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8-12-2005
Mots clés
Environnement
Développement
Monde

Climat : quand le ciel nous tombera sur la tête (suite)

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(...) L’agriculture est aussi un motif de préoccupation pour Amplema. A 5000 kilomètres de Londres, depuis sa hutte accrochée à la falaise de Bandiagara, le chef du village de Banani (Mali) balaie du regard cette terre ocre où plus rien ne pousse. La vallée autrefois verdoyante pendant la saison des pluies a laissé la place, voilà une vingtaine d’années, à une piste d’aviation. Depuis, l’eau vient toujours du ciel, mais elle n’arrive plus qu’à bord de conteneurs que les cargos des Nations unies affrètent une fois par mois. Tout juste de quoi survivre et élever quelques légumes chétifs.

visa de réfugié climatique

Du peuple dogon, il ne reste qu’un petit millier de représentants. Poussés par la sécheresse et son lot de famines et d’épidémies, la plupart des villageois a pris la route du nord : Mopti, Tombouctou, la Mauritanie. Les plus courageux se sont lancés en famille, à pied ou à dos de mulet, dans un périple de plusieurs années vers le Maroc et l’Europe. D’autres ont jeté leur dévolu sur le sud, plus accessible : Côte d’Ivoire, Ghana, Liberia. Quelle que soit leur destination, Amplema le sait, ces exilés ne trouvent au bout de leur route, s’ils y parviennent, qu’un des innombrables camps de réfugiés plantés aux frontières de l’Europe. Dans ces villes de toile en proie aux violences et à la maladie, ils errent en quête d’un improbable visa de réfugié climatique.
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Lac Tchad. Tchad, mai 2005. Des femmes se rendent à pied sur l’île de Blarigui, dans la partie tchadienne du lac, où se tient le marché aux poissons. Photo Cédric Faimali - Argos.

En cette fin d’année 2043, le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) recense près de 100 millions de réfugiés dans les camps disséminés sur la planète. Au nord du continent africain, ils recueillent les exilés d’Afrique subsaharienne fuyant la fournaise, et les riverains du Nil chassés par les inondations. En Asie, la famine qui frappe ce qu’il reste des terres du Bangladesh, empoisonnées par les incursions salines de l’Océan indien, a elle aussi jeté sur les routes des millions de réfugiés.

Plus au nord, ce sont les Chinois qui fuient le désert de Gobi, en quête d’une nouvelle vie en Russie. Un leurre en fait : la prolifération des parasites y ruine les cultures et entraîne la multiplication des épidémies. Si bien que les Russes eux aussi prennent la tangente vers l’Ouest. Mais quand on est russe, on n’entre plus en Europe. On s’arrête au croisement de la Biélorussie, de la Pologne et de la Lituanie. Et l’on s’entasse, là encore, à Hrodna, dans un camp de 500.000 âmes planté à une vingtaine de kilomètres du rideau de fer et de ses miradors.

Saison fraiche

Reynald connaît bien Hrodna. Il y a accompli son service civil obligatoire. Une année de naufrage au contact des damnés du climat, c’était en 2030. C’était aussi son dernier "grand voyage". Aujourd’hui il coule des jours ordinaires sur le bassin d’Arcachon, où lui et Anne tiennent une baraque à frites, ouverte de février à juin et de septembre à décembre, pour coller au calendrier des vacances scolaires, désormais calé sur la "saison fraîche". Les touristes - essentiellement des régionaux - débarquent à rythme régulier. La plupart loue pour quelques jours un véhicule à air comprimé construit localement à partir de matériaux recyclés. Leur fabrication nécessite beaucoup moins d’énergie que les antédiluviennes autos à essence ou à hydrogène, le prix est "un peu moins" taxé et leur utilisation se démocratise.
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Lac Tchad. Tchad, mai 2005. Photo Cédric Faimali - Argos.

Cela dit, les escapades demeurent rares pour les populations qui ont massivement quitté les campagnes. Dès les années 2010, la flambée des prix de l’essence et du fioul y rendit la vie hors de prix. Quant à la succession des tempêtes et des inondations, elle fit exploser le montant des primes d’assurance. En 2015, l’arrêt contraint et forcé d’une centrale nucléaire sur deux - faute d’eau pour les réfrigérer - fit bondir le prix de l’électricité, malgré l’éclosion d’une myriade de petites entreprises qui investirent le secteur des énergies alternatives. Bilan : transports, électricité et assurances grevèrent 40% du budget des ménages ruraux. Intenable. Contraints à l’exode, ces néo-urbains s’entassèrent dans des tours de 50 étages, construites pour leur efficacité : plus concentrée, la population se déplace moins et consomme moins d’énergie.

Impôt sur la naissance

Reynald et Anne s’y refusent. Les jours de vent, l’éolienne plantée sur leur lopin de terre fournit l’énergie pour quelques lessives, une réserve d’eau chaude temporaire. Et puis, pour le tourisme, Arcachon c’est toujours mieux que Marseille en été. La côte d’Azur n’est plus qu’un chapelet de villes fantômes, écrasées par un soleil de plomb. Plus la moindre forêt à l’horizon : elles sont parties en fumée. Le marché immobilier s’est effondré, tout comme dans les stations de montagne qui n’ont plus vu la neige - ni les touristes qui allaient avec - depuis longtemps.
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Peuplée par les Inupiak depuis des siècles, Shishmaref est entourée d’un territoire de chasse, de pêche et de cueillette particulièrement généreux. Le réchauffement climatique menace ce mode de vie unique lié au froid et à la nature. Photo : Hélène David - Argos.

Reynald a fait ses comptes : la saison n’a pas été mauvaise. Il a mis de l’argent de côté. Et il vient d’apprendre que le Parlement européen songe à supprimer l’impôt sur les naissances. Avec Anne, ils envisagent un premier enfant. Une façon, pour eux, de montrer leur confiance en l’avenir. Les années d’hyperinflation et de chômage sont loin derrière, le climat social s’est détendu. Et l’OMC, l’Organisation mondiale du climat, vient d’annoncer que, pour la première fois depuis deux siècles, la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère se stabilise.

Ciel bleu ?

Même sur le continent américain, la situation s’apaise. La Confédération nord-américaine vient de signer un pacte de non agression avec les Etats Libres de Floride et du Texas. Oubliées, les années de procès qui conduisirent les responsables de l’industrie pétrolière et de l’automobile dans le box des accusés, sous la pression des ONG et d’avocats mus par l’appât du gain. Oubliées, les faillites en cascade des constructeurs automobiles.

De retour au 25e étage de la Tour 34, Sara savoure une soupe froide devant un documentaire de la BBC consacré au premier protocole de Kyoto. On y apprend qu’en 2003, un rapport avisa l’administration américaine des risques de déstabilisation économique, sociale et politique liés au changement climatique. Randall et Marshall, les auteurs du texte, avaient conclu à la possibilité d’un climat sibérien en Grande-Bretagne et d’un risque de chaos nucléaire dans le monde.

Sara esquisse un sourire. Pour ceux qui ont les moyens de prendre le train, la Grande-Bretagne est devenue le nec plus ultra du tourisme tempéré. Quant aux conflits, ils sont cantonnés bien au-delà du rideau de fer européen. "Ces prévisionnistes, quelle bande d’oiseaux de malheur !"

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