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Vendeurs de délocalisations

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La délocalisation n'est pas seulement un phénomène économique. Elle est aussi un produit, que vendent une poignée d'hommes et de femmes, consultants en organisation, en réduction des coûts ou en développements informatiques. Pour eux, les affaires se portent bien : les chefs d'entreprises leur prêtent chaque jour une oreille de plus en plus attentive. Après le textile et la sidérurgie, les délocalisations touchent désormais les services, dans l'informatique notamment. Qui sont ces vendeurs de délocalisations ? Comment travaillent-ils ? Qui sont leurs clients ? Terra economica a enquêté.
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"Il faudrait vraiment se rendre compte que le monde est un village. Ca peut paraître tarte à la crème, mais c’est une réalité. Qu’une société développe un projet en Roumanie, à Bombay ou Marseille, c’est pareil. La seule chose qui compte pour nos clients, c’est : combien ça va me coûter". Pierre Méchentel n’a ni l’allure classique, ni les précautions oratoires d’un consultant. Et si Tubbydev, la société dont ce Saint-Cyrien est associé, a élu domicile à un jet de pierre des Champs Elysées, ce n’est pas par coquetterie mais pour le niveau étonnamment bas du loyer. Dans les locaux surchauffés découpés en boxes, sept personnes vaquent dans une ambiance décontractée. Jeans et polos, pas la moindre cravate à l’horizon. Accrochées aux murs, des affichettes de la propagande soviétique signent l’origine de la société : la Russie.

Far Est

Tubbydev est une société de services informatiques (SSII) bicéphale, installée en France en 2000. L’hémisphère Ouest du cerveau - sept chefs de projets et commerciaux - a pour mission de frapper aux portes des entreprises hexagonales, pour leur vendre des prestations informatiques. Une fois le contrat signé, Tubbydev France en assure le suivi, mais en confie l’exécution à l’hémisphère Est... 57 développeurs installés à Kiev et Moscou, bien au-delà des nouvelles frontières de l’Europe des 25. Ces salariés hautement qualifiés - certains sortent de la Cité des Etoiles - font partie de ce que l’on nomme les emplois "offshore". En français, "emplois délocalisés". Ils touchent un salaire confortable pour leur pays - de 600 à 1000 dollars par mois à Kiev, de 1000 à 2500 dollars à Moscou -, bénéficient d’une mutuelle de santé et prennent des vacances, insiste Pierre Méchentel.

Le Russe est deux fois moins cher que le Français

L’écart de salaire entre la France et la Russie permet à Tubbydev de casser les prix. D’un monceau de papiers, Pierre Méchentel extrait une proposition commerciale faite à une société française, à l’automne 2003 qui voulait créer son site Internet. "47 jours de travail à 160 euros hors taxes. A qualité égale, c’est deux fois moins cher qu’avec des salariés français", tranche-t-il. L’argument de vente est imparable. Si bien qu’un nombre croissant de sociétés, petites ou grandes, confient tout ou partie de leurs développements informatiques à Tubbydev. Cet après-midi-là la société reçoit coup sur coup l’appel de responsables de deux grandes entreprises. Ils veulent le rencontrer en vue de futurs contrats. Pour Tubbydev, c’est le résultat de plusieurs semaines de travail commercial. Dans le monde des affaires, souligne Pierre Méchentel, les délocalisations sont une réalité.

Les délocalisations coincées dans la bulle ?

"Je reçois trois appels par jour de patrons qui me disent : on a décidé de délocaliser une partie de nos achats en Chine. Il faut qu’on se voie", raconte François-Xavier Terny, le cofondateur du cabinet Masaï, spécialisé dans la réduction des coûts et les délocalisations. Attablé dans une salle de réunion du siège parisien, en surplomb des Champs Elysées, ce grand gaillard trace sur le papier une courbe du développement des délocalisations. Partie de presque rien au milieu des années 90, elle aurait aujourd’hui atteint son apogée. "Pour les entreprises, aller en Chine, c’est presque une mode, ironise-t-il. Ca me fait penser à la bulle Internet : tout le monde veut y aller. C’est excessif, mais comme pour Internet, la bulle ne remet pas en cause cette révolution". "Pour les entreprises, c’est bien une révolution, assure Yves Morieux, le vice-président du Boston Consulting Group à Paris (BCG). Grâce aux nouvelles technologies de l’information, elles ont accès à de nouvelles ressources à moindre coût. Leur marché, c’est la Terre entière. Y compris, et c’est ça la nouveauté, pour leurs fournisseurs".

"Matière première"

Dans ce village mondial, à qualifications égales, les salariés américains et européens se retrouvent donc en concurrence directe avec des salariés chinois, marocains ou indiens. Cette situation inédite, source de tensions sociales, intéresse bien sûr les entreprises chasseuses de coûts. "La main d’œuvre à bas coût n’est pas inépuisable. Elle est à l’image des matières premières. Ce sont les plus rapides qui la contrôleront et qui gagneront des parts de marché sur les autres", lâche sans détour un spécialiste. Par ricochet cette situation intéresse aussi les cabinets de conseil en organisation qui voient leurs affaires prospérer. Sur le marché des délocalisations, les équipes commerciales de cabinets anglo-saxons sont à la pointe : Mc Kinsey, AT Kearney, BCG. Suivies par d’autres : CapGemini, Accenture. Enfin, comme à l’époque des start-up, la "bulle" attire quelques officines auto-proclamées spécialistes des délocalisations.

Appâter le chaland

Pour vendre une délocalisation, il faut d’abord connaître et fréquenter les usines des pays à faible coûts de main d’œuvre. En langage consultant on dit les "low cost". Côté pile, les cabinets de conseil ont donc des bureaux en Chine, en Inde, en Russie ou à Taïwan. Ou à défaut, des correspondants locaux chargés de dénicher la pépite : une entreprise de textile, de services informatiques ou de composants électroniques. Côté face, dans les pays développés, leurs ficelles sont celles du commerce. Par exemple, écrire et diffuser largement une étude sur le thème "Quand, Où, Comment délocaliser ?" (1). Ou organiser un séminaire sur les "Tendances et gains attendus de l’offshore" (2). Les clients potentiels ainsi attirés, il reste aux équipes commerciales à les démarcher et à dérouler les arguments de vente.

Le catalogue des pays "low cost"

Leur principal argument : les pays "low cost" forment un seul marché du travail, découpé en quartiers spécialisés. Rien d’autre que des produits référencés dans le catalogue des délocalisations. Parfois jusqu’à la caricature. "Pour une entreprise française, raconte un consultant, les Roumains sont plus intéressants pour les travaux écrits que pour la voix, car ils ont un accent assez prononcé. En revanche ils sont très bons pour le développement informatique. L’Inde est très forte dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication. 10% des actifs travaillent dans ce secteur. Et 80% de ces derniers travaillent déjà avec une clientèle internationale (Etats-Unis, Japon, Grande-Bretagne). Les gens de l’Est et les Russes ont une grosse tradition mathématique. Mais il y a l’obstacle de la langue et les équipes sont plus difficiles à piloter...".

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  • André Vershooren : > Vendeurs de délocalisations

    Vive les délocalisations !

    J’ai beaucoup apprécié la qualité de votre dossier sur les délocalisations. C’est un sujet qui enflamme bien trop souvent les esprits et qui est manipulé avec candeur par nos démagogues de politiciens (voir votre second volet sur le thème). On y voit la perte de nos emplois, le sacrifice de notre industrie, les dents longues de ces salauds de capitalistes qui ne cherchent qu’à faire du profit en exploitant le tiers-monde, soit une nouvelle forme de colonisation.

    Tout cela est faut et démagogue. Et les exemples illustrant mon propos sont multiples et tranchants. L’exemple de Taiwan, île-pays que je connais bien pour y avoir vécu 5 ans est sans doute le plus frappant. Voilà un pays qui en moins de 20 ans est passé du statut de PVD à celui de grande puissance commerciale (c’est aujourd’hui la 15ème économie du monde) principalement grâce aux investissements du Japon qui a massivement délocalisé une grande partie de sa production vers Taiwan, mais aussi vers l’Indonésie ou le Vietnam. Produits informatiques, Instruments de musique, Produits pharmaceutiques, Construction navale ou automobile, c’est l’ensemble de l’industrie japonaise qui s’est délocalisée vers l’île de Formose. Résultat, premier producteur au monde de chaussures en 1985, Taiwan est en l’an 2000 le premier producteur au monde de serveurs, d’ordinateurs portables, de cartes mémoires, un acteur majeur dans l’industrie pharmaceutique mondiale, un pionnier dans les énergies renouvelables, dans les biotechnologies et même aujourd’hui dans la nanotechnologie qui n’est encore qu’à l’état de mythe chez nous. Le PIB par habitant a été multiplié par 20, le pays bénéficie aujourd’hui de l’une des meilleurs protections sociales du monde, avec un taux d’illettrisme inférieur à celui de la majorité des pays occidentaux. Vive les délocalisations !, vous diront les Taiwanais.

    L’exemple ne s’arrête pas là car Taiwan est également l’un des principaux investisseurs en Asie : 1er investisseur en Chine (plus de 100 milliards de US$ depuis le début des années 1990), 2ème investisseurs au Vietnam, 4ème investisseur en Malaisie et en Indonésie, 6ème investisseur en Thaïlande … C’est également un pays qui pour des raisons évidemment diplomatiques (bataille politique avec la Chine) qui a déjà massivement investi dans les infrastructures et dans la coopération agricole dans de nombreux pays africains (le Sénégal notamment), d’Amérique du Sud (Honduras, Guatemala …) et des Caraïbes (Haïti ou la route principale qui mène à l’aéroport de Port au Prince, la seule éclairée de l’île, porte même le nom d’un ancien président de Taiwan).

    Que peut-on espérer de mieux aux chinois, aux vietnamiens, aux indonésiens, aux philippins et au reste du tiers-monde que de profiter aujourd’hui de ces délocalisations massives de Taiwan autant que les Taiwanais en leur temps ont bénéficiés des délocalisations japonaises ?

