Une déclaration finale adoptée avant la fin du sommet ?
Ce mercredi, débarquaient 86 chefs d’Etat et de gouvernement (dont François Hollande). Mais les négociateurs, eux, n’ont pas attendu. Cela fait plusieurs jours – mois en comptant les négociations préliminaires – qu’ils bûchent sur un document de travail. Un consensus a été finalement trouvé mardi soir. Nom de code ? « L’avenir que nous voulons ». Mais pourquoi tant de précipitation ? « Les Brésiliens voulaient absolument un accord même au plus petit dénominateur commun et ce avant l’arrivée des chefs de l’Etat, souligne Pierre Radanne, président de l’association 4D. Pour éviter que, comme ça s’est passé à Copenhague, les chefs d’Etat, qui ne maîtrisent pas complètement le sujet, se retrouvent à décider les lignes d’un texte imprécis que leur propres négociateurs refusent ensuite. »
Sera-t-elle adoptée telle quelle ?
Après tout, il reste encore deux jours de Sommet. A priori, les chefs d’Etat et de gouvernement n’iront pas mettre leur grain de sable. Car si l’on rouvre la boîte de Pandore « les pays qui pensent avoir avalé des couleuvres ne manqueraient pas de dire qu’ils sont mécontents. Ça repartirait dans tous les sens », poursuit Pierre Radanne.3 mauvais points
Négatif, tout le monde l’est. « Mauvais » pour Pierre Radanne, le texte déçoit Serge Orru, directeur général de WWF France : « Les Brésiliens jouent mieux au ballon qu’à l’environnement », souligne-t-il. Kumi Naidoo, le directeur exécutif de Greenpeace International parle d’un « échec retentissant » et l’association Care d’un « trou noir » avec « un manque d’ambition et une absence de substance ». Mais qu’y-a-t-il donc dans cette déclaration qui fasse pleurer tous les acteurs du secteur ?
Une impression de déjà-vu
« Ce texte entérine des engagements déjà pris. Au fond, on a enlevé tous les points qui fâchent et on a gardé que les choses sur lesquelles on est déjà d’accord, c’est-à-dire les choses auxquelles on s’est déjà engagé par ailleurs », regrette Sébastien Treyer, directeur des programmes pour l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).
Le mouvement, c’est pas maintenant
Pour Jim Leape, directeur général de WWF International, c’est la forme du texte qui pêche : « Les diplomates pratiquent maintenant la langue de bois… Et utilisent des formules alambiquées comme “engagés à réaliser progressivement” ou font de nombreuses promesses de “reconnaître” les problèmes et leurs solutions », explique-t-il dans un communiqué.
La croissance verte à la trappe
Pour certains, c’est un recul, pour d’autres, un soulagement. Toujours est-il que le texte réduit à la portion congrue le concept d’économie verte porté par les pays industrialisés. Les pays du Sud soupçonnaient pour leur part une manœuvre des pays riches pour imposer leur savoir-faire et leurs technologies. Mais pour Pierre Radanne, l’économie verte est aussi un moyen de répondre à la crise. « Le prix des ressources naturelles va augmenter, compte tenu de l’augmentation de la demande mondiale et parce que les énergies vont être de plus en plus difficiles d’accès. Or, la réponse à la crise, ce sont justement les renouvelables, les changements de conditions de vie. Mais ces éléments-là n’ont pas été constatés et repris dans le texte », regrette l’expert.
3 bons points
La société civile prend de plus en plus de place
A travers la déclaration, les pays se fixent pour objectifs d’« améliorer la participation et l’engagement effectif de la société civile (…) dans les forums internationaux appropriés » et de « promouvoir la transparence et une large participation publique ». De belles paroles ? Peut-être. Pour Pierre Radanne, le changement se lit déjà dans le renforcement du Conseil économique et social et dans le remplacement de la Commission en Conseil du développement durable dans laquelle « la société civile sera mieux représentée ».
Moins optimiste, Sébastien Veyer applaudit néanmoins les journées du dialogue organisées par la présidence brésilienne. Soit 3 jours de conférences au terme desquelles le public avait le droit de voter pour soumettre des recommandations qui seront remises au gouvernement ce jeudi. « C’est une expérimentation intéressante de dialogue avec la société civile, il s’agit d’essayer de saisir la volonté de la population directement et pas seulement à travers la représentation par les diplomates », souligne l’homme de l’Iddri. « Cela va être inscrit dans le compte-rendu de la conférence, on pourra s’y référer », ajoute-t-il.
La haute-mer enfin protégée ?
La haute-mer, ce sont les mers et les océans situés au-delà des limites territoriales des pays. Soit 45% des eaux du globe ! Aujourd’hui, la protection de ces ressources contre les excès de la pêche ou les forages des grands pétroliers et gaziers n’est prévue par aucun texte. « On a fixé une balise dans le temps pour 2015, confie Pierre Radanne. Sébastien Treyer, de l’Iddri, interprète les choses autrement : « Le texte, tel qu’il est présenté là, dit que peut-être en 2014, à la prochaine Assemblée générale des Nations unies, il faudrait qu’ils décident s’ils font quelque chose pour lancer un processus de négociation. C’est vraiment très très en retrait. »
Des Objectifs du développement durable en ligne de mire
C’est LA grande avancée de Rio. Là encore, une échéance a été fixée à 2015. « C’est pas gagné mais au moins l’échéance est claire, le processus bien défini. Cela a des chances d’avancer », souligne Sébastien Treyer. « Ce qui est intéressant c’est que ces Objectifs posent la question de buts universels. Les Objectifs du Millénaire concernaient les pays en développement, ceux de la convention climat (à travers le protocole de Kyoto notamment, ndlr), les pays développés. Là, c’est à l’échelle de la planète. »
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