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énergies des 2 mains

Par LeG-Guil
7-01-2011

Europe : les dessous de la précarité énergétique

Les réseaux énergétiques européens sont mal reliés. En cas de pic saisonnier comme actuellement, les opérateurs s'engagent dans une guerre des prix pour des réseaux "nationaux". Cette vulnérabilité laisse-t-elle présager des scénarios à venir, ceux du Pic ? De quelle économie parlerons-nous alors ?

« Les cours du pétrole entrent dans une zone dangereuse pour l’économie mondiale », a déclaré Fatih Birol, l’économiste en chef de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) au Financial Times, mercredi 5 janvier 2011. « Les factures d’importation de pétrole deviennent une menace pour la reprise économique. C’est un signal d’alarme aux pays consommateurs de pétrole et aux producteurs », a-t-il ajouté.

Cet avertissement de l’AIE, vitrine politique de facto de l’industrie pétrolière, alors que l’on s’achemine allègrement vers un baril à 100 dollars, est peut-être avant tout le signe de la fragilité énergétique européenne. Après la récente vague de froid et avec de basses températures encore prévues cet hiver en Europe du Nord, il est très probable de voir une offre d’hydrocarbures fortement mise sous pression. Le prix de gré à gré du gaz a par exemple déjà doublé en moins d’un mois. Mais cette restriction de l’offre intervient malgré de fortes productions de gaz et de pétrole.

L’Europe s’est dotée de terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL), ce qui devrait lui assurer un accès facilité à la production mondiale. En Russie, la production est stable et la situation vers l’« étranger proche » russe ne semble pas immédiatement conflictuelle.

Pourquoi alors, du fait d’une offre limitée, les prix flambent-ils ? La réponse à court terme, et petite échelle, semble être dans le manque d’intégration des réseaux gaziers européens, vulnérables à tout imprévu tels… qu’une vague de froid polaire, ou le moindre éternuement dans la chaîne d’approvisionnement en gaz. Les réseaux nationaux ont en effet été construits pour des marchés nationaux, et restent cloisonnés, « protégés » les uns des autres.

Avec une énergie d’origine nucléaire qui stagne et à cause des multiples obstacles législatifs dressés par les groupements d’intérêt des grands groupes énergétiques, la dépendance de l’Europe au gaz va continuer de croître dans les années à venir. Mais l’ « entrée » du gaz dans le système énergétique – les tubes qui acheminent le gaz vers les centrales électriques qui alimentent votre ordinateur – n’a aucun centre de décision nodal. Autant dire « chacun pour soi » : des systèmes nationaux d’accaparement des intrants, développés dans un esprit de gigaproduction, à l’opposé de la mise en commun des énergies. Rappelons en ces heures où il est courant de remettre l’idée européenne en cause, que l’UE fut fondée, précisément sur une mise en commun énergétique. Aujourd’hui le manque d’interconnexion des câbles est tel qu’une coupure dans un pays ne peut souvent pas être comblée pas un réseau étranger. Celui des tubes est encore plus flagrant.

Connecter partiellement, à travers le continent, nos réseaux « gigawattiens », aux énormes capacités internes, pourrait finalement ne faire qu’empirer les choses, tout le monde tirant sur la demande énergétique en même temps (pic). Mais la loi du marché et des energy traders dominant, naturellement, l’approvisionnement énergétique de tous, l’on pourrait voir de plus en plus de supertankers, dont le prix du chargement augmente chemin faisant, finir par se dérouter pour aller au plus offrant, comme l’ont amèrement remarqué les employés du National Grid britannique, qui attendaient un supertanker de GNL que le Brésil a, en toute légalité, détourné. Il avait moins plu sur l’Amazonie et les barrages brésiliens produisaient moins. Et leurs inquiétudes sont justifiées : en période de forte consommation, le GNL représente 20 % des besoins du royaume. La moindre pénurie serait ressentie en quelques jours.

Les risques de ce fragile équilibre énergétique ne sont pas que liés au climat. Un choc géopolitique peut fermer les robinets ; et la compétition, notamment chinoise, est plus forte que jamais avec une demande qui a doublé au fil de l’année 2010, avec des Chinois qui se chauffent de plus en plus (on peut parfaitement passer un hiver à Shanghai avec des pulls sur le dos, c’était l’usage en Chine, jusqu’à récemment). Les prix élevés touchent de plein fouet une Europe qui se bat pour sortir de la récession tout en remboursant ses dettes. La part de l’énergie dans l’inflation constatée à travers l’UE est significative, et ceux qui espèrent une plus forte « croissance » s’inquiètent des prix élevés de l’énergie.

Ils n’ont pas fini de s’inquiéter. Car, alors que la dépendance augmente, il n’est pas évident que l’Europe soit la dernière à s’assurer l’approvisionnement dont elle a besoin. La pénurie physique, inéluctable à terme, pourrait intervenir, de façon épisodique, bien avant, et pour les raisons techniques évoquées de cette « guerre capitaliste pour les énergies fossiles ». Dans la décennie à venir les premiers rationnements, de pétrole et de gaz, pourraient être organisés. D’abord pour les industriels, dont les contrats contiennent déjà des clauses prévoyant que l’approvisionnement peut être interrompu dans des circonstances spécifiques. Puis pour les particuliers.

Si la transition vers une économie bas-carbone est un défi philosophique qui se pose à notre espèce, et qu’il faut saluer les initiatives prises par les gouvernements qui vont dans ce sens - quand elles ne furent pas de la simple communication, ou de la récupération, visant à avorter des filières embryonnaires – le paradoxe auquel nous nous trouvons est que les énergéticiens sont des opérateurs privés alors que la sécurité énergétique est un bien commun, et doit donc être traitée en tant que telle. Même si Garrett Hardin nous avait prévenu de la tragédie auxquels ils sont destinés. Il est en tous cas inquiétant de surprendre des « chef économiste » et autres analystes semblant désemparés par le fait que l’économie, telle qu’ils la conçoivent, va s’effondrer à mesure que les ressources énergétiques fossiles seront consumées.

Non, ça n’est plus « the economy », comme disait Bill Clinton, « it’s the energy, stupid ».

Pour rappel… un litre de pétrole équivaut environ à 4 jours de travail humain.

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