    Il est un effet collatéral de cette désindustrialisation massive de Formose que j’ai pu d’ailleurs apprécier à vue d’œil et qui mérite d’être noté : les usines polluantes qui ferment sur l’île permettent une amélioration plus que significative de l’environnement et sont remplacées par des usines flambant neuf et moins dévastatrices pour l’écologie dans des pays qui ne demandent que des investissements en provenance de l’étranger pour pouvoir enfin avoir le droit au développement. Alors, que demande le peuple ?

    On est bien hypocrite d’ailleurs de critiquer chez nous la délocalisation, que l’on nomme parfois « investissement à l’étranger » ou « outsourcing » quand on veut donner un aspect positif au même phénomène. Quand notre gouvernement, par l’intermédiaire d’UBIFRANCE, anciennement DATAR, se prostitue aux grands industriels étrangers pour que ce soit chez nous et pas chez nos voisins que tel constructeur japonais ou coréen implante son unité de production européenne, ne participons pas nous-même au phénomène global de délocalisation ? Là ce ne sont pas les main-d’œuvres peut coûteuses que recherchent ces investisseurs mais le moyen de contourner les taxes d’importation et les quotas européens qui sont autant de freins au développement des pays du tiers-monde.

    La « relocalisation » (excusez ce barbarisme) de l’appareil industriel occidental est un phénomène qui me paraît tout à fait normal et presque moral. C’est lui qui a permis à des pays entiers de se moderniser (Taiwan, Corée, Chili, Pays de l’est qui nous rejoignent aujourd’hui dans l’Europe des riches …) qui permet à d’autre de suivre le même chemin (Chine, Vietnam, Indonésie) et qui permettra demain à d’autres d’en profiter et notamment l’Afrique.

    On parle chez nous d’exploitation des pauvres, quand eux ont vu leurs salaires multipliés par 10 en seulement quelques années, leurs conditions de vie faire un bond en avant que personne ne voulait prévoir, d’ouvrir les frontières de ces pays souvent fermées par des dictatures impitoyables et favoriser les échanges mondiaux ainsi que la communication entre les peuples.

    Oui je n’ai pas de honte à dire tout le bien de ce que je pense des délocalisations car cette forme de capitalisme fait beaucoup mieux que n’importe quelle politique de coopération (combien de milliards on été investis dans ces financements publics inutiles qui se retrouvent bien souvent dans les poches des dictateurs ?).

    Alors nos ouvriers français, qu’en faisons nous me demanderez vous ? Faut-il les sacrifier sur l’autel de la mondialisation ? Evidemment non ! Il faut recycler notre économie ! C’est là le travail de nos dirigeants ! La personne qui fabriquait des chaussures de contrefaçon à Taiwan en 1985 est aujourd’hui caissière chez Carrefour (premier employeur étranger à Taiwan). Il faut mettre en place des politiques de formation agressive afin de qualifier nos ouvriers non-qualifiés, il faut faire en sorte que notre système éducatif ne laisse pas sur le carreau des milliers de jeunes chaque année, il faut également faire venir les entreprises de l’étranger investir chez nous ( et le travail d’UBIFRANCE, que je « critiquais » précédemment, est remarquable sur ce point car c’est un vrai défi que de convaincre un japonais de venir installer ses usines chez nous quand on voit le coût en terme d’imposition et de charges qui pèsent sur le travail en France). Et puis il faut avoir des idées (la France n’en manque pas paraît-il) pour créer de nouveaux axes de développement (technologies environnementales, tourisme et autres …) pour créer les conditions du plein emploi chez nous.

    Il est certes plus facile pour nos dirigeants peu volontaristes de trouver un bouc-émissaire à leurs insuffisances et à leur manque d’originalité en matière de développement économique mais le vrai problème aujourd’hui ce ne sont pas ces délocalisations massives qu’ont n’arrêtera pas en brassant de l’air, mais bien la transformation de notre économie et de notre société afin que nous aussi nous puissions profiter de la mondialisation en créant une société plus qualifiée, plus propre, plus respectueuse de l’homme. Si on ne s’y atèle pas dès aujourd’hui, parions que la Chine y arrivera avant nous (et plus vite qu’on le croit !).

    4.06 à 16h08 - Répondre - Alerter
  • j’ai grandi en voyant sur l’écran de ma télévision le monde pauvre et lointain qui
    faisait des guerres dictées par les grands, qui mourrait de faim, abandonnait son
    pays ... nous nous sentions coupables de notre indifférence. aujourd’hui nous avons
    peur parce que des emplois non qualifiés emmigrent vers des terres lointaines, nous
    avons peur de femmes et d’hommes qui pourrait vivre et s’éduquer si les circonstances
    économiques s’y pretaient. bien sur les chinois vivront encore quelques années dans
    les dortoirs des usines, mais nous sommes passés par des moments semblables. La chine
    par exemple n’est pas un pays ou la dictature est le bras du capitalisme sans espoir
    pour le peuple mais un pays qui se developpe pour le bien de son peuple et de manière
    maitrisée contrairement à l’ex-URSS.

    14.05 à 14h13 - Répondre - Alerter
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