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29-04-2004
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Société
Europe

L’Italie tourne à l’ordinaire

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La campagne pour les européennes bat son plein en Italie. Silvio Berlusconi a réduit les impôts et amélioré la sécurité, lit-on sur les affiches. Le message de l'opposition est plus lapidaire : "Arrivez-vous à finir le mois ?". Rongé par la flambée des prix et contraint par des salaires au ras des pâquerettes, l'ordinaire des Italiens n'est pas à la fête. Reportage au pays de la vie chère, la "Caro Vita". (article publié le 29 avril 2004)
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Le jour s’est à peine levé que l’Isola s’active déjà. Dans ce quartier bobo du nord de Milan, les clochards quittent leurs abris nocturnes, au moment où les publicitaires et les mannequins rentrent aux bercails. Dans les rues, des nuées d’automobiles se pressent les unes contre les autres, les klaxons s’égosillent, les tramways sont combles, le trafic se paralyse lentement. C’est une journée comme les autres pour Angela, la concierge du 16 via Farini. De bon matin, elle s’active, arpente la cour en tous sens, interpelle bruyamment une locataire qui étend son linge sur la coursive, quelques étages plus haut, reçoit les livraisons, surveille les allées et venues de chacun "tous les jours de 7h45 à 18h30 sauf le week-end et ça depuis 15 ans !".

Menus travaux mal payés

Indiscrète, versatile mais aussi charmeuse et affectueuse, elle possède cette chaleureuse exubérance des gens du sud. Angela fait partie de cette génération qui a quitté le "paese", en l’occurrence la Basilicate, il y a une vingtaine d’années, pour rejoindre la riche ville du Nord afin d’y trouver du travail. Et les années, depuis, se sont écoulées très vite. Aujourd’hui, son fils cherche à vivre de sa musique et son mari conduit des bus. Le couple gagne, "dans les mois les plus fastes", 2 500 euros nets - 900 pour madame, 1200 pour monsieur. Le solde "vient d’ailleurs", de menus travaux mal payés en chantiers nocturnes non déclarés. Et malgré sa nature optimiste, Angela en vient parfois à douter de l’avenir, et à regretter le passé.

Peu de vacances, pas de week-end

"Tout a augmenté avec l’euro. Il y a deux ans, un billet de tramway coûtait 1500 lires, il est passé du jour au lendemain à un euro, presque 2000 lires. C’est pareil pour les fruits, les légumes ou les restaurants", explique-t-elle entre deux bouffées de sa cigarette matinale. "Tout le monde est concerné, seulement, nous, les ouvriers, ça change complètement notre vie au quotidien. On doit faire attention à tout, se retreindre sur tout, prendre 15 jours de vacances par an et ne jamais partir en week-end". Et c’est bien cette dégradation du niveau de vie que cherchent à enrayer les associations de défense des consommateurs, les syndicats, les partis de gauche, la presse et même une frange du gouvernement.

Les ministres s’inquiètent

À commencer par le ministre de l’économie qui regrette qu’avec le passage à l’euro, les prix des biens de consommation courants n’aient pas été seulement arrondis mais doublés, dans certains cas. Son homologue chargé de la défense enfonce le clou : l’euro appauvrit purement et simplement la population. Presque un comble pour le seul grand État à s’être acquitté d’une euro-taxe pour adhérer à l’Union européenne. "Tout le monde est d’accord sur le pronostic mais rien ne change", constate Angela. Et dans les faits, il ne se passe pas une semaine sans que quelque chose vienne rappeler aux Italiens que l’euro ne leur fait pas de cadeau.

La population voit rouge

Récemment, les associations - multiples - de défense des consommateurs estimaient que l’augmentation des prix depuis l’instauration de la monnaie unique avait déjà coûté 2800 euros à chaque famille. Une autre, l’adusbef a fait les comptes dans le détail : le coût des courses alimentaires a grimpé de 12,1%, les frais d’habillement de 9,1%, les services bancaires de 6,7%, le café et les cigarettes de 4,4%, les transports ferroviaires et le gaz de 3,9% et enfin l’électricité de 2,6 %. En un an, pour l’observatoire des prix agricoles Ismea, le prix du kilo de pommes de terre a gagné 34,6 % tandis que les légumes très convoités par les ménagères méditerranéennes, les poivrons et les aubergines notamment, enregistrent des hausses record de plus de 50%. Alors forcément la population a vu rouge. Elle a suivi l’appel des associations pour faire la grève : une journée sans achat. Sans grands résultats si ce n’est d’encourager les supermarchés à exploiter l’argument du carovita pour multiplier les promotions spéciales réservées "aux clients fidèles", les autres se rabattant sur les enseignes discount (lire encadré).

La vie chez la Mamma

"Cette année, deux familles qui étaient là depuis huit ans ont dû quitter l’immeuble pour trouver un logement moins cher en dehors de la ville. Elles ne suivaient plus au niveau du loyer", explique Angela. Effectivement, dans l’immobilier, les hausses s’avèrent salées. Sur les dix dernières années, le cabinet immobilier Nomisma les estime à 77,3% pour Rome, à 42,8% pour Milan ou à 74% pour Venise. Alors les listes de candidats à l’exil périphérique ou provincial s’allongent. L’un d’eux, Antonio, 34 ans, est technicien de surface. Il nettoie des cuves d’usines d’acétate tous les jours. "Un boulot dur". Il occupe avec sa mère retraitée un appartement à 400 euros par mois dans un HLM de Verbania, commune en bord du Lac Majeur. Là-bas, on se réveille et mange à heure fixe. Cette fréquentation prolongée du giron maternel est monnaie courante, souvent pour des raisons plus économiques qu’affectives. "Elle me saoule, mais avec mon salaire de 800 euros et elle avec sa petite retraite, on irait pas loin l’un sans l’autre".

