pour lutter contre les mouches détruisant des récoltes, est utilisée contre les moustiques depuis le début de ce siècle. Il s’agit de plonger les nymphes dans un « irradiateur, qui est une sorte de gros frigo dans lequel on les expose à des rayons gamma », explique Jérémie Gilles. « L’irradiation affecte les cellules reproductrices », explique Frédéric Jourdain, ingénieur au Centre national d’expertise sur les vecteurs (Cnev). Relâchés dans la nature, les mâles ne pourront pas féconder les œufs. « C’est la même méthode qui est utilisée pour stériliser, dans les hôpitaux, les poches de sang ou le matériel avant transplantation. C’est sans danger », précise le chercheur de l’AIEA, bien que ces rayons soient produits par processus nucléaire.

Une expérimentation a été menée en laboratoire à La Réunion ces dernières années, sur l’espèce Aedes albopictus, responsable de la dengue qui y sévit. Elle semble concluante, et pourrait être prolongée en 2017 par un lâcher de moustiques stériles dans la nature. Pourtant, selon Eric Marois, chercheur à l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg, « cette technique de l’irradiation a un gros défaut : elle produit des moustiques handicapés, qui volent moins bien que les sauvages et s’intéressent moins à l’accouplement. Pour avoir un effet sur la population, il faut en relâcher un excès énorme ».

  • La contamination

Autre solution possible : contaminer les moustiques de l’espèce Aedes aegypti avec une bactérie nommée Wolbachia, afin de modifier leurs caractéristiques. « Selon les souches de Wolbachia choisies, on peut rendre les moustiques réfractaires au virus de la dengue, on peut réduire leur longévité ou encore provoquer une incompatibilité cytoplasmique Wolbachia entre le sperme et l’ovule, qui est une forme de stérilisation, empêchant la reproduction », explique Frédéric Jourdain. Efficace en laboratoire, cette technique a été expérimentée en milieu naturel en Australie. Mais l’absence de dengue et de chikungunya dans ces contrées empêche de valider son intérêt. L’équipe de chercheurs australiens est en pourparlers avec des régions où ces maladies sont endémiques pour effectuer d’autres lâchers.

  • La modification génétique

Le principe développé par la firme d’Oxford Oxitec, la seule à ce jour qui s’est lancée dans le business des moustiques génétiquement modifiés, est assez simple : des mâles sont relâchés en masse dans la nature après avoir reçu un transgène qui conditionne le développement des œufs à la présence de tétracycline, antibiotique qui n’est pas présent à l’état naturel dans l’environnement. A défaut de pouvoir se développer dans un milieu chargé de ce bactéricide, les larves meurent avant d’atteindre le stade adulte et donc de pouvoir piquer. Après avoir été testés aux îles Caïmans et en Malaisie, des Aedes aegypti génétiquement modifiés, les « OX513A », sont lâchés au Brésil, où l’épidémie de dengue est virulente. La méthode est efficace : le taux de réduction des populations est de l’ordre de 80%.

Mais les craintes autour de cette technique sont nombreuses. Oxitec elle-même reconnaît que 3% des larves génétiquement modifiées pour ne pas survivre parviennent malgré tout à l’âge adulte. De plus, il arrive qu’on trouve de la tétracycline dans l’environnement, notamment dans les selles des volailles et dans les rivières – si elles se trouvent à proximité des élevages. Pour Frédéric Jourdain du Cnev, « le problème est qu’Oxitec a évalué lui-même son travail. Aucune expertise indépendante n’a été menée. Il faut valider les concepts sur le terrain, en toute transparence ».

Ceci dit, pour Eric Marois, qui s’intéresse lui aussi, au sein de la recherche publique française, à la mise au point de moustiques anophèles génétiquement modifiés pour ne plus transmettre le paludisme, on cherche un peu la petite bête : « Oxitec n’est pas Monsanto. C’est une petite entreprise composée de quelques scientifiques qui s’est certes bâtie sur un modèle capitaliste mais dont l’approche est infiniment plus écologique que l’épandage d’insecticides. Là, une seule espèce est ciblée. Et les grenouilles qui mangent les moustiques génétiquement modifiés ne risquent rien, à l’inverse de quand elles gobent des moustiques contaminés aux insecticides. Pour les populations aussi, en Afrique notamment, exposées aux effets néfastes sur la santé d’insecticides tels que le DDT, les lâchers d’insectes génétiquement modifiés pour s’autodétruire après usage seraient une avancée. »

Un problème d’acceptabilité

Reste que toutes ces techniques, et en particulier la dernière, poseraient, si elles étaient amenées à être développées en France, « un gros problème », estime Frédéric Jourdain. « Il ne faut surtout pas négliger l’acceptabilité des nouvelles méthodes par les populations. Si elles n’y adhèrent pas, il ne sert à rien de le faire. » En métropole, où 267 cas importés de dengue et de chikungunya ont été recensés entre le 1er mai et le 27 juin, les lâchers de moustiques stériles pourraient être « intéressants pour maîtriser l’expansion du moustique tigre » et éviter tout risque d’épidémie. Toutefois, l’ingénieur met en garde contre « l’hypersensibilité métropolitaine, aux OGM notamment, qui amènerait à juger sévèrement une technique avec une perception du risque déconnectée de ce que subissent les populations des DOM-TOM » : cette année, le chikungunya a déjà touché 46 000 personnes en Guadeloupe, 40 000 en Martinique, 470 en Guyane. 22 en sont mortes, et le pic de l’épidémie n’a pas encore été atteint…

Si vous voyez un moustique-tigre, vous pouvez le signaler sur ce site du Cnev : www.signalement-moustique.fr

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