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Droits de l’homme et catastrophes nucléaires

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Droits de l'homme et catastrophes nucléaires
(Photo : une salle de classe à l'abandon dans une école de la ville fantôme de Pripyat, évacuée après la catastrophe de Tchernobyl. Crédit : Timm Suess / Flickr)
 
Comme les évacués de Tchernobyl, les évacués de Fukushima sont condamnés à refaire leur vie ailleurs. Du devoir d’informer au devoir de protéger.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Il faudra sans doute plusieurs années pour prendre la pleine mesure des conséquences de la catastrophe de Fukushima, et notamment des conséquences sanitaires du rejet de particules radioactives sur la population.

Par précaution, le gouvernement japonais a décidé d’évacuer les populations habitant dans un rayon de 20 kilomètres autour de la centrale. C’est sans doute insuffisant – les Etats-Unis recommandaient d’étendre ce périmètre à un rayon de 80 kilomètres autour de la centrale. Après la catastrophe de Tchernobyl, on avait évacué les populations vivant dans un rayon de 50 kilomètres autour du réacteur, et notamment la totalité de la ville de Pripyat. J’ignore quelle forme de compensation ces populations recevront, si elles en reçoivent une. Une chose est certaine en revanche : ces gens ne rentreront jamais chez eux. Les particules de césium 137 qui ont été rejetées par la centrale restent radioactives pendant 30 ans. Comme les évacués de Tchernobyl, les évacués de Fukushima sont condamnés à refaire leur vie ailleurs. Et je doute fort qu’on les ait avertis de cela quand on a procédé à leur évacuation – c’était courir le risque qu’ils ne veuillent pas partir.

Les Etats ont pourtant un devoir d’informer leurs populations dans ce genre de situation. L’ironie du sort veut qu’ils aient pris cet engagement à Kobe, au Japon, en janvier 2005. Ce devoir d’information est réaffirmé dans les principes directeurs sur la protection des droits de l’homme dans les situations de catastrophes naturelles, publiés au début de cette année par le Comité Permanent Inter-Agences (IASC).

Si je mentionne ceci, ce n’est certainement pas pour accabler le gouvernement japonais, mais parce que je pense qu’il est utile de s’interroger sur la conception que les Etats occidentaux se font de leur devoir d’information en matière de sécurité nucléaire. Dès qu’il s’agit de sécurité nucléaire, le devoir d’informer devient vite une obligation de rassurer, quitte confine parfois au mensonge éhonté.

Dès l’annonce du désastre, ministres et industriels se sont précipités, en France et ailleurs, pour minorer l’ « incident » et rassurer populations et actionnaires. Dans un pathétique concours de rhétorique des superlatifs, chacun assurait que son parc nucléaire était « le plus sûr du monde », dans lequel une catastrophe comme celle de Fukushima « n’aurait jamais pu se produire ».

Qui peut croire un seul instant ces mensonges ? Qui peut croire que le gouvernement japonais aurait mis en service la centrale de Fukushima, s’il avait pu prévoir le tremblement de terre du 11 mars ? Qui aurait pu prédire, au début de la construction de la central de Tchernobyl en 1970, à une époque à l’URSS envoyait dans l’espace le Spoutnik et Youri Gagarine, l’état de délabrement et de déréliction dans laquelle elle se trouverait en 1986 ? Qui pouvait croire, une fois la catastrophe avérée, que le nuage radioactif qui recouvrait l’Europe s’arrêterait comme par magie aux frontières de la France ? Qui peut encore croire, aujourd’hui, à ces parcs nucléaires « les plus sûrs du monde », à l’impossibilité de la catastrophe ?

Si les Etats mentent si souvent à leurs citoyens en matière de sécurité nucléaire, ce n’est pas seulement à cause des intérêts économiques considérables qui sont en jeu. C’est aussi, je crois, pour masquer le fait qu’ils ont souvent failli à leur devoir premier, qui est la raison d’être de leur existence : celui de protéger leurs citoyens.

Et en effet, qu’apprend-on aujourd’hui ? Que la Suisse, l’Allemagne, et d’autres, sont pris de remords, et suspendent leur programme nucléaire pour revoir les procédures de sécurité. Que le gouverneur de l’Etat de New York, Mario Cuomo, veut fermer la centrale d’Indian Point, parce qu’elle est construite sur une faille sismique. Que la centrale de Diablo Canyon, en Californie, ne dispose pas d’un plan de secours en cas de tremblement de terre. Que parmi les prochains candidats à l’acquisition de centrales nucléaires, on trouve le Chili, qui a enregistré l’an dernier l’un des plus forts tremblements de terre de l’Histoire, ou le Bangladesh, sujet non seulement aux tremblements de terre, mais aussi à des inondations récurrentes et catastrophiques, qui seront demain aggravées sous l’effet du changement climatique.