L’exil ?

Avec le temps, il s’est habitué aux petites attentions de maman et repousse sans cesse le projet de trouver l’âme s ?ur. "Parce qu’avec un budget mensuel de 200 euros, une fois les factures payées, on ne fait pas grand-chose", Antonio sort peu, lit parfois et surtout achète du matériel high-tech (téléphones, appareils photos, ordinateur, etc..). Matériel qu’il revend à une fréquence régulière au commerçant à qui il l’a acheté, dans le seul dessein d’en acquérir du neuf. "Je m’occupe sans que ça ne me coûte trop cher finalement", se justifie-t-il tout en admettant ne pas avoir un réel besoin de ces gadgets. Et l’avenir ? "Je pense depuis un moment déjà à travailler en Suisse comme ma soeur. La frontière est à deux pas, et les salaires sont cinq fois plus élevés qu’ici. De toute façon j’y serai bientôt contraint...", conclue-t-il, songeur...

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  • Vous avez approché dans votre article "l’Italie tourne à l’ordinaire" une réalité mal connue des français concernant la précarisation (vilain mot) de l’emploi en Italie.

    Je vais vous apporter mon témoignage qui rejoint ce qui a été décrit dans l’article. J’ai vécu une année d’études à Bologne, ville richissime aux disparités économiques importantes. Je vivais dans un minuscule appartement avec un Italien (du Sud). Ce dernier est particulièrement brillant, bardé de diplômes mais n’a pas trouvé de travail dans son secteur (communication). Résultat : pour vivre, il a passé quelques concours de l’administration publique. Il a été reçu haut la main pour un travail de peu d’intérêt, au cadastre, et payé 1000 euros par mois. Petite somme mais emploi à vie me direz-vous ? Eh bien non, son contrat est un CDD renouvelable à l’envi tous les ans. Impossible de se projeter dans l’avenir dans des conditions. Et obligation de vivre en colocation, à 35 ans...

    Dans un cas comme celui-là (et ils sont nombreux), deux projets de vie possibles : rester célibataire pour espérer être propriétaire un jour, ou bien vouloir des enfants et louer un appart sordide en lontaine banlieue. Ok, c’est un peu caricatural mais ça recouvre une certaine réalité.

    Revenons à notre Italien : il a acheté un appart en plein centre de Bologne pour 100000 euros (bonne affaire). Il s’est endetté pour 25 ans. Il aura 60ans. Et les enfants alors ? Notre Italien est un chanceux : il est homosexuel.

    Des gens brillants et pauvres en Italie, vous en rencontrerez des tonnes.

    Heureusement qu’ils habitent dans le plus beau pays du monde, la pilule passe mieux.

    15.05 à 14h09 - Répondre - Alerter
  • Bravo pour votre initiative d’information indépendante, j’apprécie à leur valeur votre ton et l’angle avec lequel vous abordez vos sujets, j’aime bien l’idée générale de mettre les gens en face de leurs responsabilités, je trouve ça drôle, en particulier le "marketing expliqué à ma mère" (ma mère aussi adore) et votre idée de "cochon qui s’en dédit" (un peu "maigrichonne" néanmoins). Je n’ai rien à dire sur l’Italie en particulier, si ce n’est qu’en lisant votre dossier m’est venue l’idée que je voyais la France un peu pareil, c’est-à-dire dans une phase moins métastasée, mais pas moins virulante. J’ai sur mon bureau un paquet de 1 000 agraphes de marque "Bébé", que j’ai achetées 4 francs 20 quelques mois avant le passage à l’euro chez un artisan libraire, donc plutôt cher, je ne dispose pas du prix en euro de ce même paquet actuellement mais il a augmenté c’est sûr, j’irai constater de combien et je vous laisse le soin de le constater vous-même. Mais les médias ne parlent pas d’inflation, et les politiques non plus. Ne parlons pas des loyers qui flambent, à Nantes, Grenoble, Lille ou Paris. Ne parlons pas de la traque aux précaires, de l’énergie déployées et des fortunes pour sortir les plus expérimentés en "pré-retraite", de la question des retraites ou du "trou" de la Sécu, de la réforme fiscale. L’économie détermine le social bien sûr, et j’apprécie votre lorgnette "société". Mais l’économie est elle-même présupposée par le politique, et la crise économique et morale qui ravage l’Italie est aussi une conséquence du délitement politique, n’est-ce pas ? D’une façon générale je regrette que vous n’abordiez pas davantage l’économie en expliquant ce que disent et préconisent tels ou tels femme ou homme politiques (par exemple Français, mais pas seulement) des options économiques à encourager pour régler les problèmes de société, qui sont au fond les mêmes à Milan, Lyon ou Barcelone, et pas si nombreux que ça. Cet éclairage permettrait d’alimenter votre rubrique "cochon qui s’en dédit", et servirait votre engagement éditorial je crois, en montrant que les options économiques sont certes un choix de société, mais que ces choix dépassent les clivages "gauche/droite" et relèvent de notre responsibilité universelle, et de constance républicaine. Bravo pour ce numéro sur l’Italie qui roule à l’ordinaire. A quand un numéro sur la France qui roule au gazoil ?

    4.05 à 12h16 - Répondre - Alerter
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