publicité
haut
Accueil du site > Actu > Enquêtes > Peut-on vivre avec moins ?
Article Abonné
26-10-2006
Mots clés
Consommation
France

Peut-on vivre avec moins ?

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
 
Pollution, surproduction, surconsommation : la planète et ses ressources menacent de s'épuiser. Pour renverser la vapeur, certains prônent la décroissance. Ce concept a-t-il un sens ? Est-il viable ? Enquête.
SUR LE MÊME SUJET

Jujube et François appartiennent à la famille hétéroclite des "objecteurs de croissance". Jujube est un âne gris et François Schneider, 39 ans, un ancien chercheur spécialiste de l’analyse du cycle des matériaux dans les processus industriels. Ce couple pas banal colporte la bonne parole des militants de la "décroissance" depuis 2004 sur les routes de France. Une espèce née au début des années 1970, quand le club de Rome publiait son fameux rapport sur "les limites de la croissance" [1].

Décroissance  : le terme fait peur. "C’est un mot obus", lâche Jean-Marie Harribey, professeur agrégé de sciences économiques et sociales et maître de conférence à Paris-IV. Pourtant, l’écologie politique n’a jamais disposé d’autant d’arguments pour asseoir sa légitimité. Une image résume la situation  : si tout le monde consommait comme un Européen, il faudrait à l’espèce humaine l’équivalent de trois planètes Terre pour survivre. Par ailleurs, le climat change, les déchets en tous genres s’accumulent... La Terre ne tourne plus très rond.

Il faut donc agir. Oui, mais comment ? Aujourd’hui, deux clans s’affrontent  : les partisans du "développement durable", qui proposent de concilier croissance, écologie et justice sociale, et les défenseurs de la "décroissance", qui formulent une critique radicale de l’augmentation constante de la production de biens et services, autrement dit la croissance du PIB, sur laquelle est fondé l’ordre économique actuel. Dans les faits, les décroissants rencontrent un écho favorable dans les milieux altermondialistes. En remettant en cause la société de consommation, ils prônent une "simplicité volontaire", une "frugalité joyeuse", par opposition à l’"avidité", génératrice de frustrations et d’inégalités, propre selon eux au vilain système capitaliste.

Pas de gourou, pas de leader

Qui sont-ils exactement, ces "objecteurs de croissance", comme ils se nomment eux-mêmes  ? Des individus avant tout, comme François Schneider, sans gourou ni leader, mais regroupés en une myriade d’associations et de revues militantes  : Casseurs de pub, Rocade, La ligne d’Horizon, La décroissance, Silence, Nature et progrès, L’Ecologiste, etc. A la base, la "simplicité volontaire" semble avoir été popularisée aux Etats-Unis par Duane Elgin dans son livre Volontary Simplicity, publié en 1981. Elgin attribuait toutefois la paternité du concept à Richard Gregg, un adepte de Gandhi qui avait écrit en 1936 un article portant le même titre. Platon, Epicure et Saint-François d’Assise ont aussi gagné leur place dans le panthéon de la décroissance, recyclés sous la plume d’une petite ruche d’auteurs. Mais leurs descendants piochent davantage dans un trio des "années pattes d’eph’" : Nicholas Georgescu-Roegen, Ivan Illich et Jacques Ellul.

Le premier, économiste roumain, démontre qu’en entamant notre capital naturel - les énergies fossiles notamment -, nous hypothéquons les chances de survie de nos descendants. Même si nous stabilisions notre économie, notre capital continuerait à se vider. Ici se situerait l’impasse de la « croissance stable » prônée par certains écologistes. Georgescu n’utilise toutefois que rarement le terme de décroissance. Ivan Illich, prêtre catholique, est lui à l’origine de la notion de "convivialité"  : il attaque les faux besoins que crée la société de consommation. S’il ne rejette pas l’usage convivial de la télévision, Ellul lui le fait. Ce sociologue et pamphlétaire estime que la technique déshumanise. Bref, pour les anciens comme pour François Schneider et ses camarades, impossible de s’en sortir sans consommer moins.

Dictature verte

Cette vision tranche avec celle des adeptes du développement durable, qui misent sur le progrès technique et la dématérialisation de l’économie pour concilier croissance et écologie. Le développement durable implique des changements d’infrastructures (urbanisme, habitat, moyens de production industriels...), mais aussi des politiques publiques très actives et une refonte des systèmes fiscaux. Soit autant d’investissements générateurs de croissance qui réclament... de la croissance pour être mis en œuvre. Cohérent. Mais insuffisant, selon Jean-Marie Harribey : "Le développement durable n’est qu’un moyen de continuer de faire des bonnes affaires sans remettre en cause les logiques d’accumulation."

Comme lui, les objecteurs de croissance raillent le galvaudage de l’expression « développement durable », concept relégué au rang d’alibi marketing. Mieux, ils remettent en question son bien-fondé. Leur argument massue  : "l’empreinte écologique". Cet indicateur permet d’évaluer la surface au sol qu’utilise une population pour maintenir son niveau de vie (champs, routes, habitats, usines, zones polluées...). D’après le rapport 2005 du World Wild Foundation (WWF), si toute l’humanité adoptait le mode de vie américain, cinq planètes Terre seraient nécessaires. Et, même en imaginant le développement de "technologies propres", les calculettes des décroissants disjonctent  : une seule planète ne suffirait pas à maintenir le niveau de vie des pays les plus riches. (Lire la suite)


REPERES

- 20 % de la population mondiale consomme 80 % des ressources naturelles de la planète.

- En 1974, le revenu moyen des 10 patrons américains les mieux payés était 47 fois plus élevé que le salaire moyen d’un ouvrier de l’industrie automobile. En 1999, il équivalait à 2381 fois ce même salaire moyen.

- 27 000 espèces disparaissent chaque année.

- 75 % des zones de pêche sont exploitées à 100 % ou surexploitées.

- 2 dollars   : C’est la subvention journalière accordée aux vaches européennes. C’est aussi deux fois plus que le revenu quotidien d’un milliard de personnes dans le monde.

- Il faut 400 litres d’eau pour produire 1 kg de maïs-grain.

- 30 planètes  ! C’est ce que l’espèce humaine consommera (en ressources naturelles) d’après les projections démographiques de l’ONU pour 2050 si l’économie mondiale affiche un rythme de 2 % par an.

- 800 millions de personnes souffrent de malnutrition sur la planète.

- Depuis 1980, le chômage a augmenté de 50 % en France alors que le PIB a crû sur la même période de 156 %.

ARTICLE LIE :

- Décroissance aux deux extrêmes

[1] Halte à la croissance ? Rapports sur les limites de la croissance ed. Fayard, 1972.

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter
TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
Soyez le premier à réagir à cet article !
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
publicité
bas