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17-04-2013
Mots clés
Transports
France
Exclusif

Pourquoi l’alternative à Notre-Dame-des-Landes est ignorée depuis 50 ans

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Pourquoi l'alternative à Notre-Dame-des-Landes est ignorée depuis 50 ans
(Crédits photos : *_* - flickr / Photothèque STAC / Armée de l'Air)
 
Avant de valider le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la commission du dialogue a demandé, la semaine passée, que soit examinée sérieusement l'extension de l'aéroport actuel. Mais pourquoi diable n'avait-elle pas réellement été étudiée avant ?
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Elle file du nord-ouest vers le sud-est. Longue de 1 245 mètres et large de 40 mètres, elle traverse, perpendiculaire, la piste actuelle de l’aéroport de Nantes-Atlantique. Un tracé qui évite le survol du centre-ville et rend le projet de Notre-Dame-des-Landes caduc. Quelques-uns en rêvaient… Vinci ne l’a pas fait.

Ne vous y trompez pas, ce cliché ne date pas d’aujourd’hui, et n’est pas non plus une projection du futur. Daté de 1945, il montre une piste (plus courte et plus sombre sur la photo d’époque ci-dessus) aménagée par les Alliés après la guerre. Le document d’époque que nous reproduisons ci-dessous, réalisé par le ministère de l’Air, atteste de l’existence de cette piste et donne ses caractéristiques.

Chateau Bougon by Terra_eco

Pourtant, cette piste a été envoyée aux oubliettes dans les années 1960 (amputée de moitié, elle est aujourd’hui utilisée comme taxiway). Pourquoi ? « Lorsque la CCI (Chambre de commerce et d’industrie) a récupéré la gestion de l’aéroport, elle n’a pas pris cette piste en compte. Elle voulait construire une zone industrielle à proximité de la piste qui a été préservée », souligne un dirigeant de l’époque qui préfère rester anonyme. De toute façon, « cette piste était limitée par une carrière et était trop courte pour accueillir de gros avions. La seule possibilité d’allongement était sur la piste qui a été préservée », se défend Alain Mustière, président de l’Acipran (Association citoyenne pour la réalisation d’un aéroport sur le site de Notre-Dame-des-Landes).

Etonnant coup du sort, quelque quarante plus tard, le scénario d’une seconde piste à Nantes-Atlantique a une nouvelle fois été balayé par les autorités. « Toutes les études ont démontré que les coûts engendrés, la nuisance sonore, le nombre d’expropriations allaient amener beaucoup de contraintes par rapport à l’implantation d’un aéroport sur un site nouveau », justifie Alain Mustière. Mais de ces études, on ne trouve trace. Dans l’enquête préalable à la déclaration publique d’intérêt du nouvel aéroport, publiée en 2006, l’hypothèse d’une seconde piste apparaît bien. Mais elle est évincée en quelques paragraphes au motif que les populations alentour n’y sont pas préparées (Pièce F, page 90 et 91). Mais de réelle expertise, point.

Une étude approximative

Seul le Conseil général de Loire-Atlantique s’est penché sur la question et a sorti quelques premiers chiffres, en 2006. « C’est une étude bidon, dénonce Geneviève Lebouteux, conseillère générale (EELV). La proposition de Solidarités-Ecologie était de construire une piste d’orientation est-ouest à la place de la piste existante. Mais le Conseil général a mélangé cette proposition avec une autre : celle de créer de toutes pièces deux nouvelles pistes est-ouest avec des équipements au milieu. L’étude a donc sorti des chiffres selon lesquels la proposition était aussi coûteuse que la construction d’un nouvel aéroport, ce qui est complètement faux. » « Ils ont plaqué le projet de Notre-Dame-des-Landes sur le terrain de Nantes-Atlantique avec les deux pistes. Evidemment qu’ainsi, on détruisait l’environnement », abonde Henri Gracineau de l’association Solidarités-Ecologie, opposée au projet de Notre-Dame-des-Landes.

« Nous avons fait cette étude dans les limites inhérentes à nos capacités – nous ne sommes pas des spécialistes d’aéronautique – mais avec une vraie objectivité, se défend le service de presse du Conseil général. A notre connaissance, c’est la seule étude existante, l’Etat s’est appuyé dessus par la suite. Mais ce serait bien qu’il fasse le travail à son tour. » Que l’Etat s’y colle, c’est justement ce qu’a préconisé la commission du dialogue qui a rendu son rapport le 9 avril : « La commission recommande (…) que les services de l’Etat approfondissent l’évaluation de Nantes-Atlantique avec maintien de la piste actuelle ou avec création d’une piste transversale. » Mais pourquoi bigre l’Etat ne l’a-t-il pas fait ? (1)

