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Vendeurs de délocalisations (suite)

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Les affaires prospèrent

...A 26 ans, diplôme de vente en poche, Nicolas Goldstein a jeté son dévolu sur l’Océan indien. Il travaille pour le compte de l’entreprise Infinity, installée dans la Cybercité, à quelques minutes de Port-Louis, la capitale de l’Ile Maurice. A terme, les lieux abriteront 200 télé-conseillers mauriciens. Nicolas Goldstein démarche les entreprises françaises pour leur proposer d’y délocaliser leur plate-forme de relation clients (centre d’appels). "Je pense que nous sommes à l’aube d’une ère nouvelle, avec une forte croissance de la délocalisation de nombreux services", prévoit-il.

Sur ce créneau, l’objectif d’Infinity est de reprendre la recette de l’Inde - devenue le "back-office" des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne - en faisant de Maurice l’arrière-boutique de l’Europe francophone. Les affaires prospèrent. Jusqu’alors, Nicolas Goldstein signait des contrats avec de Petites et moyennes entreprises françaises. "Désormais on démarche de grandes groupes, comme les chaînes satellites ou les éditeurs d’annuaires".

Commission sur résultats

La mission décrochée, pour Infinity comme pour les autres, il reste à mener la délocalisation à son terme. Les équipes troquent alors leur casquette de vendeurs pour celle d’"accompagnateurs". "L’objectif est de permettre une réduction des coûts de l’ordre de 40%", dit un consultant. De la réalisation de cet objectif, dépendent les honoraires perçus. Le cabinet Masaï avait décroché une mission avec Johnson Controls, un fabricant de pièces automobiles installé en France. Johnson voulait réduire le prix d’achat d’éléments de fonderie, jusqu’alors fabriquées en France et en Espagne.

"Nous avons trouvé un fournisseur coréen compétitif sur les prix, mais aussi sur la qualité et les délais". Résultat pour Johnson Control, "plusieurs millions d’euros d’économies". Une somme sur laquelle Masaï a touché une commission. Probablement de l’ordre de 8 à 10%. "On gagne davantage sur les missions complètes, puisqu’il faut accompagner le projet", précise François-Xavier Terny, du cabinet Masaï.

Au café du commerce international

Tubbydev, Masaï, Infinity : tous marchent sur des œufs. Ils n’ignorent rien de l’hostilité d’une partie de l’opinion publique aux délocalisations, que partagent certains dirigeants des entreprises qu’ils démarchent. "Auparavant, les entreprises étaient très réticentes et ne voulaient pas prendre le risque. En France, le travail est très protégé : il aurait fallu consulter le comité d’entreprise, il y avait l’opposition des syndicats... Il a donc fallu faire un travail d’initiation pour les convaincre", observe Jean-François Cailloux, expert industriel en délocalisations. "Des patrons nous font la morale, nous reprochent de détruire le tissu industriel, souligne François-Xavier Terny. Quand on passe dans les entreprises, on est parfois chahutés par l’encadrement. On nous dit que nous sommes la lie de l’humanité. Pour moi c’est de l’émotion, ça relève du café du commerce".

"Capitalisme violent"

Mais alors que dire de la responsabilité sociale des entreprises ? "Nos consultants ont parfois des états d’âme. Ils ont conscience de faire de la casse sociale, ça ne servirait d’ailleurs à rien de l’ignorer", concède François-Xavier Terny. Lui qui voyage régulièrement en Chine, évoque sans détour le contexte dans lequel l’Empire du Milieu absorbe les délocalisations. "Ce pays est une dictature qui met en œuvre un capitalisme violent, avec des problèmes éthiques, environnementaux et sociaux, dit-il. J’ai vu des femmes ouvrières vivre entassées à six dans une petite pièce, en gagnant 180 dollars par mois. Sincèrement, je n’aimerais pas que ma fille vive dans ces conditions".

"Nous assistons à une révolution économique qui permet aux entreprises d’optimiser leur économie. Mais c’est vrai que cette optimisation économique n’est pas forcément porteuse d’optimisation sociale", concède Yves Morieux. "Je dis oui à la conscience, non aux mouvements brutaux. Quand Bébéar dit qu’un employé chinois c’est comme un employé français, je considère que c’est de la provocation. Mais je dis non à l’aveuglement : vous ne pouvez pas contenir 3 milliards de personnes en Chine et en Inde à l’abri des mouvements économiques. Ces gens-là veulent entrer dans la danse", insiste François-Xavier Terny.

La question de l’éthique balayée

Pierre Méchentel a vécu plusieurs années en Russie, où il a rencontré son épouse. Balayant la question de l’éthique, il dit placer le débat sur le terrain du développement. "C’est clair, l’informaticien français est en concurrence avec l’informaticien russe. Mais que dire des sociétés américaines qui débarquent en Russie avec des valises entières de consultants américains ? Que pense l’informaticien russe lorsqu’il voit les équipes françaises de Thalès signer un contrat de 100 millions de dollars pour l’informatisation d’un gazoduc dans son propre pays ? Quand une entreprise française décroche le contrat pour l’informatique des Jeux Olympiques d’Athènes, demande-t-on leur avis aux Grecs ?"

"Délocaliser ou rester entre nous ?"

Prakash Chellam, qui dirige la filiale française d’Infosys, le mastodonte de l’informatique indienne, ne pense pas autre chose. Fondée en 1981 avec 7 personnes, l’entreprise a bâti son succès sur les délocalisations de services, venues des Etats-Unis et de Grande-Bretagne. Elle compte aujourd’hui 26000 salariés, dont près de 20000 en Inde. "Pour nous, la mondialisation est une chance, insiste ce francophile aux traits juvéniles. En Inde, il existe une grande aspiration à l’éducation. Pourtant au début des années 90, quand on sortait de l’école d’ingénieurs après avoir étudié pendant quatre ans, seulement 1 élève sur 10 trouvait du travail à 50 ou 100 euros par mois. Aujourd’hui, les entreprises installées en Inde passent presque avec des camions pour ramasser les diplômés et les paient 400 euros par mois. Certains sont comme moi d’origine rurale, ils peuvent ainsi aider leur famille et ils auront la chance de voyager à Paris ou à Rome". "A mon avis, tranche Pierre Méchentel, la question n’est pas de savoir s’il on est pour ou contre les délocalisations. Puisque le monde est ouvert, adaptons-nous. Ou alors restons chez nous, entre nous. Et votons en conséquence".

(1) Etude McKinsey, 3 juillet 2003.
(2) Séminaire Benchmark, 18 mars 2004.

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La semaine prochaine, lisez le deuxième volet de notre enquête : Que peuvent les politiques face aux délocalisations ?

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