Trop souvent, l’Etat a manqué à son devoir de protéger. Les centrales nucléaires apparaissent aujourd’hui bien vulnérables et fragiles face aux catastrophes et au terrorisme, sans même aborder la question des déchets. Plus largement, le simple recours à l’énergie nucléaire constitue-t-il, pour l’Etat, un manquement à son devoir de protection ? C’est, au fond, la question que beaucoup posent aujourd’hui.

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François Gemenne est directeur du projet « Politiques de la terre à l’épreuve de l’anthropocène » au Médialab de Sciences Po, et chercheur en science politique à l’université de Liège et à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (CEARC). Il est notamment l’auteur de ‘Géopolitique du Climat’ (Armand Colin, 2015).

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  • Attention !
    Le césium 137 n’a pas une durée de vie de 30 ans mais de 300 ans. En effet, 30 ans correspondent à la "période" du césium 137, c’est à dire la durée de temps pendant laquelle le césium perdra la moitié de sa radioactivité. On considère généralement qu’il faut 10 périodes pour que le produit ne soit pratiquement plus radioactif. L’impact des retombées de césium et des autres radioéléments sur le Japon dépassera donc largement la durée de vie des générations actuelles.

    23.03 à 08h20 - Répondre - Alerter
  • Je pense, au contraire, que cette chronique soulève de vraies problématiques. Qui vous parle de "tsunami de 14 m en France" ? et que répondez-vous aux futures centrales chiliennes ou aux nombreuses centrales nucléaires dans un état de sécurité critique ?
    Je trouve que le point de relation entre les droits de l’homme et les catastrophes nucléaires est très sensible mais essentiel.
    Jusqu’à présent aucun citoyen n’a le droit de choisir le type d’énergie produite et fournie près de chez lui - pire, nous sommes tous conscients que les lobbys ne permettront certainement jamais que ce débat s’installe.
    Ne soyez pas si réac et réfractaire à toute ouverture de réflexion...n’oublions pas que les hommes sont en mesure de trouver des solutions alternatives !
    Vous évoquez l’esprit scientifique...si la science est votre modèle et le nucléaire votre mentor, je vous remercie de bien vouloir expliquer comment cette combinaison si parfaite, permet que de telles catastrophes se produisent ?
    Nous ne sommes pas dupes et encore moins blasés et découragés, juste déçus une nouvelle fois, maintenant il faut agir et prendre des décisions... c’est trop facile d’accepter et de se taire... encore plus quand cela se passe loin de chez nous !
    Les gouvernements et les industriels n’ont plus le droit de jouer avec l’incontrôlable, sous couvert que sans le nucléaire ils ne seraient plus si puissants ! Voyez jusqu’où cette puissance nous mène... il faudrait ne plus croire en la Vie pour défendre une telle position pro-nucléaire.
    Prenons notre courage à deux mains, réagissons et avançons !
    De l’envie, des scientifiques, des sociologues, des industriels responsables et toutes les parties prenantes intelligentes imaginables doivent se concerter et trouver des solutions ensemble. Si vous n’y croyez pas, laissez-nous avancer. Quand vous serez face aux résultats produits vous comprendrez qu’il était nécessaire et possible de trouver une nouvelle intelligence de consommation durable !

    22.03 à 21h21 - Répondre - Alerter
  • à ma connaissance, personne n’a jamais prétendu que les centrales nucléaires ne présentaient aucun risque. Vous utilisez la catastrophe de Fukushima pour condamner sans nuance le nucléaire, en oubliant un peu vite les milliers de morts et les centaines de milliers de "réfugiés climatiques" que pourraient causer un abandon du nucléaire, dont la conséquence inéluctable serait un énorme accroissement des émissions de CO2 par les centrales à charbon ou à gaz qui s’y substitueraient immanquablement. Ce ne sont pas les éoliennes (qui fonctionnent 20 à 25% du temps) ni le photovoltaïque (qui coûte 10 à 15 fois plus cher) qui pourront remplacer le nucléaire.
    Par ailleurs, je serais curieux de savoir comment vous pouvez supposer qu’un tsunami de 14 mètres est possible en France ?
    Il serait souhaitable de faire preuve d’un peu plus d’esprit scientifique...

    22.03 à 18h01 - Répondre - Alerter
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