Des terres déjà acquises

Parce qu’il avait déjà la tête perdue dans les bocages de Notre-Dame-des-Landes, assure un ancien dirigeant local de l’époque : « La CCI avait embauché un ingénieur des bases aériennes dont le métier est de construire des aérodromes. Avec un autre dirigeant de la CCI, ils se sont auto-intoxiqués l’un l’autre en faveur du projet de Notre-Dame-des-Landes. Au début, c’était une idée en l’air et ils l’ont pris à bras le corps. Ça a beaucoup plu aux politiques. Vous savez, les politiques ont souvent besoin d’une cathédrale. »

Pis, l’Etat avait déjà engagé des billes dans le projet, rappelle Geneviève Lebouteux, également membre du Cédpa (Collectif d’élus doutant de la pertinence d’un nouvel aéroport) : « La zone de Notre-Dame-des-Landes avait été choisie dans les années 1970. Pendant quatorze ans (de 1974 à 1988, ndlr), le Conseil général a eu le droit de préemption sur ces terres. A chaque fois qu’une terre se libérait, il était prioritaire pour l’acheter. Au terme de ces quatorze ans, il avait 850 hectares en sa possession, soit la moitié de la surface nécessaire au projet. Ça a créé une sorte d’hypnose collective. » « Quand on a, aux portes de Nantes, des terrains dont 90% appartiennent au Conseil général, que vous avez la capacité de créer un nouvel outil, ça paraît logique de suivre cette option », opine Jean-François Gendron, président de la CCI.

Et pendant ce temps ? Les travaux d’aménagement à Nantes-Atlantique « sont restés dans la limite du raisonnable. A partir du moment où il y avait un nouvel aéroport, il semblait aberrant de continuer à investir dans l’aéroport existant », poursuit-il. Sauf qu’avec le manque d’investissement s’est précisée la menace de saturation et que la réalisation de Notre-Dame-des-Landes est devenue plus pressante. Le serpent s’est-il bêtement mordu la queue ?

Extension de l’aérogare et nouveaux parkings

Depuis, les prévisions de trafic ont changé de visage et l’argument d’une saturation imminente avancé par les partisans d’un nouvel aéroport s’effrite peu à peu. Dans son rapport encore, la commission du dialogue estime que « l’hypothèse de 9 millions de passagers à l’horizon 2050 est (…) davantage un objectif destiné à calibrer un projet qu’une projection compte tenu des incertitudes sur les évolutions économiques et sociétales à cette échéance ». Accueillir le trafic nantais sur une seule piste et dans une aérogare agrandie redevient donc possible aux yeux des opposants à Notre-Dame-des-Landes. Et ce, sans installer une deuxième piste qui ne semble « plus nécessaire », admet aujourd’hui Henri Gracineau de Solidarités-Ecologie.

Mais pour ces simples aménagements, là encore les données manquent. Seul le document de préparation au débat public de la DGAC (Direction générale de l’Aviation civile) évoque la question de l’extension de l’aérogare et conclut vite à son impossibilité (un paragraphe repris presque in extenso dans l’enquête préalable à la Déclaration d’utilité publique) : « La réalisation de l’extension maximale aurait permis de porter la capacité de l’aérogare à environ 4 millions de passagers par an. Son coût avait été chiffré en 1992 à 400 millions de francs (84 millions d’euros actuels, ndlr). Ce coût élevé, pour augmenter la capacité de seulement 1,5 million de passagers/an sachant qu’après la saturation serait atteinte, a conduit l’Etat et la CCI à ne pas retenir cette solution », précise le document.

« L’agrandissement de l’aérogare ne pose aucun problème technique », assure pour sa part Ronan Dantec, sénateur EELV de Loire-Atlantique, « et investir quelques centaines de milliers d’euros même rentabilisés sur dix ans, se justifie complètement. » Et pour les parkings ? « il suffit de prévoir des parkings silos (parkings comportant plusieurs étages, ndlr) ou encore plus simple de rallonger le tram qui s’arrête aujourd’hui à 1 km de là », poursuit-il.

Trop tard pour les pro-aéroport qui estiment qu’ils ont déjà bien trop attendu. « Ce n’est pas cinq agriculteurs qui restent et qui sont en litige qui vont bloquer le projet, s’agace Alain Mustière. Où est l’intérêt public ? » « Si pour 3 malheureux opposants agriculteurs rejoints ensuite par tous ces altermondialistes dont la plupart ne sont même pas Français, on arrête tout… Ça fait longtemps que les travaux auraient dû commencer », poursuit Jean-François Gendron, le président de la CCI. Les deux hommes devront néanmoins attendre que les études réclamées par la Commission du dialogue soient enfin menées. Et le temps qui file, les anti-aéroport en sont persuadés, ne joue pas en la faveur de la construction de Notre-Dame-des-Landes.

(1) Précisons qu’une étude comparant la construction d’un nouvel aéroport à l’aménagement de Nantes-Atlantique a bien été réalisée en 2011 par un cabinet hollandais. Mais elle a été mandatée par le Cédpa (Collectif des élus doutant de la pertinence de l’aéroport). Sa conclusion ? « L’optimisation de Nantes-Atlantique apparaît plus génératrice de richesses pour la France que la construction d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes. »

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