publicité
haut
Accueil du site > Actu > Société > Le Père Fourras est un intermittent
19-08-2003
Mots clés
Social
France

Le Père Fourras est un intermittent

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
 
Le tournage de l'émission télévisée fort Boyard a été secoué par le mouvement des intermittents. Moins spectaculaires, les conséquences n'en sont pas moins importantes : l'Inspection du travail est saisie, les tribunaux le seront peut-être. Chronique d'un été dans l'antre du Père Fourras.
SUR LE MÊME SUJET

Cette année, comme les autres, aurait pu être une année classique sur le fort. Trois mois de tournage et, pour les intermittents 507 heures quasiment assurées d’un coup. Des retrouvailles, comme chaque année depuis plus de dix ans, entre les « amis de plateaux », beaucoup de boulot, et des fêtes mémorables à l’heure où, entre chien et loup, Père Fourras ouvre son antre pour un petit coucher de soleil de carte postale. Mais l’accord du 26 juin a dressé la France des intermittents en même temps qu’il plaquait la France des festivals. A l’image des autres « scènes » culturelles de l’hexagone, le fort a donc participé, à sa manière, au débat.

La mèche a été allumée dès le 2 juillet via un article du Parisien-Aujourd’hui, dans lequel Denis Mermet, PDG de la société Adventure Line Productions, filiale d’Expand, assure que les 70 à 80 intermittents engagés sur le fort « sont très bien payés par rapport à la technicité de leur métier. Ils gagnent entre 1 067 euros et 2 286 euros par semaine ». La réponse d’un groupe d’intermittents tombe dès le lendemain, dans un droit de réponse. Payés au forfait entre 8 et 12 heures par jour, leurs heures supplémentaires ne sont pas comptabilisées. Leurs conditions de travail sont lourdes : sur le pont week-ends et jours fériés ; semaine de six jours ; les plateaux de jours sont parfois suivis de plateaux de nuit ; « A la demande de la production certains employés doivent assurer une polyvalence qui va bien au-delà de leur technicité et ce pour un salaire ne correspondant pas aux prestations demandées », explique Fred Mousson, du Collectif des professionnels du spectacle de l’audiovisuel et du cinéma en Poitou Charente. Enfin, les salaires évoqués dans Le Parisien sont seulement ceux des « responsables de poste » et ne correspondent qu’à des « tarifs syndicaux ».

Assemblée générale entre ciel et mer

Après ces premières poses de banderilles et entre tournages suédois et sud-coréens, le débat se développe à un rythme soutenu. Plusieurs professionnels du fort transmettent leurs bulletins de salaires à l’inspection du travail. Contact est pris avec les professionnels du spectacle de l’audiovisuel et du cinéma en Poitou Charente. Une première action est planifiée le 10 juillet. Dès 7h30, un groupe d’intermittents en majorité CGT se présente devant l’embarcadère de Fourras où se donnent rendez-vous chaque matin le personnel du tournage. Une heure et demie de discussion et un vote à bulletin secret plus tard, 54 personnes se prononcent pour la grève, 7 contre. La décision a été prise sans heurt et sans pression comme le confirme Nicolas Decroix, directeur financier de la société Visual TV, chargée de la prestation technique sur le fort. La suite de la journée se déroule sur la plage de Fourras entre construction de banderoles, assemblée générale et distribution de tracts. Le lendemain, tout le monde repart sur le fort, où la direction exige de rattraper rapidement le temps perdu.

Dans le même temps, Francis Raynodon, conseiller prud’homal, passe au crible les bulletins de salaire et contrats de travail qui lui ont été transmis. Selon Fred Mousson, pour dix jours de travail, il manque du simple au double sur la feuille de paye des employés d’Adventure Line Production. En raison des congés, cette information n’a pu être complétée du côté de la société. Par ailleurs, le Collectif affirme qu’il n’existe aucun contrat de travail pour les employés de Visual TV. Ce que récuse Nicolas Decroix. « Dès que nous engageons une personne pour une mission, nous lançons la procédure adéquate, explique le directeur financier. Nous avons encore eu un contrôle d’URSSAF dans les trois derniers mois et rien n’a été retenu contre nous ». Avant de concéder que, « travaillant au forfait et en raison de la spécificité du métier, l’amplitude des journées de travail peut s’allonger en fonction des événements ».

Recours devant l’Inspection du travail

L’inspection du travail saisie à La Rochelle, il s’avère que la direction du fort n’a jamais demandé de dérogation pour les heures supplémentaires. Et ce, en dépit de l’existence de contrats de 72 heures hebdomadaires. Depuis, les inspecteurs, qui ont demandé de nouveaux documents aux deux sociétés, poursuivent leur travail. Si elle le juge nécessaire, l’inspection peut adresser des procès verbaux avec amende pour les anomalies constatées, voire déposer une plainte en correctionnelle. Pendant ce temps, sur le fort, les sociétés Adventure et Visual ont tenté de cacher aux salariés le contrôle de l’inspection, raconte Fred Mousson. « Nous sommes donc retournés sur l’embarcadère pour les alerter, mais la plupart n’osaient pas parler, de peur de perdre leur emploi. Nous leur avons proposé de mener une action prud’homale ». Mais la situation est délicate car les intermittents, du fait de la longueur du tournage, réalisent un maximum d’heures. Conséquence, ils hésitent à s’élever contre ceux qui leur permettent d’atteindre plus facilement le quota des 507 heures payées par an, nécessaire pour prétendre aux Assedic. Pourtant, toutes les heures travaillées auxquelles ils renoncent représentent une perte de cotisations sociales pour l’Unedic. On retombe dans les travers du système, que reconnaissent la plupart des professionnels du spectacle.

Pour sa part, Nicolas Decroix regrette que certains intermittents ne cherchent pas à travailler davantage, une fois leur quota atteint. Il juge la réforme « dure mais nécessaire », et considère comme « suicidaire » les positions les plus radicales des intermittents. « Le gouvernement et les inspecteurs du travail doivent préciser la notion d’abus, dit-il. Surtout, il faut à tout prix éviter la guerre civile entre intermittents et employeurs. Concertons-nous, établissons un code de bonne conduite ». Pour les employeurs comme pour les intermittents, le « cas » fort Boyard constitue un test de leur capacité à changer un système de production audiovisuelle bien huilé, mais pointé du doigt par le ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon. Le 15 août, une rencontre avec Elisabeth Morin, la présidente de région proche de Jean-Pierre Raffarin, n’a débouché que sur de vagues interrogations sur la place de la culture dans la décentralisation.

Au loin, entre les îles, le fort Boyard retrouve sa quiétude. Les tournages se sont achevés il y a une dizaine de jours et seules s’y affairent encore les équipes de démontage. A terre, la mobilisation se poursuit. Réunis ce 18 août à La Rochelle, les membres de la Coordination préparent les prochaines actions via l’inspection du travail, dès le retour de vacances des équipes de direction d’Adventure Line et de Visual. L’énigme des contrats de travail du Père Fourras pourrait être résolue courant septembre.

Coup de chaud pour les intermittents du spectacle

Passion et bouts de ficelle, le quotidien des gens de spectacle

Petit abécédaire d’un régime gangrené, à l’usage d’un public néophyte

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter
TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
Soyez le premier à réagir à cet article !
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas